Guinée : passé et avenir en reconstruction au procès du massacre du 28 septembre 2009

FIDH

Le procès historique pour le massacre du 28 septembre 2008 au stade de Conakry s’est ouvert le 4 octobre 2022. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du citoyen (OGDH) et l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre 2009 (Avipa) se sont constituées parties civiles au procès. Ensembles, elles sont mobilisées aux côtés des plus de 600 victimes qu’elles accompagnent depuis près de 13 ans, avec le soutien de l’Union Européenne (UE). Retour sur cette longue bataille juridique et humaine.

I – Prologue au désastre : contexte politique avant le massacre

Le 22 décembre 2008, le Président Lansana Conté, à la tête de la Guinée depuis 24 ans, décède. Quelques heures après, des putchistes, dont le général de brigade Sékouba Konaté, le général de division Mamadouba Toto Camara et le capitaine Moussa Dadis Camara, s’emparent du pouvoir et annoncent à la radio la suspension de la Constitution, des institutions de l’État, de la vie politique et syndicale ainsi que la création d’un Comité militaire, le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD). Le 24 décembre 2008 au soir, après avoir défilé dans la capitale sous les applaudissements des passant⋅es, le porte-parole de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, entouré des membres du CNDD, s’autoproclame Président de la République. Dès le jour même, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine (UA) condamnent cette prise de pouvoir anticonstitutionnelle.

Moussa Dadis Camara promet alors un processus de transition devant aboutir à l’organisation d’élections législatives et présidentielles en 2009. Le tout serait supervisé par le Conseil national de transition, un organe qu’il met lui-même en place. Il s’engage également aux côtés de son Premier ministre, le banquier et consultant international, Kabiné Komara, à ne pas se présenter aux élections. Pourtant, dès janvier 2009, la question de la participation de Moussa Dadis Camara et du CNDD aux élections commence à se poser. Des tensions apparaissent avec les Forces Vives de la Nation, une coalition regroupant des syndicats, des organisations de la société civile, des acteurs sociaux et des des partis politiques. Face au risque de confiscation de l’élection, les Forces Vives commencent à mobiliser leurs partisan·es à partir du milieu de l’année 2009 et appellent à manifester le 28 septembre 2009 contre une éventuelle candidature de Moussa Dadis Camara en vue de l’élection présidentielle.

II – Le massacre du stade de Conakry le 28 septembre 2009

Le 28 septembre 2009, environ 50 000 personnes se sont regroupées au stade de Conakry pour manifester contre la candidature de Moussa Dadis Camara, à l’appel des Forces Vives guinéennes. Peu avant midi, plusieurs centaines d’agents des forces de sécurité guinéennes, dont des membres de la garde présidentielle communément appelés les « bérets rouges », ont ouvert le feu sur des dizaines de milliers de personnes rassemblées pacifiquement. La répression est sanglante et provoque choc et effroi : au moins 156 personnes sont tuées et 109 femmes victimes de viol ou d’autres formes de violences sexuelles y compris mutilations sexuelles et esclavage sexuel. Des dizaines de personnes sont restées portées disparues.

Les forces de défense et de sécurité guinéennes en charge de la répression se sont livrées à des exactions massives. Des manifestant·es qui cherchaient à fuir ont été tué·es, d’autres ont été poignardé·es ou roué·es de coups dans le stade de même que systématiquement pillé·es lorsqu’ils ou elles passaient devant les forces de sécurité. Des centaines de femmes ont été violées et/ou agressées sexuellement. Des femmes ont été enlevées du stade et du centre médical de Ratoma par des bérets rouges et détenues à des endroits différents comme esclaves sexuelles pendant plusieurs jours.

III – Face à l’horreur et ses répercussions, la qualification des crimes

Le jour même du massacre et face à l’ampleur des crimes le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, institue une Commission d’enquête internationale. Dans son rapport la Commission des Nations Unies établie que les violations des droits humains commises le 28 septembre 2009 et les jours suivants par les forces de défense et de sécurité sont constitutifs de crimes contre l’humanité. « Ces crimes s’inscrivent dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique lancée par la Garde présidentielle, des gendarmes chargés de la lutte anti-drogue et le grand banditisme et des miliciens, entre autres, contre la population civile ».

La FIDH et l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme et du Citoyen (OGDH), son organisation membre réagissent pendant la journée du massacre en appelant à l’arrestation de Dadis Camara. Ensemble elles ont mené plusieurs missions d’enquête en Guinée à la suite du massacre du 28 septembre 2009. Dans un rapport publié un an après le massacre, la FIDH et l’OGDH font état, par de multiples témoignages, des violations commises par les forces de sécurité guinéennes le 28 septembre 2009 et durant les semaines suivantes. « L’analyse des faits prouve la planification des exactions (organisation des unités, coordination des opérations, présence sur les lieux de hauts responsables de la gendarmerie et de l’armée et des plus proches collaborateurs du capitaine Dadis Camara, etc) et met en exergue la responsabilité présumée des plus hautes autorités de l’État dans les graves violations des droits de l’Homme perpétrées le 28 septembre et les jours suivants, qualifiées par la Commission internationale d’enquête des Nations unies de crimes contre l’humanité ».

Dans l’ordonnance des juges nationaux d’instruction, il est précisé que les faits ont été commis par « les bérets rouges de la garde présidentielle et des miliciens en civil [qui] investissaient l’enceinte du stade. Les premiers tirant des rafales d’armes automatiques sur la foule, pendant que les seconds bastonnaient, torturaient et poignardaient les manifestant·es. Ils commettaient également plusieurs infractions, dont, entre autres, des assassinats, des meurtres, des coups et blessures volontaires, des viols et d’autres violences sexuelles. Les jours suivants, certains militaires, gendarmes et autres miliciens ont aussi commis des pillages, des séquestrations et autres actes de torture sur des personnes dans différents camps militaires, certains quartiers de la capitale, notamment à Cosa, Bambéto, Donka et également aux domiciles de certains leaders des forces vives ».

IV – Évènements et crise politique après le massacre

Des informations et des images décrivant la gravité et l’horreur des faits sont rapidement diffusées dans la société civile guinéenne et au-delà des frontières nationales. Le pouvoir politique ne peut ignorer les faits. Les défenseur·es des droits humains se mobilisent rapidement pour soutenir les victimes et leurs familles, recueillir leurs témoignages et ainsi documenter l’étendue des violations commises. Le rapport conjoint de la FIDH et de l’OGDH mentionné plus haut relate les évènements survenus après le massacre en ces termes :

 « Le 2 octobre, face à la réprobation internationale unanime, les autorités décident de reconnaître partiellement les événements et restituent aux familles 39 corps totalement in-identifiables.
 Le 25 novembre 2009, une Commission d’enquête des Nations unies se rend en République de Guinée et au Sénégal pour rencontrer les victimes et les acteurs des événements du 28 septembre 2009.
 Le jeudi 3 décembre 2009, alors que la Commission vient d’entendre pendant plusieurs heures le président Moussa Dadis Camara sur sa version des événements du 28 septembre, ce dernier est grièvement touché par les tirs de son propre aide de camp, le lieutenant Abubakar Diakité, dit « Toumba ». Celui-ci avouera sur les ondes de Radio France internationale (RFI) avoir « tiré sur lui parce que à un certain moment il y a eu une trahison totale à mon égard » (…) « il a essayé de reposer toutes les charges des événements du 28 septembre en ma personne ». Sévèrement blessé à la tête, Dadis Camara est transféré au Burkina Faso puis au Maroc où il demeure en convalescence jusqu’à son retour à Ouagadougou le 14 janvier 2010 qui marque la fin de son règne sanglant.
 »

Des élections présidentielles sont organisées par le gouvernement de transition présidé par le général Sékouba Konaté. Après plusieurs affrontements pré-électoraux entre militant·es des partis des deux candidats présents au second tour de l’élection présidentielle, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo, et le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) d’Alpha Condé, opposant historique aux dictatures qui se sont succédées en Guinée depuis l’indépendance, ce dernier remporte les élections avec 52,5 % des voix.

IV – La longue marche vers les poursuites judiciaires en Guinée

Une Commission nationale d’enquête (CNE) a été mise en place par la junte en octobre 2009 pour faire la lumière sur les événements du 28 septembre. La CNE a officiellement pris ses fonctions le 3 novembre pour une durée de trois mois. Cette commission était composée de 23 membres nommé⋅es par décret présidentiel. Elle avait le pouvoir de placer en retenue administrative ou d’assigner à résidence toute personne « dès lors que la sauvegarde des preuves l’exige ». Une Brigade spéciale mixte Gendarmerie-Police était placée directement et exclusivement sous son autorité et avait le pouvoir d’exécuter les ordres de la CNE. Cette commission n’a pas été bien perçue par la population et la société civile qui voyaient en la CNE et sa brigade de police un moyen d’intimider les témoins plutôt que de les encourager à témoigner. Dans son rapport rendu le 2 février 2010, la CNE a désigné Toumba comme le principal instigateur du massacre et exonéré la responsabilité des autres dirigeants de la junte et en premier lieu celle de son chef, Moussa Dadis Camara.

Parallèlement, l’État guinéen a constitué, en février 2010, un pool de trois juges en charge d’instruire le dossier. De nombreux obstacles en ont cependant entravé les progrès, rendant son travail lent et irrégulier. L’instruction s’est achevée le 29 décembre 2017 avec l’adoption par les trois juges d’instruction d’une ordonnance de requalification, de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal criminel. Si deux inculpés ont bénéficié d’un non-lieu (le lieutenant-colonel Mathurin Bangoura, alors ministre des Télécommunications et des Nouvelles technologies de l’information et membre du CNDD, et le capitaine Bienvenue Lamah, alors instructeur du camp de Kaleah), les treize autres ont été renvoyés devant le tribunal criminel de Dixinn, à Conakry, qui jouit d’une compétence territoriale concernant les évènements en cause. Dans un pays où les crimes impliquant les forces de sécurité restent largement impunis, la clôture de l’instruction dans l’affaire du 28 septembre a envoyé un signal fort et levé les espoirs que l’ouverture d’un procès qui pourraient rendre justice aux victimes serait proche.

Parallèlement, se fondant sur les conclusions du rapport susmentionné, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé que la situation en Guinée faisait l’objet d’un examen préliminaire dès octobre 2009, confirmant sa compétence à l’égard des crimes visés par le Statut de Rome commis lors du massacre du 28 septembre, et notamment les actes constitutifs de crimes contre l’humanité. Cet examen préliminaire porte également sur l’existence et l’authenticité de procédures nationales relatives à ces crimes. En tant que juridiction de dernier recours, la CPI n’intervient que lorsque les tribunaux nationaux font preuve d’un manque de volonté ou de capacité à enquêter sur des crimes graves et de poursuivre leurs auteurs. Ces treize dernières années, le Bureau du procureur de la CPI a mené 21 missions à Conakry, essentiellement pour faire le point sur les progrès réalisés par les autorités nationales concernant d’abord la phase d’instruction puis d’organisation du procès sur les événements du 28 septembre 2009.

Plus de 450 parties civiles ont été constituées et une dizaine d’inculpations enregistrées lors de l’instruction, notamment grâce au travail de soutien apporté aux victimes et juges par les organisations de défense des droits humains travaillant auprès des victimes, dont la FIDH, son organisation membre en Guinée, l’OGDH et l’Association des victimes parents et amis du 28 septembre 2009 (AVIPA). Finalement la qualification de crimes contre l’humanité a été écartée par les juges instructeurs guinéens au profit de crimes ordinaires selon le code de procédure pénale guinéen. Cette requalification a été confirmée par la Cour Suprême guinéenne.

En 2018, un Comité de pilotage composé d’acteurs nationaux et internationaux en charge d’œuvrer pour l’organisation matérielle de ce procès a été institué sous la direction de Me Cheick SACKO, Ministre de la justice et Garde des sceaux guinéen d’alors. La première année de travail du comité a été encourageante. La mobilisation des fonds et l’identification du lieu pour la tenue du procès ont très vite avancées. Malgré ces premiers espoirs et après plusieurs reports, la date du 28 septembre 2022 a été finalement retenue pour l’ouverture du procès, soit treize ans après les faits. Après un énième report, le procès s’ouvre finalement le 4 octobre 2022.

V – La liste des accusés

À l’issue de l’enquête menée par les juges d’instruction, 14 personnes ont été mises en cause. Le jour de l’ouverture du procès, le 28 septembre 2022, 11 accusés étaient présents :

Moussa Dadis Camara, né le 29 décembre 1964 à N’zérékoré, Président de la République et chef du CNDD au moment des faits ;
Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 8 juillet 2015 ; inculpé de complicité de meurtres, d’assassinats, viols, pillages, incendies volontaires, vols à main armée, coups et blessures volontaires, outrages à agents de la force publique, tortures, enlèvements et séquestrations, non assistance à personnes en danger, violences sexuelles, attentats à la pudeur, détention illégale de matériels de guerre de première catégorie et de responsabilité de commandement des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques ;

Moussa Thiégboro Camara, né le 31 décembre 1968 à Beyla, Ministre secrétaire d’état en charge de lutte contre le grand banditisme, la drogue et des services spéciaux au moment des faits ;
Mandat de dépôt du 27 septembre 2022 ; inculpé de meurtres, d’assassinats, viols, pillages, incendies volontaires, vols à main armée, coups et blessures volontaires, outrages à agents de la force publique, tortures, enlèvements et séquestrations, non assistance à personnes en danger, violences sexuelles, attentats à la pudeur, détention illégale de matériels de guerre de première catégorie et de complicité de ces infractions ;

Claude Pivi alias Coplan, né le 20 janvier 1960 à N’zérékoré, Ministre de la sécurité présidentielle au moment des faits ;
Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 27 juin 2013 ; inculpé de coups et blessures volontaires, viols, pillages en réunion ou en bande, incendies volontaires, meurtres, tortures, et non assistance à personnes en danger et de complicité de toutes les infractions commises au stade du 28 septembre en 2009 ;

Colonel Abdoulaye Chérif Diaby, né le 26 février 1960 à Pita, Ministre de la santé au moment des faits ;
Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 13 septembre 2012 ; inculpé de non assistance à personnes en danger ;

Blaise Gomou, né le 12 janvier 1972 à N’zérékoré, Collaborateur direct de Moussa Thiégboro Camara au moment des faits ;
Inculpé de coups et blessures volontaires, meurtres et complicité de viols, pillages, incendies volontaires, vol à main armée, outrages à agents de la force publique, tortures, enlèvements et séquestrations, non assistance à personnes en danger, violences sexuelles, attentats à la pudeur, détention illégale de matériels de guerre de première catégorie ;

Aboubacar Diakité alias Toumba, né le 30 avril 1968 à Conakry, Médecin militaire ; aide camp de Moussa Dadis CAMARA au moment des faits ;
Mandat de dépôt du 14 mars 2017 ; inculpé de coups et blessures volontaires, viols, pillages en réunion ou en bande armée, incendies volontaires, meurtres, assassinats, tortures, non assistance à personnes en danger, de complicité de meurtres, assassinats, viols, pillages, incendies volontaires, vols à main armée, coups et blessures volontaires, outrages à agents de la force publique, tortures, enlèvements et séquestrations, non assistance à personnes en danger, violences sexuelles, attentat à la pudeur, détention illégale de matériels de guerre de première catégorie et de responsabilité de commandement des chefs militaires et autres supérieurs hiérarchiques ;

Cécé Raphaël Haba, né en 1978 à Tinkoro, Garde du corps de Toumba au moment des faits ;
Mandat de dépôt du 14 mai 2010 ; inculpé de meurtres, d’assassinats, viols, pillages, incendies volontaires, outrages à agents de la force publique, tortures, enlèvements et séquestrations, non assistance à personnes en danger, violences sexuelles, attentats à la pudeur, détention illégale de matériels de guerre de première catégorie et de complicité de ces infractions ;

Marcel Guilavogui, né en 1977 à Conakry, Adjoint de Toumba Diakité au moment des faits ;
Mandat de dépôt du 18 juin 2010 ; inculpé de meurtres, d’assassinats, viols, pillages, incendies volontaires, outrages à agents de la force publique, tortures, enlèvements et séquestrations, non assistance à personne en danger, violences sexuelles, attentats à la pudeur, détention illégale de matériels de guerre de première catégorie et de complicité de ces infractions ;

Mamadou Aliou Keita, né en 1987 à Kindia, Gendarme ;
Mandat de dépôt du 30 avril 2013 ; inculpé de viol sur la personne d’Assiatou Bah ;

Ibrahima Kalonzo Camara né en 1978 à Conakry, Gendarme ;
Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 28 octobre 2014 ; inculpé de coups et blessures volontaires, meurtre, complicité de viols, pillages, incendies volontaires, vols à main armée, outrages à agents de la force publique, tortures, enlèvements et séquestrations, non assistance à personnes en danger, violences sexuelles, attentats à la pudeur, détention illégale de matériels de guerre de première catégorie ;

Paul Mansa Guilavogui, né en 1970 à Conakry, Militaire ;
Mandat de dépôt du 22 mai 2015 ; inculpé de non assistance à personnes en danger, coups et blessures volontaires, tortures, séquestrations et injures ;

Les nommés : Alpha Amadou Balde, Sambarou Diamakan, Mamadouba Toto Camara, tous milliaires, bien que appelés par le Président du tribunal criminel étaient absents à l’audience. Selon des sources concordantes, le Colonel Sambarou Diamakan, Commandant du camp Alpha Yaya au moment des faits et le Général Mamadouba Toto Camara, ministre de la sécurité au moment des faits, inculpés et renvoyés également par devant le tribunal criminel sont tous décédés. Et le nommé Alpha Amadou Balde, secrétaire particulier du Commandant Toumba Diakité à l’époque des faits aurait bénéficié d’un non lieu au terme de l’enquête préliminaire.

VI – Déroulement du procès

Après l’ouverture du procès le 4 octobre 2022, la phase d’audition des 11 accusés s’est terminée le lundi 13 février 2023. Leurs auditions et interrogatoires ont duré plus de quatre mois.

La phase d’audition des victimes a débuté le 14 février 2023. Dix victimes ont été auditionnées au mois de février, six au mois de mars, sept au mois d’avril et vingt-quatre au mois de mai. La première audience s’est tenue publiquement, tandis que les quatre suivantes ont été réalisées à huis clos, à la demande des victimes et par l’intermédiaire de leurs avocat·es. À la barre, elles relatent en détails le déroulement des faits intervenus au stade de Conakry le 28 septembre 2009 et les jours suivants. Pour rappel, depuis le début du procès le 28 septembre 2022 nous sommes à 11 accusés et 47 parties civiles auditionnés.

Aujourd’hui, plus que jamais, le bon déroulement du procès du 28 septembre 2009 constitue un défi posé à la justice guinéenne qui, pour la première fois dans l’histoire du pays, juge des graves crimes des droits humains dont les auteurs présumés sont des éléments des forces de défense et de sécurité et des représentants de l’État. Ce procès pourrait constituer un tournant en brisant le cycle de l’impunité dont jouissent les auteurs présumés de violation des droits humains depuis des décennies en Guinée. Dans le contexte actuel de transition politique, le bon déroulement du procès du 28 septembre 2009 représente également un facteur d’apaisement qui pourrait contribuer à la reprise d’un dialogue politique, national, effectif et inclusif.

Cependant, la poursuite du procès est compromise depuis sa suspension le 29 mai en raison de problèmes de financements. En effet, les avocat·es de la défense et des parties civiles ont demandé au ministère de la justice une aide financière pour la défense de leurs client·es, la création d’un fonds pour payer les honoraires des avocat·es et une amélioration de leurs conditions de travail dans la salle d’audience. Leur demande n’ayant pas été satisfaite au 29 mai, les avocat·es ont annoncé la suspension de leur participation au procès. Leurs revendications ont finalement été entendues par le ministère de la Justice. Les audiences étaient censées reprendre mercredi 21 juin mais le procès a une nouvelle fois été reporté après que les gardes pénitentiaires aient déclenché une grève générale avec plusieurs revendications, « dont une augmentation des salaires, selon une déclaration faite à la prison civile de Conakry ».

La poursuite du procès est plus que jamais incertaine ainsi que l’espoir que la justice soit rendue pour les guinéen·nes.

VII – Archives / Pour aller plus loin

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28/02/23 Guinée : témoignage des victimes au procès du massacre du 28 septembre 2009
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