A cette occasion, nos organisations, aux côtés des victimes, appellent les autorités guinéennes à faire de cet anniversaire le dernier avant que justice soit faite.
« Cinq ans après les faits, nous demandons toujours justice. Beaucoup d’entre nous ont été entendus par les juges d’instruction, mais nous attendons plus que jamais des actes judiciaires forts, qui permettraient d’envisager la clôture de l’enquête judiciaire et la tenue d’un procès dans les meilleurs délais » a déclaré Asmaou Diallo, présidente de l’AVIPA.
Depuis l’ouverture d’une procédure judiciaire, en février 2010, près de 400 victimes ont été auditionnées par les magistrats en charge de l’affaire, mais à ce jour, seules 8 personnes ont été inculpées pour des faits pourtant commis par plusieurs dizaines d’éléments des forces armées, en particulier les bérets rouges.. M. Moussa Dadis Camara était le chef de la junte militaire alors au pouvoir pendant le massacre.
« L’impulsion nouvelle donnée par le ministre de la Justice, M. Cheick Sako, depuis sa nomination en janvier 2014, est encourageante et nous la saluons. Mais il faut maintenant qu’elle se concrétise, pour que l’attente de justice des victimes ne reste pas vaine et que l’impunité soit enfin enrayée en Guinée » a déclaré Abdoul Gadiry Diallo, membre de l’OGDH.
Au cours des derniers mois, de réelles avancées ont été enregistrées dans le fonctionnement de la justice. La mise en place d’un Conseil supérieur de la magistrature, installé en juillet dernier, la revalorisation en cours du statut des magistrats ou le lancement de la réforme de la justice sont autant d’éléments susceptibles de favoriser le travail des magistrats.
Ces évolutions ont été accompagnées de plusieurs avancées dans le dossier judiciaire au cours des dernières semaines, dont l’audition du directeur du stade de Conakry et de l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports et celle, sur commission rogatoire internationale, de Moussa Dadis Camara, réfugié au Burkina Faso. Ces nouveaux développements contrastent avec le rythme peu soutenu qui a longtemps prévalu dans cette procédure.
« Dans ce dossier, beaucoup reste à faire. Les récentes avancées constituent des signaux positifs, mais les juges doivent désormais accélérer la cadence pour que les personnes suspectées de crimes, à tous les niveaux de la hiérarchie, puissent être mis en cause. C’est à cette condition qu’un procès pourra être tenu dans des délais raisonnables et que la vérité pourra enfin être faite sur ces événements », a déclaré Souhayr Belhassen, présidente d’honneur de la FIDH.
Rendre justice aux victimes est d’autant plus urgent que déjà plusieurs d’entre elles sont décédées au cours des cinq dernières années des suites de leurs blessures ou de maladies sans avoir été rétablies dans leur droit.
Malgré les engagements du gouvernement, le manque de soutien financier et politique de la part de la Guinée a longtemps constitué un obstacle important dans l’avancée de l’enquête. Il faut maintenant que le gouvernement garantisse que toutes les personnes convoquées, y compris les éléments des forces de l’ordre et quel que soit leur grade, répondent aux convocations émises par les juges. A plusieurs reprises et malgré des convocations répétées, ces derniers n’ont pas pu entendre des personnes convoquées pour être interrogées sur les événements du 28 septembre.
La Cour pénale internationale qui avait ouvert, le 14 octobre 2009, un examen préliminaire et qui continue de suivre ce dossier avec attention, a déjà attiré l’attention des autorités nationales sur le nécessaire respect de mener cette procédure dans des délais raisonnables.
« Compte tenu du temps déjà écoulé et en l’absence de résultats probants dans les meilleurs délais, le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale pourrait demander l’ouverture d’une enquête sur ces crimes. Ce serait une mauvaise nouvelle pour la justice guinéenne et cela devrait l’encourager à mener cette procédure à son terme. D’autant que c’est la première fois, depuis la création de cette juridiction, que cet Etat a la possibilité de juger par lui-même les responsables de si graves violations des droits de l’homme », a déclaré Corinne Dufka, Directrice adjointe pour l’Afrique de l’Ouest de Human Rights Watch.