Les trois juges d’instruction chargés d’instruire, depuis le 1er février 2010, l’affaire du 28 septembre, ont inculpé le Colonel Claude Pivi pour son rôle dans les événements du stade de Conakry, où au moins 157 personnes avaient été tuées, et une centaine de femmes violées. M. Pivi doit maintenant être entendu sur le fond, dès la semaine prochaine.
« Depuis le début de l’instruction, les victimes que nous accompagnons dans cette procédure craignaient que Claude Pivi, en raison des fonctions qu’il occupe et de sa place dans la hiérarchie militaire, échappe à la justice. Hier, les juges d’instruction ont apporté un premier élément de réponse en l’inculpant formellement. M. Pivi est présumé innocent et il va désormais pouvoir préparer sa défense, mais c’est déjà une première victoire pour les parties civiles et plus largement dans la lutte contre l’impunité en Guinée » a déclaré Thierno SOW, président de l’OGDH.
M. Claude Pivi avait été nommé Ministre chargé de la Sécurité présidentielle par le capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte militaire au pouvoir en Guinée entre décembre 2008 et janvier 2010. Depuis, il a été maintenu à la tête de cette unité d’élite, qu’il dirige encore aujourd’hui. D’après le rapport de la Commission d’enquête internationale mise en place après les faits, M. Claude Pivi fait partie des personnes qui « pourraient être considérées comme pénalement responsable pour leur implication dans les événements du 28 septembre et des jours suivants ».
Nos organisations, constituées partie civile dans ce dossier, ont transmis aux juges des éléments accréditant notamment la présence et la possible responsabilité de M. Pivi dans des faits d’une extrême gravité à proximité du stade et dans différents quartiers de Conakry, dans la journée du 28 septembre et au cours des jours qui ont suivi.
La FIDH, l’OGDH, l’AVIPA et l’AFADIS qui ont pu rencontrer le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale à la Haye au mois de mai 2013, avaient exprimé leur préoccupation face à certaines pesanteurs au sein du système judiciaire, et relayé l’impatience grandissante des victimes, bientôt 4 ans après les faits. La Cour pénale internationale, qui a placé la Guinée sous analyse préliminaire après les événements du stade, avait conduit une huitième mission à Conakry au début du mois de juin pour évaluer l’avancée de l’enquête et faire des recommandations.
« Cette affaire est une opportunité pour la justice guinéenne de juger les responsables de graves violations des droits de l’Homme. La Guinée doit saisir cette occasion pour restaurer les victimes dans leurs droits et pour renforcer un système judiciaire qui a souffert de cinq décennies d’arbitraire » a déclaré Me Drissa Traoré, Vice-président de la FIDH.
Toutefois, nos organisations expriment leur préoccupation quant à la sérénité de la procédure judiciaire et la sécurité de ses acteurs ou des victimes qui ont témoigné dans ce dossier, en raison du poste qu’occupe M. Pivi aujourd’hui. Comme nos organisations l’avaient recommandé concernant le colonel Moussa Oumar Tiegboro Camara, inculpé en février 2012, ou le commandant Sekou Resco CAMARA, Gouverneur de Conakry, inculpé dans une affaire de torture en février 2013, qui ont tous deux été maintenus à leur poste, nous recommandons aux acteurs concernés de prendre toutes les dispositions afin garantir l’indépendance et l’impartialité du processus judiciaire en cours, dans le respect du droit à un procès équitable. Nous les invitons donc à envisager la mise à l’écart de ces hauts responsables, mis en cause pour des faits d’une exceptionnelle gravité.
La FIDH, l’OGDH, l’AVIPA et l’AFADIS soulignent que le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies a adopté, dans sa 23ème session tenue à Genève en juin 2013, une résolution sur la Guinée, incitant notamment le Gouvernement guinéen à « soutenir les travaux accomplis par le groupe de juges et accélérer les poursuites judiciaires à l’encontre des responsables des événements du 28 septembre 2009 ».
« Alpha Condé a fait de 2013 l’année de la justice, ce que nous avons salué. Aujourd’hui, au terme de la première moitié de cet exercice, la justice guinéenne envoie un signal fort avec l’inculpation de Claude Pivi, comme elle l’avait fait en février en inculpant le commandant Sékou Resco Camara, dans une autre affaire. Pourtant, la justice guinéenne devra aller plus loin et le gouvernement devra lui conférer un soutien plus important encore, pour que le bilan qui sera dressé en décembre soit positif. Car aux affaires symboliques de la lutte contre l’impunité de janvier et février 2007 ou du 28 septembre 2009 s’ajoutent désormais celle des violences qui ont sévit à Conakry au cours des manifestations des dernières semaines » a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH