Palestine : Salah Hamouri exhorte la Cour pénale internationale d’enquêter sur les crimes d’Israël à Jérusalem

Abbas Momani / AFP

Jérusalem, New-York, Paris. 16 mai 2022. Dans une nouvelle soumission à la Cour pénale internationale (CPI), l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri détaille des années de persécution et de nouvelles tactiques pour transférer de force les Palestinien·nes de Jérusalem-Est occupée. Il demande à la Cour d’accélérer l’enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés par des responsables israélien·nes, notamment en ce qui concerne le transfert forcé et l’expulsion des Palestinien·nes de Jérusalem-Est.

L’avocat et militant franco-palestinien Salah Hamouri, dernièrement réincarcéré, demande à la Cour pénale internationale (CPI) d’accélérer l’enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité par des responsables israélien·nes, notamment en ce qui concerne le transfert forcé et l’expulsion des Palestinien·nes de Jérusalem-Est. Dans une nouvelle communication à la CPI, il raconte des années de harcèlement et d’abus de la part du gouvernement israélien en raison de son militantisme et l’élargissement de ses tactiques, notamment la suppression de sa résidence à Jérusalem-Est, la séparation forcée de sa femme et de ses enfants, et maintenant son emprisonnement accompagné de menace d’expulsion.

« Aujourd’hui, je me trouve à la croisée des chemins la plus difficile de ma vie, du préjudice à l’exil, la détention sans charge et plus encore » a déclaré Salah Hamouri.

« L’occupation ne se limite pas à nous tuer, nous détenir et nous déplacer. Elle persécute nos rêves et les assassine. L’incertitude quant à l’endroit où je pourrais finir, une fois libéré, est une tornade de pensées qui me poursuivent quotidiennement. Elle affecte mon moral et mon état psychologique est comme des montagnes russes ».

Salah Hamouri, avocat et activiste palestinien

Le 7 mars, les forces israéliennes ont fait une descente au domicile de M. Hamouri et l’ont mis en « détention administrative », procédure par laquelle le gouvernement israélien détient des personnes sans les inculper. Son arrestation est intervenue un jour après la publication d’un article dans le magazine Jacobin décrivant les mauvais traitements infligés par les autorités israéliennes depuis son adolescence et la révocation de sa résidence en octobre 2021 pour un soi-disant « manquement à l’allégeance » envers Israël, la puissance occupante. Sa détention administrative a été prolongée de trois mois, et pourrait être renouvelée à plusieurs reprises, comme c’est la pratique d’Israël.

La demande de M. Hamouri, déposée en son nom par des avocat·e·s du Center for Constitutional Rights et de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), vient s’ajouter à un nombre croissant de preuves que le procureur de la CPI, Karim Khan, devra prendre en compte lorsqu’il envisagera d’inculper des responsables israélien·nes pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. La prédécesseure de Khan, Fatou Bensouda, a ouvert une enquête en mars 2021 sur les crimes commis sur le territoire de l’État de Palestine après un examen préliminaire de près de cinq ans.

La communication place le cas de M. Hamouri dans le contexte plus large des crimes commis quotidiennement, dans le contexte de la colonisation, contre les Palestinien·nes de Jérusalem-Est, incluant les expulsions forcées, les démolitions de maisons, les restrictions aux déplacements, la séparation des familles, les arrestations arbitraires et les violences commises tant par les forces israéliennes que par les colons.

« Nous exhortons le Procureur Khan de donner la priorité à l’enquête sur les crimes commis contre les Palestinien·nes et d’agir rapidement pour lancer des mandats d’arrêt dans des cas concrets, notamment pour les crimes commis à Jérusalem-Est occupée et le cas de Salah Hamouri.

Katherine Gallagher, avocate principale du Center for Constitutional Rights

« Le coût du retard, et avec lui, l’impunité continue, est payé quotidiennement – dans la perte de vies palestiniennes, et le refus de la sécurité et de la liberté des palestiniens », poursuit Katherine Gallagher, qui a déjà présenté des observations à la CPI au nom de victimes palestiniennes de persécution.

L’enquête de la CPI porte sur les crimes qui auraient été commis en Palestine – la bande de Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est – depuis le 13 juin 2014. Il s’agit notamment des démolitions de maisons par Israël et du transfert forcé de palestiniens de Sheikh Jarrah et d’autres quartiers de Jérusalem-Est occupée, où Salah Hamouri est né et où il se bat pour rester ; des crimes d’apartheid, de persécution et des crimes de guerre découlant du déni par Israël des droits fondamentaux des Palestinien·nes et de son projet de colonisation ; et des crimes commis au cours des assauts militaires d’Israël sur Gaza en 2014 et 2020, ainsi que du bouclage de 14 ans.

M. Hamouri travaille comme avocat pour l’association Addameer Prisoner Support and Human Rights, qui soutient les prisonniers politiques palestiniens détenus dans des établissements israéliens et palestiniens. Il s’est joint au boycott continu des tribunaux militaires par les 530 détenu·es administratif·ves palestinien·nes dans les prisons israéliennes.

« Le cas de Salah Hamouri établit un dangereux précédent pour l’escalade de l’occupation israélienne en matière de révocation de résidence et de détention administrative »

Sahar Francis, directrice générale de l'association Addameer Prisoner Support and Human Rights

Sahar Francis explique : « La persécution prolongée dont Salah fait l’objet constitue un crime de guerre et un crime contre l’humanité au sens du statut de Rome de la CPI. Il est impératif que la CPI, les autres instances internationales et les États interviennent immédiatement et exigent qu’Israël, en tant que puissance occupante, libère Salah et revienne sur sa décision de révoquer sa résidence. »

En 2021, il a été révélé que M. Hamouri faisait partie des défenseur·es palestinien·nes des droits humains dont le téléphone avait été infecté par le logiciel espion Pegasus. Il a conjointement déposé une plainte pénale à Paris contre la société israélienne NSO pour l’avoir illégalement surveillé via Pégasus.

« Il est urgent que les responsables de la persécution de Salah Hamouri et d’autres défenseur·es palestinien·nes des droits humains, y compris la société israélienne de cyberespionnage NSO, soient tenu·es pour responsables »

Alice Mogwe, présidente de la FIDH

« Tout en espérant que les tribunaux français agiront sur le cas de Salah Hamouri, nous exhortons le Procureur de la CPI à prendre des mesures d’enquête actives et concrètes afin de briser le cycle de l’impunité pour les auteur·es de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis en Palestine, y compris à Jérusalem-Est », poursuit Alice Mogwe.

Bien que M. Hamouri ait été arrêté et emprisonné à plusieurs reprises, d’abord lorsqu’il avait 16 ans, il n’a jamais fait l’objet d’un procès. En 2016, alors que sa femme était enceinte, le gouvernement israélien l’a expulsée vers la France et elle n’a pas pu se rendre en Palestine depuis lors, pas plus que ses deux enfants. Même avant son dernier emprisonnement, M. Hamouri a effectivement été empêché de voyager pour voir sa famille, car il risque de ne pas pouvoir retourner en Palestine. Il a contesté cette révocation devant les tribunaux après que le gouvernement ait révoqué sa résidence à Jérusalem-Est en vertu de la loi de 2018 sur la « rupture d’allégeance », le forçant à rester dans la zone du village de Kafr ’Aqab par crainte d’une expulsion forcée.

« Je suis avec vous aujourd’hui, et avec vos efforts. J’espère que mon rêve de continuer à vivre, libre, dans ma patrie, ne sera pas anéanti  » a ajouté M. Hamouri.

Le 2 janvier 2015, l’État de Palestine a adhéré au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) et, le 1er avril 2015, la Palestine est devenue le 123e État membre de la CPI. La Palestine a accordé à la CPI la compétence pour les crimes commis sur le territoire de Palestine, y compris Jérusalem-Est, depuis le 13 juin 2014.

Lire la soumission du 16 mai 2022 (en anglais) et visitez la page dédiée à l’affaire du Center for Constitutional Rights, l’une des organisations membres de la FIDH.

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