Sécurité précaire en Indonésie

10/11/1998
Communiqué

Aujourd’hui, le 10 novembre 1998, l’Assemblée consultative du peuple (Majelis Perusyawaratan Rakyat ou MPR) a ouvert une session extraordinaire de quatre jours pour adopter une nouvelle loi électorale, confirmer la tenue d’élections législatives en mai prochain, suivies d’une élection présidentielle en décembre, et réformer le système mis en place par le général Mohamed Suharto au cours de 35 ans d’un régime autocratique et militaire.

Le MPR doit adopter des réformes favorisant une meilleure représentation de l’ensemble de la population dans la gestion des affaires publiques. L’assemblée, mise en place sous le règne de Suharto, est composée de 1000 membres, dont 75 militaires et 500 membres nommés par l’ancien président.

Depuis la chute de Suharto, et comme aux derniers mois de son régime, des manifestations ont eu lieu presque quotidiennement à Jakarta et dans les principales villes d’Indonésie. Face à l’importance de l’échéance de cette semaine, les protestations pacifiques se sont multipliées ces derniers jours.

Les manifestants, principalement des étudiants, craignent que les réformes promises ne voient jamais le jour. Pour maintenir l’ordre, le gouvernement a mobilisé plus de 30.000 soldats et 125.000 miliciens civils, pour quelques milliers de manifestants. Ces miliciens appartiennent essentiellement à des organisations de jeunesse du Golkar, le parti officiel de l’ex-président. Il s’agit notamment de Permuda Panca Marga et de Pemuda Pancasila, deux organisations dont les membres ont, par le passé, été impliquées dans des actes de violence grave attribués au gouvernement. Loin de rassurer, la présence de ces milices inquiète la population. Selon certaines sources, de nombreux habitants de la capitale ne sortiraient pas de leur maison, de peur que les manifestations ne dégénèrent. Par ailleurs, sans donner d’instructions officielles et par mesure de précaution, les ambassades occidentales ont donné des consignes de prudence à leur ressortissants. L’atmosphère est, depuis 48 heures, très tendue à Jakarta et nombreux sont les observateurs qui craignent que le sang ne coule à nouveau en Indonésie.

La FIDH considère que ces craintes sont d’autant plus fondées que le gouvernement indonésien, sous le régime de Suharto comme depuis sa chute, a pris l’habitude de mêler des agents provocateurs aux manifestants non-violents, afin de susciter des troubles et, ainsi, de justifier la répression.

La FIDH rappelle l’enjeu que revêtent les discussions qui vont avoir lieu cette semaine au MRP et l’importance que l’ensemble de la société civile leur accorde. Dans les conditions actuelles, les risques que la situation dégénère sont importants. Depuis sa nomination, le gouvernement de Yusuf Habibie s’est présenté comme favorable au respect des droits de l’Homme et a pris de nombreux engagement verbaux dans le sens de l’instauration d’un état de droit. Toutefois aucune réforme fondementalme n’a vu le jour. La FIDH attend des autorités qu’elles respectent les engagements pris.

S’il incombe au gouvernement de maintenir la paix et la sécurité, alors que se tient un débat de première importance au parlement, la FIDH considère que les moyens choisis pour ce faire sont inappropriés et disproportionnés. L’organisation appelle donc le gouvernement indonésien à prendre toutes les mesures en son pouvoir pour garantir la sécurité de la population comme des manifestants sans effusion de sang. De même la communauté internationale doit appeler le gouvernement de Yusuf Habibie à respecter les engagements qu’il a pris au cours des 6 derniers mois. Si les débats qui se tiennent actuellement au MPR devaient ne pas se tenir dans la sérénité et, a fortiori, si les manifestations pacifiques qui ont lieu actuellement devaient s’achever dans la violence, c’est l’ensemble du processus de transition démocratique qui serait remis en cause.

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