À l’origine de cette motion de censure lancée contre le président, le récit efficace de quatre futurs collaborateurs qui ont déclaré que Martín Vizcarra aurait reçu des paiements illicites de 2011 à 2014, lorsqu’il était gouverneur de Moquegua (sud du pays). Depuis le début de l’année, le congrès a cherché, à plusieurs occasions, à écarter le président Martín Vizcarra, en invoquant des motifs de diverses natures, sans preuve manifeste, ni corroborée ou acceptée par le Parquet, et sans que rien n’aboutisse jusqu’à hier.
Ces tentatives de destitution n’ont fait que compromettre profondément la gouvernance démocratique du pays. La gravité de cette décision affecte l’équilibre des pouvoirs et favorise la prise de décisions populistes servant des intérêts particuliers ˗ des décisions qui n’auront pas de poids face au pouvoir exécutif.
Ce limogeage constitue un coup d’État parlementaire. Le président Martín Vizcarra aurait dû faire l’objet d’une enquête pour actes de corruption présumés avant d’accéder au pouvoir, mais pas de l’application d’un article sur l’incapacité morale, d’autant plus si l’on sait que parmi ceux qui ont voté sa destitution se trouvent également des personnes qui font l’objet d’enquêtes et de poursuites pour infractions graves.
« Ceux qui ont voté pour la destitution du président, ont remis le pouvoir entre les mains de groupes cherchant à faire valoir leurs intérêts particuliers en matière d’éducation, de spéculation des terres, de transport, de la traite des personnes, entre autres »
Cette destitution, en pleine crise de pandémie de Covid-19, et 5 mois seulement avant le terme du mandat présidentiel, constitue un exercice irresponsable du pouvoir et une interprétation fantasque des pouvoirs prévus par la constitution du Pérou.
"La situation s’avère extrêmement dangereuse avec la fin de la séparation des pouvoirs, l’annulation de la réforme politique en cours, la volonté d’entraver la lutte contre la corruption qui avait permis d’incarcérer une bonne partie de l’ancienne classe politique (dont plusieurs anciens présidents), la mise en échec de l’élaboration du plan national d’action sur les entreprises et droits humains, ainsi qu’une offensive prévisible du lobby des industries extractives contre les droits fondamentaux des travailleurs, des communautés et des peuples indigènes, alimentée par une cupidité sans limite des entreprises qui font pression pour une reprise immédiate de l’économie à n’importe quel prix."
La FIDH et ses organisations membres au Pérou feront preuve de vigilance concernant les mesures qui seront prises par le gouvernement, les demandes légitimes de la population face à une situation qui est considérée en dehors du cadre constitutionnel, et elles veilleront à ce que les élections présidentielles prévues le 11 avril 2021 se déroulent de manière démocratique et transparente.