Pérou : l’autoritarisme progresse et les droits régressent

13/07/2023
Communiqué
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Ernesto Benavides / AFP

La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses organisations membres au Pérou, APRODEH, Perú-Equidad et CEDAL alertent dans une note d’information et d’analyse, l’accélération du processus d’accaparement, par le Congrès péruvien, d’autres pouvoirs de l’État, menaçant de régression des acquis sociaux, démocratiques et des droits humains. Les organisations signataires dénoncent un projet politique et idéologique conservateur et autoritaire. À l’œuvre ces dernières années, il n’a cessé de déstabiliser l’institution étatique et à conduit à son paroxysme actuel la crise démocratique que traverse le pays.

Paris, Lima, 13 juillet 2023. La crise politique qui a commencé en 2016, en partie due à la campagne déstabilisante de la majorité parlementaire « Fuerza Popular » dirigée par Keiko Fujimori, a entrainé la succession vertigineuse de six Président·es, en à peine sept ans. En décembre 2022, après l’échec du coup d’État de Pedro Castillo, la présidence du pays a été remise à la vice-présidente, Dina Boluarte. Son refus de convoquer de nouvelles élections générales anticipées a entrainé de multiples manifestations dans différentes parties du pays, faisant 67 mort·es, dont 49 attribué·es à la répression disproportionnée des autorités. Certaines d’entre elles ont notamment été catégorisées comme étant des « exécutions extrajudiciaires ».

Pour Gloria Cano, Secrétaire Générale de la FIDH et Directrice de APRODEH-Perú, « l’année dernière il y a eu une capture du Tribunal Constitutionnel et du Ombudsman. Grâce au soutien d’une majorité parlementaire totalement impopulaire, conservatrice et autoritaire ont été nommées des personnes dont les compétences académiques et juridiques sont insuffisantes, dont les procédures de nomination sont très controversées, ce qui altèrent l’indépendance et l’autonomie de ces institutions. Il suffit d’analyser la décision désastreuse du Tribunal Constitutionnel venant rompre l’équilibre des pouvoirs entre le Congrès et le pouvoir judiciaire ». De même, elle a ajouté que « les graves menaces de capture qui pèsent sur la Commission Électorale Nationale et la Commission Nationale de Justice sont préoccupantes ».

La note pointe vers la conclusion étayée que ce virage autoritaire, orchestré par des partis ultra conservateurs et alliés du gouvernement de Boluarte, correspond a un programme politique de démantèlement des droits acquis. À cela s’ajoute une jurisprudence alarmante de la Cour Suprême de Justice dont la récente décision criminalise le droit de manifester en soulignant qu’il s’agit d’un droit non fondamental.

« Les efforts déployés par le Congrès pour revenir sur les droits sexuels, reproductifs et l’approche du genre, les droits collectifs en matière d’emploi, comme pour dénoncer la Convention Américaine des droits humains sont extrêmement inquiétants », a déclaré Javier Mujica, de Perú-Equidad.

« En prévision de l’importante manifestation annoncée dans les prochains jours, nous faisons appel à l’État afin qu’il garantisse les conditions nécessaires pour l’exercice du droit à la manifestation sociale, et écoute les réclamations de sa population, éreintée par l’exclusion, la répression et la corruption », a déclaré Luis Miguel Sirumbal, directeur de CEDAL, Pérou.

La FIDH et ses organisations membres au Pérou recommandent à l’État péruvien de donner suite aux demandes de la majorité de ses citoyen·nes en convoquant de nouvelles élections générales dans les plus brefs délais et en garantissant l’autonomie et l’indépendance de l’ensemble des pouvoirs de l’État, en particulier les institutions électorales et l’administration judiciaire. De même, elles réclament l’ouverture d’une enquête accompagné d’un jugement, pour les graves violations aux droits humains et les exécutions extrajudiciaires dénoncées.

La FIDH et ses organisations membres recommandent à la communauté internationale d’établir un mécanisme international de suivi de la crise au Pérou qui encourage le dialogue entre les différents acteurs, et de conditionner les accords commerciaux avec le Pérou – en particulier son adhésion à l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) – au respect des garanties démocratiques et des droits humains.

Lisez le résumé de la note en français ci-dessous :

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