Entrave à la liberté de réunion / Agressions / Harcèlement - TUN 005 / 1005 / OBS 089

06/10/2005
Appel urgent

L’Observatoire a été informé par la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme (LTDH) et le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT) de la poursuite d’actes de harcèlement à l’encontre des membres de la LTDH dans plusieurs villes du pays.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en Tunisie.

Description des faits :

Selon les informations reçues, le 2 octobre 2005, les militants de la LTDH, ainsi que des centaines de syndicalistes et démocrates, se sont rendus en masse aux réunions organisées par 11 comités des sections de la LTDH à Bizerte, Mateur, Sousse, Monastir, Sfax, Nafta-Tozeur, Kélibia-Korba, Kébili, Kairouan, Jendouba, et Gabes. Une fois de plus, ils ont été accueillis par un impressionnant dispositif policier qui a barré l’accès à leurs locaux.

Par conséquent, aucune de ces réunions n’a pu se tenir, à l’exception de celle de Gabes, qui a eu lieu dans le local du Parti Démocrate et Progressiste (PDP, parti d’opposition). A Jendouba, une centaine de militants se sont, de fait, réunis dans la rue.

La police a également encerclé les maisons de M. Abderhamen Hedhili, membre du comité directeur de la LTDH à Ksibet El Madiouni, et de M. Mongi Ben Salah, syndicaliste et membre du comité de section de la LTDH de Monastir, qui a été sommé de ne pas quitter la ville de Moknine, où il réside.

Par ailleurs, M. Messaoud Romdhani, président de la section de la LTDH à Kairouan, a été conduit par le chef de la police locale dans une rue déserte où il a été violemment agressé. M. Messaoud Romdhani s’est de surcroît vu refuser l’octroi d’un certificat médical constatant ses blessures par la responsable du service d’urgence de l’hôpital régional, au motif qu’elle aurait reçu des ordres de la police. D’autre part, la police de Kairouan a agressé le secrétaire général de la section, M. Taoufik El Gaddeh, les secrétaires généraux adjoint de l’Union Régionale du travail, Messrs. Naceur El Ajili, Abdelaziz Serri et Fathi El Ltaïef, ainsi que M. Mekki El Aydi, M. Mouldi Romdhani et Mme. Zakia Dhiffaoui, cette dernière ayant été interpellée et arrêtée pendant quelques heures.

A Mateur, la police a refusé d’enregistrer la plainte de Messrs. Mohamed Salah Nehdi, président de la section, Chedly Maghraoui, Abderrahmane Morsani et Fethi Maghzaoui, membres de la LTDH, également victimes de violences policières, tout comme M. Chokri Dhouibi, président de la section à Nefta.

L’Observatoire note que les 16, 17 et 18 septembre 2005, les réunions d’information avec les adhérents organisées par les huit sections locales de Jendouba, Bizerte, Sousse, Gabès, Monastir, Kebeli, Mahdia et Mateur avaient déjà été empêchées par les forces de police.

En outre, le 19 septembre 2005, la police avait encerclé les locaux de la section de Mahdia et interdit aux membres d’y accéder. M. Mohamed Ataya, président de la section, avait été pris à partie par les policiers, et violemment frappé à la gorge, à la poitrine et à l’abdomen. M. Ataya avait été transporté en urgence à l’hôpital, souffrant d’une violente crise tachycardie.

L’Observatoire rappelle par ailleurs que ces faits interviennent dans le cadre de très graves obstacles à la liberté de réunion visant la LTDH. Ainsi, le 21 août 2005, le comité directeur de la LTDH avait dû reporter la tenue de son Conseil national après que de nombreuses personnes, parmi lesquelles des policiers en civil et des membres des services de sécurité du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti au pouvoir) avaient assiégé le local de la LTDH à Tunis, empêchant ainsi par la force les présidents des sections et les membres du Conseil national d’y accéder. Deux jours avant ces incidents, le congrès de la section locale de la LTDH à Nabeul avait déjà été empêché par l’intervention d’un nombre considérable de policiers.

De même, le 31 août 2005, lors de la tenue du Conseil national de la LTDH, un impressionnant dispositif policier avait été déployé autour du siège de la Ligue. Une partie des membres du Conseil ainsi que des invités avaient par conséquent été empêchés d’entrer et des actes de violence avaient été perpétrés contre M. Abderrahmen Hedhili, membre du comité directeur et contre M. Ali Taghraouit, secrétaire général de la section de Bizerte (voir communiqué de l’Observatoire, 1er septembre 2005).

Récemment, le 5 septembre 2005, le tribunal a ordonné à la LTDH de "suspendre son congrès aux dates prévues des 9, 10 et 11 septembre 2005" ainsi que "tous les travaux préparatoires qui visent à en faciliter la tenue, à cette date ou à tout autre date, et ce jusqu’à ce qu’un jugement définitif ne soit rendu dans l’affaire au fond". Ce jugement fait suite à une audience en référé qui s’est tenue le jour même, et à laquelle Me Odile Sidem-Poulain, observatrice mandaté par l’Observatoire, a été empêché d’assister. (voir communiqués de presse de l’Observatoire, datés du 1er, 2 et 6 septembre 2005 et communiqué de presse de la FIDH du 6 septembre 2005). Cette assignation résultait d’une initiative de 22 personnes alléguant de leur appartenance à la LTDH mais connues pour être affiliées au RCD.

Une affaire au fond pour les mêmes motifs a en outre été enrôlée devant la chambre civile de 1ère instance de Tunis par les mêmes personnes. L’audience qui ouvrira cette affaire est prévue pour le 26 novembre 2005.

L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation à l’égard de ces faits, qui illustrent une nouvelle fois les graves entraves posées à la liberté d’association et de réunion en Tunisie et les actes de harcèlement constants dont font l’objet les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, et demande aux autorités tunisiennes de mettre un terme à tout acte de harcèlement ou entrave au travail des membres de la LTDH ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’homme dans le pays. L’Observatoire rappelle qu’en tant que pays hôte du prochain Sommet mondial sur l’information (SMSI), qui se tiendra à Tunis en novembre 2005, la Tunisie est tenue de se conformer aux obligations internationales en matière de droits de l’Homme, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel elle est partie.

Actions demandées :

Merci d’écrire aux autorités tunisiennes et de leur demander de :

i. Garantir l’intégrité physique et psychologique des membres de la LTDH et de tous les défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie ;

ii. Mettre un terme à toute forme d’intimidation à l’encontre des membres de la LTDH, et plus généralement contre tous les défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie ;

iii. Mener des enquêtes indépendantes et impartiales sur les agressions et les menaces décrites ci-dessus afin que leurs auteurs soient dûment identifiés et sanctionnés ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998 et plus particulièrement à son article 1 qui dispose que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international", son article 5.a, d’après lequel "afin de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de se réunir et de se rassembler pacifiquement", ainsi que son article 12.2, qui dispose que "l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration" et l’article 5.a dispose qu’ "afin de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de se réunir et de se rassembler pacifiquement" ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.

Adresses :

M. Zine el-Abidine Ben Ali, Président de la République, Palais de Carthage, 2016 Carthage, Tunisie, Fax : +216 71 744 721 ou +216 71 731 009

M. Mohamed Ghannouchi, Premier Ministre, Secrétariat Général du Gouvernement, Rue de la Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 562 378

M. Rafik Belhaj Kacem, Ministère de l’Intérieur et du Développement local, Avenue Habib Bourguiba, 1001 Tunis, Tunisie, Fax : + 216 71 340 888 ; Email : mint@ministeres.tn

M. Kamel Morjane, Ministère de la Défense Nationale, Avenue Bab Mnara, La Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 561 804

M. Bechir Tekkari, Ministère de la Justice et des Droits de l’homme, 57, Boulevard Bab Benat, 1006 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 568 106 ; Email : mju@ministeres.tn

Ambassadeur, S.E M. Samir Labidi, Mission permanente de la Tunisie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, 58 Rue Moillebeau, Case postale 272, 1211 Genève 19, Suisse, Fax : +41 22 734 06 63 ; Email : mission.tunisia@ties.itu.int

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la Tunisie dans vos pays respectifs.

***

Genève - Paris, le 6 octobre 2005

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

E-mail : observatoire@iprolink.ch

Tel et fax FIDH : 33 (0) 1 43 55 20 11 / (0)1 43 55 18 80

Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

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