Agression / Harcèlement / Mauvais traitements - TUN 002 / 0507 / OBS 049.1

30/05/2007
Appel urgent

L’Observatoire a été informé par le Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT) de l’agression dont a fait l’objet M. Lassaad Jouhri, membre fondateur de l’Association de soutien aux prisonniers politiques (AISPP).

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (l’OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en Tunisie.

Nouvelles informations :

Selon les informations reçues, le 24 mai 2007 au matin, M. Lassaad Jouhri a été enlevé dans la rue près de son domicile au Den Den (périphérie de Tunis) par une quarantaine de policiers en civil, alors qu’il entrait dans sa voiture. Les agents l’ont placé dans une voiture banalisée, nus pieds et sans la béquille sur laquelle il s’appuie pour se déplacer, des suites des actes de torture qu’il a subis lors de son emprisonnement antécédent.

Les policiers ont ensuite conduit M. Jouhri au poste de police du district de La Manouba, où il a été détenu jusque 20 heures. Interrogé sur ses activités de défenseur des droits de l’Homme, M. Jouhri a été violemment battu et, en conséquent, deux de ses doigts ont été fracturés. Il présente également de multiples contusions sur l’ensemble du corps. M. Jouhri a également été interrogé sur son intention d’accompagner, ce même jour, une mission de Front Line et de Human Rights First (cf. rappel des faits) devant la prison du Kef à l’occasion de la visite hebdomadaire de Mme Samia Abbou à son époux en prison, l’avocat Mohamed Abbou[1]. A cette même occasion, la voiture de Me Abderraouf Ayadi, ancien secrétaire général du CNLT, qui avait accompagné Mme Abbou à Kef, a été vandalisée.

L’Observatoire exprime sa profonde préoccupation à l’égard de ces faits, qui s’inscrivent dans le cadre plus général de représailles des défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie.

L’Observatoire rappelle de surcroît que la Tunisie est tenue de se conformer aux obligations internationales en matière de droits de l’Homme, en particulier le Pacte relatif aux droits civils et politiques auquel elle est partie, et la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée le 9 décembre 1998 par l’Assemblée générale des Nations Unies, notamment son article 1 qui prévoit que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de droits de l’Homme et des libertés fondamentales au niveaux national et international » et, à cette fin, « de se réunir et de se rassembler pacifiquement » (article 5b).

Rappel des faits :

L’Observatoire a été informé par le CNLT des obstacles posés par les autorités à l’encontre de la tenue d’un atelier régional de formation à Tunis, du 18 au 20 mai 2007.

L’atelier de formation, organisé en partenariat avec l’ONG internationale Frontline, qui portait sur la « sécurité et la confidentialité numériques » et auquel devaient participer des défenseurs tunisiens, marocains, algériens et égyptiens, aurait dû se tenir à l’hôtel Khamsa Corinthia, l’hôtel ayant confirmé la réservation deux mois auparavant. Or le 17 mai 2007, à la veille de la tenue de l’atelier, et alors que les participants étrangers étaient déjà arrivés, l’hôtel a résilié la réservation. Aucun autre hôtel n’ayant accepté d’abriter l’atelier, les organisateurs ont alors décidé de tenir la formation au local du CNLT.

Cependant, une centaine de policiers en civil des districts de Bab Souika et de Bab Bhar ont entouré le local du CNLT, bloquant, dans un premier temps, l’accès à toute personne. Les policiers ont par la suite autorisé les participants étrangers et les membres du CNLT mais ont refusé de laisser entrer, entre autres, MM. Lofti Azzouz, membre de la section tunisienne d’Amnesty International, Amor Gaidi, membre de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISPP), et Belgacem Abdallah, membre de l’Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT). M. Houcine Ben Amor, proche collaborateur du CNLT, a également été violemment agressé.

Le 19 mai 2007, alors que l’atelier devait reprendre, un nouveau déploiement policier a de nouveau encerclé l’immeuble, interdisant a quiconque d’y entrer, dont MM. Sami Nasr et à Lofti Hidouri, membres du CNLT. En outre, les policiers les auraient menacés s’ils n’obtempéraient pas. M. Lofti Hidouri aurait également été suivi par des policiers pendant trois jours.

En outre, le 20 mai 2007, l’accès de la maison de M. Ali Ben Salem, vice-président de l’ALTT et président de la section de Bizerte de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), à Bizerte, a été bloqué en raison de l’arrivée, chez lui, de chargés de mission mandatés par Frontline et Human Rights First. Le 21 mai, le local du CNLT a été bloqué pour les mêmes raisons.. A ce jour, les militants du CNLT continuent de ne pouvoir avoir accès à leur local, fortement gardé par la police.

Enfin, le 22 mai 2007, alors que les chargés de mission avaient rendez-vous avec Mme Naziha Rejiba, vice-présidente de l’Observatoire pour la défense des libertés de la presse, de l’édition et de la création (OLPEC), le domicile de cette dernière a été à son tour encerclé par des policiers en civil et en uniforme, qui ont finalement autorisé la mission à entrer dans la maison. Quant à M. Lotfi Hidouri, qui devait accompagner les chargés de mission à chacun de leurs rendez-vous, il a systématiquement fait l’objet de mauvais traitements et interdit d’accès à ces différents emplacements.

Actions demandées :

Merci de bien vouloir écrire aux autorités tunisiennes en leur demandant de :

i. garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Lassaad Jouhri, des membres du CNLT, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie ;

ii. Mener une enquête indépendante sur les faits décrits ci-dessus, afin que leurs auteurs soient identifiés et dûment jugés et sanctionnés conformément à la loi en vigueur ;

iii. mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre de tous les défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie, afin qu’ils puissent exercer leur profession et mener leur activité de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

iv. se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui dispose que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international", et son article 12.2, qui dispose que "l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration" ;

v. plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.

Adresses :

· M. Zine el-Abidine Ben Ali, Président de la République, Palais de Carthage, 2016 Carthage, Tunisie, Fax : +216 71 744 721 ou +216 71 731 009

· M. Mohamed Ghannouchi, Premier Ministre, Secrétariat Général du Gouvernement, Rue de la Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 562 378

· M. Rafik Belhaj Kacem, Ministère de l’Intérieur et du Développement local, Avenue Habib Bourguiba, 1001 Tunis, Tunisie, Fax : ++ 216 71 340 888 ; Email : mint@ministeres.tn

· M. Kamel Morjane, Ministère de la Défense Nationale, Avenue Bab Mnara, La Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 561 804

· M. Bechir Tekkari, Ministère de la Justice et des Droits de l’homme, 57, Boulevard Bab Benat, 1006 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 568 106 ; Email : mju@ministeres.tn

· Ambassadeur, S.E M. Samir Labidi, Mission permanente de la Tunisie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, 58 Rue Moillebeau, Case postale 272, 1211 Genève 19, Suisse, Fax : +41 22 734 06 63 ; Email : mission.tunisia@ties.itu.int

· Ambassadeur M. Mehrez Benrhouma, Ambassade de la Tunisie à Bruxelles, 278 avenue de Tervueren, 1150 Woluwe-Saint-Pierre, Belgique, Fax : + 32 2 771 94 33 ; Email : amb.detenusie@brutele.be

***

Genève - Paris, le 30 mai 2007

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Cf. rapport annuel 2006 de l’Observatoire.

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