Le 29 juillet 2020, après avoir été interrogé une nouvelle fois par la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ), le journaliste Omar Radi a été arrêté et placé en détention pour « réception de fonds étrangers dans le but de porter atteinte à la sécurité intérieure de l’État », et « viol ». Il a ensuite été transféré à la prison d’Oukacha, à Casablanca. La première audience devant le juge d’instruction est prévue pour le 22 septembre 2020.
Depuis le 25 juin 2020, le journaliste a été convoqué à une dizaine d’interrogatoires par la BNPJ dans le cadre d’une enquête pour espionnage présumé. Il est soupçonné d’être impliqué « dans une affaire d’obtention de financements de l’étranger, en relation avec des services de renseignement », selon le Procureur du roi du Maroc près la Cour d’appel de Casablanca.
Par ailleurs, l’arrestation de M. Omar Radi fait suite à une plainte pour viol déposée à son encontre auprès de la Gendarmerie royale de Casablanca pour des faits s’étant produit dans la nuit du 12 au 13 juillet 2020.
La temporalité de la plainte pour viol déposée contre le journaliste interroge. Le contexte marocain où plusieurs voix critiques ont déjà subi des intimidations portant atteinte à leur vie privée invite également à la prudence quant aux allégations portées contre M. Omar Radi. S’il s’agissait d’une manipulation visant à faire taire ce journaliste, cela constituerait une nouvelle étape très inquiétante pour la liberté d’expression et la défense des droits humains au Maroc.
Une telle instrumentalisation de la lutte contre le viol et les autres formes de violences sexuelles pourrait s’avérer extrêmement dangereuse pour les femmes survivantes de violences, dont la parole est très souvent mise en doute. La parole des femmes doit être entendue et des sanctions doivent être prises contre les auteurs de violences sexuelles et sexistes après des enquêtes détaillées et indépendantes.
« S’il est indiscutable que toute accusation de viol doit faire l’objet d’une enquête rigoureuse et impartiale, le dépôt d’une plainte pour viol contre M. Radi alors que ce dernier est harcelé depuis des mois par les autorités marocaines pousse à s’interroger quant à la possibilité que cette accusation soit fausse et destinée à décrédibiliser un peu plus le journaliste » a déclaré Alice Mogwe, présidente de la FIDH. « Nous appelons à une enquête approfondie, indépendante, transparente et équitable sur cette affaire », a-t-elle ajouté.
Omar Radi a fait l’objet de quatre procédures judiciaires depuis le mois de décembre 2019. Outre les deux procédures en cours susmentionnées, le journaliste a été placé en détention provisoire du 26 au 31 décembre 2019 puis condamné le 17 mars 2020 par le Tribunal de première instance d’Aïn Sebaâ à Casablanca à quatre mois de prison avec sursis et à une amende de 500 Dirhams marocains (environ 47 Euros) pour « outrage à magistrat » en raison d’un tweet publié en avril 2019 critiquant le juge Lahcen Tolfi, qui a condamné à de lourdes peines les dirigeants du Hirak du Rif.
Plus récemment, le 5 juillet 2020, Omar Radi a été arrêté avec son collègue Imad Stitou alors qu’ils sortaient d’un bar. Accusés d’avoir agressé un cameraman de ChoufTV, un site d’information réputé proche du pouvoir marocain, ils ont passé la nuit en garde à vue avant d’être présentés au Procureur du Roi le lendemain. Le jour-même, ils ont comparu devant le Tribunal d’Aïn Sebaâ, à Casablanca, qui a ordonné leur libération et a renvoyé au 24 septembre 2020 leur procès pour « ébriété sur la voie publique », « injure » et « avoir filmé quelqu’un sans son consentement », assorti de « violence » pour Omar Radi.
« Le pouvoir marocain s’acharne depuis des mois sur Omar Radi pour essayer de le museler. S’il s’avère que l‘accusation de viol pesant contre lui relève d’un coup monté de la part des autorités, cela serait extrêmement grave. À la fois d’un point de vue juridique mais également éthique, politique et sociétal : les droits des femmes et la cause féministe ne devraient jamais être instrumentalisés dans le but de faire taire les défenseur.e.s des droits humains et les opposant.e.s au pouvoir » a conclu Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT.
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT et la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.
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