Le rapport établit que les violences sexuelles visent aujourd’hui toutes les personnes appréhendées par les forces de sécurité, quelles que soient les circonstances de leur arrestation. Outre les opposants au régime d’Abd El-Fattah El-Sissi, les victimes sont aussi des représentants des ONG locales, des femmes, des mineurs, des étudiants ainsi que toute les personnes dont le comportement est perçu comme "déviant" par les forces de l’ordre.
« Les similarités dans les méthodes utilisées et l’impunité générale dont jouissent les auteurs des violences sexuelles prouvent que nous avons affaire à une stratégie politique cynique visant à bâillonner la société civile et à réduire l’opposition au silence » a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH. « Il ne s’agit pas d’actes isolés ! »
Le rapport, qui compile des témoignages de victimes, d’avocats, de membres d’ONG travaillant dans le domaine des droits humains, dénonce l’implication directe des forces de police, des agents des services de Renseignement, de la Sécurité Nationale ainsi que de militaires dans ces violences sexuelles. Les cas rapportés font état de viols, de viols avec objets, de tests de virginité vaginale et anale, d’électrocution des parties génitales, ainsi que diverses pratiques diffamatoires et actes de chantage à caractère sexuel.
« Nous avons été attaqués lors d’une attaque menée par le Chef des Renseignements Criminels d’Alexandrie (Mabahith)… Ils nous ont dit de nous mettre à genoux, les mains derrière la tête. (...) Ensuite ils ont pris les jeunes femmes à part et ils nous ont fouillées en nous collant le visage contre le mur, ils nous ont agressées sexuellement en nous insultant . (...)J’ai essayé de retirer la main de l’un des soldats de la Sécurité Centrale de mon pantalon, alors qu’ils me battaient à coup de crosse, jusqu’à ce que je ne puisse plus lutter. » K. militant d’une ONG égyptienne travaillant pour les droits humains. |
De tels actes, perpétrés par les forces de sécurité de l’État, contreviennent aux engagements pris par les autorités égyptiennes de faire de la lutte contre les violences sexuelles une priorité. Ils démontrent l’innocuité des mesures qui ont été prises en ce sens par le nouveau régime, que ce soit sous la forme d’une réforme du code pénal ou de la création d’une unité spéciale vouée à lutter contre les crimes sexuels au sein du ministère de l’Intérieur.
Le rapport de la FIDH souligne que les violences sexuelles sont très largement tolérées, les auteurs de ces actes n’ayant à répondre de leurs crimes qu’en des cas exceptionnels. Depuis la médiatique condamnation, au mois de juillet 2014, de sept hommes accusés de viol en réunion durant la cérémonie de prise de fonction du Président El-Sissi en juin 2014 place Tahrir, aucun autre procès n’a eu lieu pour de tels crimes, malgré les plaintes déposées, et pas un agent des forces de sécurité n’a été jugé pour violence sexuelle.
L’implication des forces de sécurité dans des agressions sexuelles récurrentes au cours des fouilles, des contrôles de sécurité et des interrogatoires jusqu’au sein des institutions judiciaires et policières, dissuadent plus encore les victimes de porter plainte et alimentent un climat d’impunité générale qui contribue à banaliser ces pratiques.
« Le gouvernement égyptien doit immédiatement mettre un terme à ces crimes commis par des personnes qui sont directement placées sous son autorité. Le gouvernement doit tout mettre en œuvre pour que des enquêtes sérieuses soient menées, que les coupables soient poursuivis et punis, conformément aux standards internationaux » a déclaré Amina Bouayach, Secrétaire générale de la FIDH.
La FIDH dénonce également l’instrumentalisation par le régime d’Abd El-Fattah El-Sissi de la lutte contre les violences sexuelles afin de renforcer l’emprise des forces de sécurité sur la société civile et d’imposer un ordre moral qui repose notamment sur la persécution des personnes LGBTI. Depuis l’automne 2014, une véritable campagne de répression vise ces personnes accusées de "débauche" et victimes de raids répétés, notamment à des domiciles privés, au cours desquels elles sont l’objet de violences sexuelles systématiques.
Ce rapport fait pendant à un document publié en avril 2014 sur les actes de violence sexuelle perpétrés contre les femmes dans la sphère publique à l’issue duquel la FIDH et des ONG égyptiennes avaient déjà souligné l’incapacité de l’État à enquêter et à poursuivre les auteurs de viols en réunion, d’agressions et de harcèlement sexuels contre les femmes, lançant un appel à l’adoption de dix mesures urgentes pour mettre fin à ces violences.
Télécharger le rapport Hypocrisie au sommet de l’état : les violences sexuelles commises par les forces de l’ordre en Egypte