Egypte : l’ajout de Ramy Shaath et Zyad al-Elaimy à la "liste des terroristes" suscite de graves inquiétudes

24/04/2020
Communiqué
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Le tribunal pénal du Caire a décidé de placer Ramy Shaath, défenseur des droits humains égypto-palestinien, et Zyad al-Elaimy, ancien député et avocat des droits humains, sur la "liste terroriste" égyptienne pour une période de cinq ans.

La FIDH, l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et le Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS) dénoncent cette décision et condamnent l’utilisation par les autorités de la lutte contre le terrorisme pour réduire au silence des militants pacifiques. Nos organisations renouvellent leur appel aux autorités égyptiennes pour qu’elles libèrent immédiatement les voix dissidentes emprisonnées, et mettent fin à tout acte de harcèlement, notamment judiciaire à leur encontre. Leur libération est d’autant plus urgente que l’épidémie de COVID-19 rend les conditions de détention encore plus dangereuses dans les prisons surpeuplées d’Egypte.

Le 18 avril 2020, la Cour a publié dans le Journal officiel égyptien (1) sa décision d’ajouter arbitrairement Ramy Shaath, Zyad al-Elaimy, et 11 autres détenus à la "liste terroriste" pour une durée de cinq ans. Cette décision a été prise in absentia, en l’absence des accusés et de leurs avocats. L’ajout à cette liste signifie l’interdiction de voyager, le gels d’actifs, la radiation du barreau et de tout parti politique pour Zyad El-Elaimy, et la saisie du passeport égyptien de Ramy Shaath (2). Ramy Shaath et Zyad El-Elaimy se sont ensuite vu accusés dans une nouvelle affaire : 571/2020, instruite par le procureur de la sûreté de l’État, et pour laquelle les accusations sont encore inconnues. Depuis que les visites en prison ont cessé le 10 mars 2020 en raison de l’épidémie de COVID-19, tous deux se sont vus refuser tout contact avec leur famille.

« Bien que par le passé des accusations de terrorisme aient déjà été portées contre des défenseurs des droits humains, cette inclusion inédite de militants pacifiques dans la "liste des terroristes" représente une grave escalade de la répression et une évolution extrêmement inquiétante »

Bahey Eddin Hassan, directeur du CIHRS.

M. Ramy Shaath possède la double nationalité égypto-palestinienne. Il a été l’un des principaux activistes du soulèvement populaire de janvier 2011 ayant conduit au départ du président Moubarak. En outre, il est depuis 2015 le coordinateur du mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) en Egypte, en soutien aux droits des Palestiniens. Enfin, il est le fils du Dr Nabil Shaath, ancien vice-premier ministre palestinien et actuel conseiller aux affaires étrangères du président palestinien Mahmoud Abbas.

Les autorités égyptiennes ont arrêté arbitrairement M. Shaath le 5 juillet 2019 et l’ont placé en détention préventive, en attendant les conclusions de l’enquête pénale dans l’affaire 930/2019, connue sous le nom d’ "Hope Case" (3). Depuis, il a été détenu à la prison de Tora en dehors de toute procédure légale et sans pouvoir avoir de procès équitable, alors que son épouse : Mme Céline Lebrun Shaath, a été expulsée d’Égypte au moment de son arrestation.

L’ancien membre du Parlement et avocat des droits de l’homme Zyad al-Elaimy a été arrêté arbitrairement le 25 juin 2019. Détenu au secret pendant 14 jours après son arrestation, il est désormais également détenu à la prison de Tora, où ses conditions de détention s’avèrent délétères pour sa santé. Asthmatique, souffrant d’hypertension et d’une maladie immunitaire rare, il est pourtant détenu dans une pièce de 4,8m2 avec deux autres détenus. Ils disposent seulement d’une petite fenêtre dans la cellule, fixée au plafond. Il est actuellement accusé dans trois affaires distinctes, à savoir l’affaire 930/2019 (Amal Case), l’affaire 571/2020 (terrorist entities case) et l’affaire 684/2020, où il a été condamné à un an de prison le 10 mars 2020. Si l’appel pour cette dernière affaire était prévu le 7 avril, elle a finalement été reportée en raison de la situation COVID-19.

"Ramy et Zyad sont ajoutés à la liste des terroristes égyptiens uniquement pour avoir exercé leur liberté d’expression. L’Égypte doivent cesser d’utiliser la lutte contre le terrorisme pour cibler la dissidence pacifique. En particulier, la lutte contre le terrorisme ne doit pas servir de prétexte pour réduire au silence les défenseurs des droits humains et les opposants politiques non violents", remarque Shaawan Jabarin, vice-président de la FIDH et directeur d’Al Haq.

« Avec la pandémie de Covid-19 qui menace des prisons égyptiennes surpeuplées et insalubres, le maintien en détention et la criminalisation de Ramy Shaath et Zyad al-Elaimy menacent leur existence même »

Gerald Staberock, secrétaire général de l'OMCT.

La FIDH, l’OMCT et le CIHRS dénoncent le maintien en détention de Ramy Shaath, Zyad al-Elaimy, et de tous les autres militants pacifiques et défenseurs des droits humains détenus en Egypte. Etiqueter ces militants comme des terroristes ajoute un niveau d’abus supplémentaire à leur traitement, celui de la diffamation. Nos organisations appellent les autorités égyptiennes à libérer immédiatement Ramy Shaath et Zyad al-Elaimy, conformément aux principes directeurs du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies et de l’Organisation Mondiale de la Santé, qui appellent à se concentrer sur les personnes injustement privées de leur liberté pendant la crise COVID-19.

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