La FIDH et 10 de ses organisations membres sont effarées par l’escalade du nombre de morts et de blessés - militaires comme civils – par les destructions de maisons, de biens culturels, d’hôpitaux et d’infrastructures essentielles provoquées par le conflit en cours dans la région du Haut-Karabakh. Nous appelons toutes les parties en présence au respect du cessez-le-feu humanitaire décrété le 26 octobre dernier .
De plus, la crise humanitaire et l’intensité des hostilités pourraient être contenues par le retrait immédiat des mercenaires et autres combattants recrutés, sinon fournis, par la Turquie à l’Azerbaïdjan.
Très vite après la flambée de violences du 27 septembre 2020, des sources fiables ont établi que des combattants syriens engagés par la Turquie étaient acheminés sur place, non loin de la ligne de front, du côté azerbaïdjanais .
Le recours par l’Azerbaïdjan à des mercenaires constitue une violation du droit international. Le pays est partie de la Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’entraînement des mercenaires qui, en plus d’interdire ces quatre points , exige des parties qu’elles prennent des mesures appropriées pour prévenir et punir de telles pratiques . Bien qu’il soit parfois difficile de désigner des combattants comme mercenaires à cause d’une définition très précise du traité, dans ce cas, des observations directes laissent fortement à penser qu’on a bien à faire à des mercenaires . De nombreux combattants ont confirmé qu’ils étaient syriens et qu’ils se battaient pour l’Azerbaïdjan, souvent sur la ligne de front, pour gagner leur vie .
Le recours à des mercenaires pendant un conflit est non seulement contraire au droit international mais il affecte la paix et la sécurité de la zone toute entière en attirant les puissances régionales, en l’occurrence la Turquie.
Même si la Turquie n’est pas signataire de la Convention sur les mercenaires, la façon dont elle les recrute et leur participation au conflit actuel pourrait violer plusieurs principes du droit international, dont celui d’égalité souveraine des États et d’auto-détermination des peuples . Cette conduite contrevient également au principe de non-intervention dans les affaires intérieures comme extérieures d’un État tiers, selon la Charte des Nations Unies et le droit coutumier .
Le conflit qui se déroule actuellement dans le Haut-Karabakh est le plus intense de l’histoire de ce différend qui a éclaté en 1994. On ne connaît pas le nombre exact de victimes mais il est très probable qu’il y en a des milliers , parmi lesquelles des centaines de civils dont des enfants . Le droit international et le droit humanitaire exigent des parties en présence qu’elles fassent la distinction entre d’un côtés les civils et les biens civils, et de l’autre, le personnel et les objectifs militaires, et ainsi, qu’elles ne ciblent que ces derniers.
Le 28 octobre, le bombardement de Barda, une ville d’Azerbaïdjan se situant à plus de 30 kilomètres de la ligne de front, proche du côté arménien, a causé la mort de nombreux civils . La deuxième plus grande ville d’Azerbaïdjan, Ganja, située à quelque 100 kilomètres de la ligne de front, a aussi été bombardée, provoquant un grand nombre de morts et de blessés . De nombreuses organisations de défense des droits humains rapportent que l’Azerbaïdjan a fait l’usage d’armes de destruction massive interdites et de drones avec pour cibles des lieux civiles, y compris dans des zones densément peuplées comme les faubourgs de Stepanakert, en violation du droit international et du droit humanitaire . Plus encore, nous sommes très inquiets de ces informations selon lesquelles les forces armées azerbaïdjanaises se livrent à des exécutions de prisonniers de guerre qui, si elles étaient confirmées, constitueraient une grave infraction à la Troisième Convention de Genève et un crime de guerre .
La FIDH et ses organisations membres appellent :
• les parties en présence à engager des négociations sous l’égide de la communauté internationale, pour maintenir le cessez-le-feu et prévoir la cessation des hostilités ;
• les parties en présence à ne pas prendre les populations civiles ou les personnes reconnues comme étant hors de combat pour cibles, à ne pas agir de telle façon que leur vie et leur santé soient menacées, comme avec l’utilisation d’armes de destruction massive, et à éviter de cibler et de détruire les maisons, les écoles, les hôpitaux et les infrastructures civiles qui assurent la distribution de nourriture, d’eau et d’électricité dans la zone touchée par le conflit ;
• les parties en présence à conduire des enquêtes impartiales et efficaces afin de poursuivre les responsables – des deux côtés – de violations graves du droit international et de crimes selon le droit humanitaire, notamment perpétrés contre des civils ;
• l’Azerbaïdjan et la Turquie à arrêter l’utilisation, le recrutement, le financement et l’entraînement de mercenaires qui violent le droit international.