Ces organisations sont la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), la Commission de la condition de la femme (CSW), International Dalit Solidarity Network (IDSN), Amnesty International et Human Rights Watch.
Tous les États membres des Nations unies participent au processus de Universal Periodic Review (UPR) qui passe en revue leur bilan en matière de respect des droits humains et propose des mesures afin d’améliorer la situation dans leurs pays. Dans son rapport présenté aux Nations unies avant l’examen, le gouvernement indien a affirmé qu’« il est fortement engagé pour la promotion et la protection des droits humains ». Cependant, lors des cycles précédents de l’UPR, l’Inde a ignoré des recommandations essentielles, comme la lutte contre les violences accrues à l’encontre des minorités religieuses, l’assurance que ses forces de sécurité rendent compte de leurs actions, la protection de la liberté d’expression et de réunion pacifique.
Lors de l’examen périodique, le quatrième de l’Inde, 130 États membres ont émis 339 recommandations en mettant en avant les préoccupations les plus urgentes relatives aux droits humains dans le pays.
Depuis son dernier examen en 2017, la situation des droits humains en Inde s’est fortement dégradée sous le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi, dirigé par le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP). Le gouvernement a durci sa répression envers les institutions indépendantes et démocratiques et en ayant recours à des lois antiterroristes et de sécurité nationale draconiennes pour poursuivre en justice et harceler les défenseur·es des droits humains, les journalistes, les étudiant·es, les opposant·es au gouvernement et les manifestant·es pacifiques. Les agressions, la discrimination et l’incitation à la haine envers les minorités religieuses sont en hausse. Les communautés traditionnelles marginalisées Dalit et Adivasi ont été privées de justice et de protection équitable.
Au moins 21 pays ont exhorté l’Inde à améliorer la protection de la liberté de culte et de droits de ses minorités religieuses, invoquant plusieurs préoccupations concernant l’augmentation de la violence, des discours de haine et l’adoption par le gouvernement de politiques discriminatoires comme les lois « anti-conversion ».
Selon les organisations, depuis l’arrivée au pouvoir du BJP de Narendra Modi en 2014, le gouvernement a pris diverses mesures législatives et autres qui ont légalisé la discrimination envers les minorités religieuses, notamment la communauté musulmane, et ont rendu possible le « majoritarisme » hindou violent.
Le gouvernement a adopté une loi sur la citoyenneté en décembre 2019 qui discrimine les personnes musulmanes, en faisant pour la première fois de la religion le fondement de la citoyenneté. En août 2019, le gouvernement a abrogé l’autonomie constitutionnelle accordée au seul État majoritairement musulman, Jammu-et-Cachemire, et continue de restreindre la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et d’autres droits fondamentaux dans la région. Depuis octobre 2018, les autorités indiennes ont expulsé au moins 13 réfugié·es musulman·es rohingyas vers Myanmar malgré les risques pour leur vie et leur sécurité.
Des États indiens ont utilisé des lois contre l’abattage des vaches pour poursuivre en justice des marchand·es de bétail musulman·es, tandis que des groupes affiliés au BJP attaquent des musulman·es et des Dalits au motif qu’ils ou elles auraient, selon des rumeurs, tué ou commercialisé des vaches pour de la viande de bœuf. Au moins dix États indiens interdisent les conversions religieuses forcées, mais ils utilisent les lois de manière abusive pour s’en prendre aux chrétien·nes. Les États font également appliquer ces lois en vue de harceler et d’arrêter les hommes musulmans en couple avec des femmes hindoues. Au cours de l’année 2022, les autorités de plusieurs États dirigés par le BJP ont démoli des maisons et propriétés de musulman·es sans autorisation légale ni procédure régulière, en guise de châtiments sommaires ou collectifs, les tenant pour responsables d’actes de violence lors d’affrontements communautaires.
20 pays ont affirmé que l’Inde devrait renforcer sa protection en matière de liberté d’expression et de liberté de réunion, et créer un environnement propice aux activités des organisations de la société civile, des défenseur·es des droits humains et des médias. Certains d’entre eux ont exprimé leurs inquiétudes sur l’utilisation d’une loi anti-terroriste, la loi sur la prévention des activités illégales (UAPA), à l’encontre des militant·es, des journalistes et des membres de communautés religieuses minoritaires. Au fil des années, les organisations de défense des droits et plusieurs expert·es sur les droits humains des Nations unies se sont dits préoccupé·es par l’utilisation de cette loi, largement critiquée pour être contraire aux normes internationales en matière de droits humains, dans le but de placer en détention des militant·es ou d’autres individus pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique.
Certains pays ont exprimé leurs inquiétudes quant à la loi régissant les contributions étrangères (FCRA), une loi visant à réglementer les financements étrangers destinés aux ONG, et ont demandé au gouvernement indien de réviser ou de modifier ladite loi afin qu’elle soit conforme avec les normes internationales relatives aux droits humains.
Les autorités indiennes ont utilisé cette loi pour stopper les financements étrangers destinés à des milliers d’organisations de la société civile, en particulier ceux qui travaillent pour la défense des droits humains ou des droits des communautés vulnérables. Plusieurs organismes des Nations unies ont mis en garde sur le fait que la loi était utilisée pour réduire au silence la contestation. En octobre 2020, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, Michelle Bachelet a déclaré que la loi est « en effet, utilisée pour dissuader ou punir les ONG qui assurent un suivi en matière des droits humains et œuvrent pour leur défense, et qui sont perçues par les autorités comme critiques par nature. »
19 pays ont estimé que l’Inde devrait ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations unies, un traité qu’elle a signé en 1997, mais jamais ratifié. L’Inde a déclaré durant les cycles d’UPR de 2012 et de 2017 qu’elle restait attachée à ratifier le traité. Cependant, elle n’a toujours pas pris les mesures nécessaires pour respecter son engagement, alors que la torture et autres mauvais traitements continuent à être utilisés régulièrement par les forces de police et autres forces de sécurité pour obtenir des informations ou extorquer des aveux.
Les pays ont également exhorté l’Inde à lutter contre les discriminations fondées sur la caste, à redoubler d’efforts pour réduire la pauvreté, à améliorer l’accès aux services de santé, à l’eau potable et à l’assainissement, et à permettre l’accès à tous les enfants à une éducation gratuite et de qualité. Ils lui demandent également de garantir un environnement propre, sain et durable et enfin de renforcer la protection des enfants, des femmes et des personnes handicapées.
Le gouvernement indien a assuré que l’« UPR est un mécanisme important que l’Inde soutient totalement » et qu’« en qualité de plus grande démocratie au monde, l’Inde s’engageait à respecter les normes les plus élevées en matière de droits humains ».
Les organisations ont estimé que le gouvernement indien devait donner suite aux préoccupations exprimées par les autres États membres dans le cadre de l’UPR, qui sont largement partagées par des organisations de défense des droits et plusieurs organismes des Nations unies, et devait immédiatement prendre des mesures pour revenir sur le droit chemin et protéger les droits ainsi que la dignité de l’ensemble de la population.