Le rapport de 72 pages, issu d’une mission d’enquête menée par une équipe multidisciplinaire en 2021, dénonce le manque d’accès aux produits alimentaires de base pour la grande majorité de la population vénézuélienne. Il est publié une semaine après l’annonce du président Nicolás Maduro d’une reprise des négociations avec l’opposition.
Le rapport souligne que le gouvernement vénézuélien a l’obligation de prendre des mesures pour lutter contre la faim, dès lors qu’il a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en 1978, qui reconnaît le droit à l’alimentation. Après de nombreuses années de silence, le gouvernement conduit par Maduro a commencé à reconnaître la gravité de la crise. La mise en place en 2019 d’un processus de dollarisation informel et d’une libéralisation ciblée a limité les pénuries alimentaires ; toutefois de nombreux produits alimentaires restent inabordables pour la majorité de la population, dont les revenus sont en bolivars et non en dollars.
La pauvreté a augmenté de façon exponentielle, atteignant 94,5 % de la population en 2021. Au cours des six dernières années, le produit intérieur brut (PIB) du Venezuela s’est contracté de plus de 80 %, représentant l’une des contractions économiques les plus brutales de l’hémisphère hors contexte de conflit armé. L’hyperinflation, qui sévit depuis plus de trois ans, aggrave d’autant plus l’insécurité alimentaire.
Ces facteurs économiques ont engendré une situation d’urgence humanitaire complexe caractérisée non seulement par une profonde pauvreté, mais aussi par l’insécurité alimentaire, la malnutrition infantile et la migration de près de six millions de personnes hors du pays. On estime qu’en 2020, environ 30 % des enfants souffraient d’une forme de malnutrition, dont plus de la moitié de malnutrition aiguë ou sévère. Le rapport révèle les inégalités d’accès à l’alimentation qui affectent particulièrement les groupes vulnérables, en particulier les prisonnier.e.s, les personnes âgées et les femmes.
Le manque d’accès à d’autres ressources telles que la terre, l’eau et certains services de base contribue également à l’insécurité alimentaire. La capacité de traitement et de distribution de l’eau potable ne représente plus que 40 % de ce qu’elle était en 1998. En outre, la production d’électricité a chuté de 74 %, ce qui a entraîné 174 000 coupures de courant en 2021, touchant 74,2 % de la population. Enfin, la pénurie de bouteilles de gaz pour la cuisson a contraint 5,4 millions de personnes à cuisiner au feu de bois en 2021.
Le rapport montre également que l’alimentation est l’un des domaines les plus touchés par la corruption, atteignant des niveaux extrêmes au Venezuela, avec la captation des moyens de production et de distribution alimentaire par des réseaux corrompus. Cette situation a affecté de manière importante les droits de la population vénézuélienne à une alimentation adéquate. En vertu du droit international, l’État vénézuélien a l’obligation de protéger contre le détournement de fonds publics.
Dans le contexte de l’annonce faite par Nicolas Maduro la semaine dernière concernant la réactivation des négociations avec l’opposition et « tous les acteurs », la FIDH et Provea appellent à donner une priorité urgente aux discussions sur l’accès à l’alimentation dans le cadre de la table ronde sociale convenue dans le processus de négociation initié à Mexico, puis suspendu.
Il est essentiel que l’État vénézuélien collabore avec le secteur privé et la société civile pour promouvoir le dialogue et réactiver le système alimentaire, notamment en adoptant des politiques qui améliorent la production et la distribution des aliments, boostent le pouvoir d’achat de la population et améliorent l’accès à une alimentation adéquate pour toutes et tous.
Le rapport est disponible :
– en anglais : "Food is Not a Game : Serious violations to the human right to food in Venezuela"
– en espagnol : "Con la comida no se juega : Graves violaciones al derecho humano a la alimentación en Venezuela"