L’annulation, le 2 avril, du décret de Trump a été largement saluée par la société civile internationale et ses alliés, dont l’UE, le secrétaire général de l’ONU et des États tels que la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Mais ce geste devrait être le premier d’une séquence de plusieurs étapes visant à tourner la page des relations troubles des États-Unis avec la Cour.
« L’annulation des sanctions, associée à l’élection d’un nouveau Procureur et de nouveaux juges, constitue une occasion bienvenue pour les États-Unis de rétablir leurs relations avec la CPI. Un chemin encore long, alors que les États-Unis rechignent encore à étendre la compétence de la CPI au personnel des États non-signataires. »
La FIDH et nos membres soussignés soulignons auprès de l’administration Biden que la justice due aux victimes de crimes internationaux ne saurait être politisée. La CPI est une instance de dernier recours. Ainsi, si les États-Unis voulaient contester l’enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qui auraient été commis en Afghanistan, ils devraient le faire au tribunal, sur la base d’éléments concrets, plutôt qu’à travers un bras de fer promouvant l’exception américain. Les États-Unis ont eu 20 ans pour assumer les préjudices portés par leur programme de torture, mais l’impunité pour les crimes subis par les détenus afghans ainsi que l’existence des bases noires de la CIA règne toujours. La prison de Guantanamo est toujours ouverte, et les États-Unis continuent à détenir des hommes, qui étaient sujets à la torture, sans inculpation.
« L’administration Biden doit immédiatement engager les démarches afin de mettre un terme aux détentions indéfinies et enfin fermer la prison de Guantanamo. De la même manière, les États-Unis ne devraient pas oublier leur engagement envers la justice. Ils doivent demander des comptes aux personnes responsables de la gestion du programme de torture, ou de laisser la CPI faire son travail. »
Katherine Gallagher représente devant la CPI deux survivants de la torture par la CIA et prisonniers de Guantanamo détenus depuis plus de 15 ans sans inculpation, Guled Hassan Duran et Sharqawi Al Hajj.
Les États-Unis soutiennent d’ailleurs la plupart des enquêtes de la CPI, conformément aux engagements pris envers la justice internationale et les droits humains. Dans les mois à venir, nous ferons pression sur les États-Unis afin qu’ils permettent au Procureur de conduire son enquête sans interférences – même si cela affecte des alliés américains. Ils pourront ainsi reprendre leur coopération avec la CPI, et s’orienter vers un soutien affirmatif aux travaux de la Cour dans une démarche proactive vis à vis des enquêtes. Cela enverra un signe sans équivoque aux autres États et au monde que personne n’est au-dessus de la loi.
« L’indépendance du Bureau du Procureur est non seulement un principe clé du Statut de Rome, mais aussi une caractéristique cruciale afin que la Cour remplisse son mandat qui est d’établir la vérité et rendre justice aux victimes. Aux yeux de la loi, il n’y a pas d’exception pour les États-Unis, ni pour d’autres acteurs puissants. »
La FIDH et ses organisations membres soussignées continueront à veiller à ce que les États-Unis renouent leurs engagements avec la CPI.
Contexte
Le vendredi 2 avril, le Président américain Joe Biden a abrogé le décret 13928, qui imposait des sanctions économiques, civiles et pénales envers ceux qui soutiennent les enquêtes et les poursuites de la CPI. Le décret, promulgué par Trump en juin 2020, avait notamment pris pour cible deux fonctionnaires internationaux de la CPI, Fatou Bensouda et Phakiso Mochochoko. Cette mesure a été contestée devant un tribunal fédéral dans le district sud de New York par l’Open Society Justice Initiative et quatre professeurs de droit, qui ont fait valoir que le décret violait les droits constitutionnels des plaignants et les empêchait de mener à bien leur travail en faveur de la justice internationale. Le juge a estimé que le décret violait vraisemblablement le premier amendement à la Constitution des Etats-Unis et a émis une injonction préliminaire. Une deuxième action en justice a été déposée au début de l’année devant un tribunal fédéral du district nord de la Californie par quatre plaignants représentés par l’American Civil Liberties Union.