Les Faits
En juillet 2019, une crise sanitaire a eu lieu dans la ville d’Orsono, au Chili, provoquée par le déversement de 2 000 litres de pétrole dans l’usine d’eau potable de Caipulli, exploitée par la filiale de Suez, ayant provoqué la contamination de l’ensemble du réseau d’eau potable et une coupure d’eau dans la ville pendant plus de dix jours. La contamination a atteint également les cours d’eau de la commune : le rio Rahue et le rio Damas. L’absence d’éclairage, l’infrastructure déficiente, et le manque de personnel sont parmi les multiples irrégularités qui, faute d’avoir été correctement traitées, sont à l’origine de la crise sanitaire, alors même qu’elles auraient pu être évitées.
En raison du risque imminent posé pour la santé, un état d’alerte sanitaire a été déclaré, par décret du 12 juillet 2019. Pendant la période d’alerte, la crise sanitaire a été aggravée par l’installation tardive et incomplète des points d’eau alternatifs qui auraient dû être mis en place immédiatement par ESSAL, ainsi que par un approvisionnement insuffisant et la mauvaise qualité de l’eau fournie. Ce n’est finalement que le 21 juillet 2019 que le service d’approvisionnement en eau a été totalement rétabli par la société. L’alerte sanitaire quant à elle, a dû être prolongée, jusqu’au 31 août 2019, toujours dans le but de faire face à l’urgence sanitaire.
En ont résulté pour les habitant·es d’Osorno des atteintes aux droits à l’intégrité physique et psychique des personnes – auquel est lié le droit à la préservation de la santé – au droit à vivre dans un environnement sain, et au droit à l’eau.
L’action intentée
En application la loi sur le devoir de vigilance, la Red Ambiental Ciudadana de Osorno, association communautaire basée à Osorno, la FIDH et ses organisations membres au Chili et en France, l’Observatorio Ciudadano et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), ont mis en demeure l’entreprise SUEZ, le 7 juillet 2020, en tant que société mère, de se conformer à la loi sur le devoir de vigilance, en prenant les mesures nécessaires pour faire face aux défaillances et illégalités de leur prestation du service d’approvisionnement d’eau à Osorno, afin de prévenir qu’une autre crise sanitaire se reproduise dans la ville ou dans les autres filiales du Chili où opèrent ESSAL et d’autres sociétés contrôlées par le groupe français.
A la suite de cette mise en demeure, la FIDH, la LDH, l’Observatorio Ciudadano et la Red Ambiental Ciudadana de Osorno ont rencontré SUEZ à deux reprises, afin de dialoguer et de tenter d’obtenir une modification du plan de vigilance qui prenne en compte leurs préoccupations, et permette ainsi à l’avenir d’éviter la répétition d’une telle crise sanitaire. Le plan de vigilance 2021 publié par SUEZ le 29 avril 2021 n’ayant pas répondu aux attentes exprimées par les quatre organisations, celles-ci ont assigné l’entreprise devant le Tribunal judiciaire de Nanterre.
Ce que nous demandons
Au terme de cette action, nos organisations demandent concrètement au Tribunal d’ordonner à SUEZ la publication d’un nouveau plan de vigilance, comprenant des mesures détaillées et adéquates pour atténuer et prévenir les risques des atteintes aux droits humains, en particulier les droits à la santé, à l’eau et à un environnement sain, ainsi qu’un dispositif de suivi et de mise en œuvre efficace de ces mesures.
Calendrier et prochaines étapes
L’action a été déposée le 7 juillet 2021. Suite à une requête formulée par la défense du groupe SUEZ, une première audience relative à la recevabilité de l’assignation a eu lieu le 12 avril 2023 devant le Tribunal judiciaire de Paris.
Au cours de celle-ci le tribunal s’est intéressé à trois questions procédurales essentielles, fréquemment soulevées par les entreprises mises en cause dans ce type de procédure afin d’écarter leur responsabilité :
• Si l’assignation a été formulée contre la bonne personne morale dans la structure d’entreprise de SUEZ ;
• Si les ONG qui ont assigné SUEZ en justice ont intérêt à agir en raison de leur objet statutaire ; et
• Si la mise en demeure de 2019 et l’action en justice auraient dû porter sur le même « plan de vigilance » pour que les demandes des ONG soient recevables. Cette question s’est posée puisque SUEZ avait publié un nouveau plan de vigilance entre la mise en demeure et l’assignation, bien que celui-ci laisse les préoccupations des ONG sans réponse.
Le 1er juin 2023, le tribunal, statuant sur les premier et troisième points soulevés par la défense, a déclaré l’action des ONG irrecevable. Les associations ont fait appel de la décision. Une audience de plaidoirie est prévue le 5 mars 2024 à la Cour d’appel de Paris dans une chambre spéciale « devoir de vigilance ».
Pour en savoir plus
Communiqués de presse et questions-réponses publiés par la FIDH :