Suite à la crise sanitaire d’Osorno (Chili), Suez mise en demeure de modifier son plan de vigilance.

Quatre organisations ont écrit aujourd’hui à Bertrand Camus, Directeur Général de Suez, pour lui demander de détailler son plan de vigilance pour ses activités au Chili, où la multinationale détient plus de 43% du marché de la distribution d’eau. Sans réponse ou mesures appropriées, cette mise en demeure serait suivie d’une action devant la justice française. En juillet 2019, les habitants d’Osorno avaient été privés d’eau pendant 10 jours et l’alerte sanitaire décrétée, du fait de la contamination du réseau d’eau potable suite à un nouvel incident d’exploitation d’ESSAL, société contrôlée par Suez. Il faisait suite à des dysfonctionnements, négligences et manquements continus, pointés à de multiples reprises par les instances de contrôles chiliennes, qui avaient évoqué au préalable « un risque élevé ».

Quatre ONG ont aujourd’hui mis en demeure l’entreprise SUEZ de se conformer à la loi française sur le devoir de vigilance du 27 mars 2017, la sommant de prendre les mesures nécessaires pour faire face aux défaillances et illégalités de leur prestation du service d’approvisionnement d’eau à Osorno, afin de prévenir qu’une autre crise sanitaire se reproduise dans la ville ou dans les autres communes du Chili où opèrent ESSAL et d’autres sociétés contrôlées par le groupe français.

« Nous demandons à SUEZ d’assurer un accès à l’eau correct et sécurisé aux communautés auxquelles elle s’est engagée à fournir ce service. Depuis la privatisation brutale des services publics d’eau potable sous la dictature Pinochet, la fourniture d’eau aux populations n’a cessé de se dégrader, pendant que les multinationales et leurs branches chiliennes réalisaient de copieux bénéfices »

Jose Aylwin de l’Observatorio ciudadano.

Si d’ici trois mois, SUEZ ne présente pas de mesures adéquates, nos organisations pourront assigner la multinationale française en justice pour qu’il lui soit enjoint, le cas échéant sous astreinte, de mettre en place des mesures pour éviter que des nouvelles crises sanitaires se produisent en raison du comportement négligent de ses sociétés contrôlées au Chili.

Le 10 juillet 2019, 2 000 litres de pétrole étaient déversés dans l’usine d’eau potable de Caipulli, exploitée par la filiale de Suez dans la ville d’Osorno. La source de captage de l’usine fut contaminée par les hydrocarbures, entraînant la contamination de l’ensemble du réseau d’eau potable, qui approvisionne 49 000 foyers de la commune, soit 140 500 habitants (97,9% de la population). La contamination a également atteint deux cours d’eau : le rio Rahue et le rio Damas.

La coupure d’eau s’est prolongée pendant plus de dix jours. Les habitants d’Osorno, ainsi que les établissements essentiels à la vie de la commune (hôpitaux, centres de santé, centres de dialyse, établissement de soins de longue durée pour personnes âgées, etc.) ont été coupés d’un accès à l’eau potable, provoquant une grave crise sanitaire. Le 12 juillet 2019, l’état d’alerte sanitaire était déclaré par décret. Aucune étude épidémiologique n’a été diligentée a posteriori pour évaluer le nombre de victimes.

Pendant cette période d’alerte, la crise sanitaire a été aggravée en raison de l’installation tardive et incomplète des points d’eau alternatifs qui auraient dû être mis en place immédiatement par ESSAL, ainsi que par un approvisionnement insuffisant et de mauvaise qualité de l’eau fournie. Le service d’approvisionnement en eau n’a été totalement rétabli que le 21 juillet 2019. L’alerte sanitaire dû être prolongée jusqu’au 31 août 2019.

"Les citoyens d’Osorno ont droit à un service régulier d’eau potable de qualité, comme tout être humain. Ainsi qu’un droit à d’être réparés pour les dommages causés à leur santé et à l’écosystème. Compte tenu des manquements répétés d’ESSAL, nous demandons à la société mère, SUEZ, de prendre les mesures requises" a déclaré Ricardo Becerra de la Red Ambiental Ciudadana de Osorno.

Ces graves atteintes sont fondamentalement dues à l’absence de mesures de prévention et de mesures correctives mises en place par la société ESSAL, alors même que la Superintendencia de Servicios Sanitarios (SISS), entité publique en charge de l’inspection de ce type de services au Chili, avait dès 2018 alerté sur les nombreuses anomalies de l’infrastructure, estimant le « risque élevé » et avait imposé 36 amendes ces cinq dernières années à la société.

« Par cette mise en demeure, nous demandons à SUEZ de publier un nouveau plan de vigilance, comprenant des mesures détaillées et adéquates pour atténuer et prévenir les risques des atteintes aux droits humains, en particulier les droits à la santé, l’eau et à un environnement sain, ainsi qu’un dispositif de suivi et de mise en œuvre efficace de ces mesures »

Clémence Bectarte, coordinatrice du Groupe d’action Judiciaire de la FIDH

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