HUMAN RIGHTS WATCH ET LA FEDERATION INTERNATIONALE DES LIGUES DES DROITS DE L’HOMME SALUENT LA TENUE DES PROCES AU RAWNDA MAIS DEPLORENT DE SERIEUSES IRREGULARITES

30/12/1996
Communiqué

Human Rights Watch et la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) se sont félicités aujourd’hui, d’une part, du début des procès des personnes accusées d’avoir participé au génocide de 1994 au Rwanda et d’autre part, de celui tout aussi important, mais sans relation directe, d’un célèbre officier militaire inculpé pour avoir autorisé un massacre dans le camp de Kibeho où se trouvaient des populations déplacées, en 1995.

Mais, comme le font remarquer les deux organisations, ces procédures historiques ne sont pas parvenues à établir les précédents nécessaires à l’établissement d’un Etat de Droit, au Rwanda. Lors des procès pour génocide, les accusés n’ont pas bénéficié de l’assistance d’un avocat, ce qui représente une violation particulièrement grave de leurs droits étant donné qu’ils pourraient être confrontés à une peine de mort s’ils sont reconnus coupables. A l’inverse, lors du procès militaire, l’officier a bien été défendu par son avocat mais l’accusation s’est montrée si peu vindicative que l’on pourrait se poser des questions quant au sérieux des procédures engagées. Le Rwanda doit instaurer un système judiciaire solide et impartial afin d’en finir avec l’impunité qui a dissimulé des violations massives des Droits de l’Homme par le passé et aussi d’éviter un accroissement de la violence, en particulier lorsque le retour de centaines de milliers de réfugiés, dont beaucoup sont accusés de génocide, a ravivé les tensions entre Hutus et Tutsis.

Human Rights Watch et la FIDH ont eu à déplorer le caractère sommaire des procès pour génocide qui ont eu lieu le 27 décembre à Kibungo, une ville de l’est du Rwanda. Les procédures isolées contre Déogratias Bizimana et Egide Gatanazi n’ont duré, chacune, que quelques heures. Au lieu d’appeler les témoins à déposer le procureur a présenté un résumé de leurs dépositions comme cela se fait au Rwanda. Les défendeurs avaient le droit d’être confrontés aux demandeurs et de demander la présence de témoins à décharge, ce qu’il n’ont pas fait, certainement pour n’avoir pas été informés de ces droits. Bizimina a demandé un ajournement de son procès afin de préparer sa défense, demande rejetée par la cour considérant que la journée durant laquelle il avait eu accès à son dossier avait été suffisante.

Bizimania comme il en a le droit a également demandé à ce que son procès se déroule en Français, une des langues officielles, mais cela lui a été refusé. Gatanazi a affirmé à la Cour qu’il ne pouvait pas répondre pleinement des charges portées contre lui car il n’était pas capable de se souvenir de tout ce que le procureur avait dit. La loi rwandaise garantit le droit à un avocat mais le Gouvernement affirme qu’il n’a pas d’argent pour payer des avocats aux plus démunis. En réalité, des considérations politiques entrent autant en ligne de compte que l’absence de fonds. En 1995, le Bureau des Droits de l’Homme des Nations Unies a proposé de fournir des avocats aux personnes accusées de génocide mais a abandonné ce projet quand il s’est heurté à la résistance du Gouvernement Rwandais.

Les victimes des crimes dont sont accusés les défendeurs ont agi en dommages et intérêts mais elles souffrent également du manque d’assistance juridique qui leur aurait permis de demander une réparation effective.

Human Rights Watch et la FIDH déplorent également le caractère superficiel du récent procès devant la cour martiale du Colonel Fred Ibingira. Pendant la journée et demie qu’a duré le procès, onze témoins sont venus à la barre parmi lesquels la majorité avait peu de chose à dire et n’a pas été interrogée de manière rigoureuse. L’un d’entre eux savait si peu de chose concernant ce cas que les juges ont demandé pourquoi il avait été appelé à témoigner. Des témoignages essentiels pour établir la responsabilité du Colonel comme celui de son officier supérieur, n’ont pas été entendus. L’accusation et la défense se sont largement reposées sur le rapport d’une Commission internationale d’enquête qui a considérablement diminué le rôle joué par l’armée rwandaise dans ce massacre. Toutes les deux parlent de trois cents civils tués, tandis que des observateurs indépendants affirment qu’au moins deux milles personnes ont été sauvagement assassinées. L’accusation n’est pas parvenue à réfuter efficacement l’argument de Ibingira selon lequel les problèmes de communication et la rapidité de l’évolution de la situation ne lui ont pas permis d’éviter la mort de nombreux civils, femmes et enfants pour la plupart. De nombreuses personnes présentes à Kibeho aurait pu témoigner de l’apparente facilité de communication entre les troupes et du fait que les massacres se sont étalés sur une période de trois jours qui aurait largement permis au Colonel d’intervenir. En outre, l’accusation n’ayant appelé aucun de ces témoins, il est permis d’émettre des doutes quant à la volonté de faire de ce procès militaire un véritable procès ou au contraire un simple simulacre.

La décision dans le procès Inbingira est attendue pour le 30 décembre, et dans les autres cas pour le 3 janvier.

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