Trente ans du génocide des Tutsi au Rwanda : les rapports d’enquête de la FIDH numérisés

04/04/2024
Dossier
FIDH

Du 6 avril au mois de juillet 1994, entre 800 000 et 1 million d’hommes, de femmes et d’enfants rwandais·es furent massacré·es lors du génocide perpétré principalement à l’encontre des Tutsi. Dès 1993, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) effectuait une mission de terrain au Rwanda et alertait sur les violations massives des droits humains qui annonçaient déjà un génocide. Trente ans plus tard, la FIDH publie à nouveau les versions numérisées de ses rapports, dénonçant aussi bien les prémices que les conséquences du génocide.

À l’origine, Tutsi et Hutu sont deux groupes ethniques dont la cohabitation est devenue antagoniste sous la monarchie. Les puissances colonisatrices allemande puis belge en ont exacerbés les tensions entre les deux groupes ethniques, privilégiant les Tutsi, pour en faire leurs administrateurs coloniaux. Cette situation a perduré jusqu’à la révolte nationaliste hutu de 1959, puis en 1961 l’indépendance et l’instauration de la première République dominée par les partis hutu.

De 1959 à 1973, le Rwanda est le théâtre de régulières flambées de violences pour le contrôle du pouvoir entre une opposition largement tutsi et le pouvoir presque exclusivement hutu. Plusieurs milliers de Tutsi sont massacrés en 1959, décembre 1963 et en 1973. Exploitant ces événements, Juvénal Habyarimana, d’origine hutu, prend le pouvoir en juillet 1973 et instaure le parti unique du Mouvement révolutionnaire pour le développement (MRND), tandis que des exilé·es tutsi s’organisent en Ouganda et créent le Front patriotique rwandais (FPR) en 1987.

Le 1er octobre 1990, venant de l’Ouganda, une première attaque lancée par le FPR sur le territoire rwandais entraîne la radicalisation du pouvoir MRND et le début de l’engrenage génocidaire. L’entourage du Président Juvénal Habyarimana sème les premiers jalons : recensements ethniques, propagande virulente anti-Tutsi et enfin, planification méthodique de leur extermination.

Le 6 avril 1994, Habyarimana meurt dans un attentat contre son avion alors qu’il rentrait d’une conférence de paix qui s’était tenue en Tanzanie. Le FPR est accusé par le pouvoir d’être responsable de cet attentat. Le prétexte à l’extermination des Tutsi est trouvé. Dans les heures qui suivent, les soldats et miliciens Interahamwe se mettent à massacrer systématiquement les Tutsi. Le génocide a commencé, il durera quatre mois.

Génocide des Tutsi au Rwanda : la FIDH et ses organisations membres mobilisées depuis les prémices

Le conflit armé opposant les forces gouvernementales rwandaises et le mouvement armé d’opposition, le Front patriotique rwandais (FPR) depuis le mois d’octobre 1990 entraîne une multiplication importante des violations graves des droits humains au Rwanda. En janvier 1993, une mission internationale d’enquête de la FIDH et d’autres organisations de la société civile se rendent dans le pays pour enquêter sur les exactions contre les Tutsi et les opposant⋅es politiques. La Commission internationale d’enquête conclut à la perpétration de violations des droits humains « massives et systématiques, avec l’intention délibérée de s’en prendre à une ethnie déterminée », prémices de la logique génocidaire mise en œuvre en avril 1994.

La FIDH a alerté la communauté internationale sur le drame qui était en train de se nouer au Rwanda. Saisi par le FIDH, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les Exécutions sommaires et extrajudiciaires se rend sur place en avril 1993 et publie en août 1993 un rapport confirmant toutes les craintes de la FIDH. Ces dénonciations publiques des massacres, ainsi que les contacts avec les défenseur⋅es rwandais⋅ses des droits humains sont quotidiennes durant le génocide.

Une lettre, adressée par la FIDH aux chefs d’état-major des FAR et au Président du FPR, le 20 avril 1994, indique : « Les meurtres de milliers de rwandais sans défense par la garde présidentielle, les milices du MRND et de la CDR, et des soldats des forces armées rwandaises, à Kigali et ailleurs dans le pays, en fonction de leur appartenance ethnique ou de leurs opinions politiques, constituent des crimes contre l’humanité. Une des première obligations du prochain gouvernement légitime du Rwanda sera de s’assurer que les responsables de ces crimes soient jugés au cours de procès répondant aux normes internationales ».

En 1995, la FIDH et Human Rights Watch (HRW) mènent plusieurs enquêtes de terrain. Elles recueillent d’innombrables témoignages qui ont projeté une nouvelle lumière sur les crimes internationaux commis et sur leurs responsabilités politiques, militaires et civiles. En 1997, la FIDH et HRW publient un rapport sur les violences sexuelles commises durant le génocide, d’après des recherches effectuées entre mars et avril 1996.

En 1999, sort le rapport conjoint FIDH/HRW « Aucun témoin ne doit survivre ». Il devient une source importante pour les travaux judiciaires du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et les juridictions nationales qui s’emparent du sujet de ce génocide. La FIDH publie en 2004 un rapport sur le rôle et la place des victimes devant le TPIR intitulé « Entre illusions et désillusions : les victimes devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ».

NB : Depuis la rédaction de certains de ces documents, l’historiographie et la recherche au sens large ont fait évoluer certaines terminologies. Il convient de nommer le génocide non pas « génocide rwandais » mais bien « génocide des Tutsi au Rwanda ».

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