Paris, Abidjan, 20 mars 2024. Cette décision, rendue par le Conseil d’État lors de son audience le 20 mars 2024, confirme la légalité d’une loi d’amnistie contestée par la FIDH, la LIDHO et le MIDH aussi bien en sa forme que dans le fond. Cette décision est contraire aux engagements régionaux et internationaux de l’État de Côte d’Ivoire en matière de droits humains, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et au Statut de Rome. Ces chartes et traités ont été ratifiés par l’État de Côte d’Ivoire, l’obligeant à respecter les droits et devoirs qui y sont inscrits comme le droit à la justice et à la réparation pour les victimes de violations graves des droits humains.
Cette décision du Conseil d’État, relative à la demande d’annulation de l’ordonnance n° 2018-669 du 06 août 2018 qui instaure l’amnistie des crimes de sang perpétrés pendant la crise post-électorale de 2010-2011, s’inscrit dans un contexte où les autorités nationales et plusieurs acteurs politiques appellent à la réconciliation et au pardon, dans l’intérêt de la cohésion nationale et en pleine période pré-électorale. Le 22 février dernier, le Président Alassane Ouattara a gracié 51 personnes condamnées pour des crimes de sang durant les crises qui ont secoué le pays ces dernières années. En juillet 2022, dans un rapport intitulé « Côte d’Ivoire : de la justice sacrifiée au nom de la réconciliation à la justice instrumentalisée par le politique », la FIDH, la LIDHO et le MIDH dénonçaient déjà l’état inquiétant de la justice dans le pays depuis la crise de 2010-2011, le manque de perspectives de justice au niveau international, et les attentes des victimes et survivant·es de crimes internationaux face à l’impunité persistante.
« Plus de 13 ans après la crise de 2010-2011, les victimes voient à nouveau l’impunité des auteurs présumés être consacrée, tant au niveau politique que judiciaire. Nous réitérons notre appel aux autorités ivoiriennes pour garantir une paix durable. La réconciliation ne doit pas être synonyme d’oubli et d’impunité, mais au contraire de vérité, de justice et de réparation pour les victimes », a déclaré Willy Neth, président de la LIDHO.
Face à l’absence de justice, tant au niveau national qu’international, la FIDH, la LIDHO et le MIDH ont décidé de saisir la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour faire valoir le droit des victimes à obtenir justice et garantir l’application des normes internationales en matière de justice et de protection des droits humains.
« Cette décision laisse subsister l’ordonnance qui consacre l’amnistie. Cela constitue un déni de justice pour les victimes de la crise post-électorale », a déclaré Me Drissa Traoré, avocat et secrétaire général de la FIDH. « La Cour de justice de la Cedeao doit pouvoir se prononcer sur la compatibilité de cette mesure d’amnistie avec le droit international. »
« Nous appelons le gouvernement ivoirien à replacer la justice au cœur de ses priorités, y compris en respectant ses engagements régionaux et internationaux en matière de droits humains » a déclaré Drissa Bamba, président du MIDH.