Ouganda : Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ne doit pas être fermé, il doit au contraire être renforcé

02/03/2023
Déclaration
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Michael O’HAGAN / AFP

Paris - Kampala - 2 mars 2023. Le 6 février 2023, le ministère des Affaires étrangères de l’Ouganda a notifié au bureau national du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) que son mandat ne serait pas renouvelé. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) appelle les autorités ougandaises à revenir sur cette décision et à renforcer sa collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme en plaçant les droits humains au cœur de leurs engagements.

La décision de fermer le bureau national du HCDH a été prise après que celui-ci a demandé l’approbation du gouvernement ougandais pour le renouvellement de son mandat fin décembre 2022. Celui-ci devait arriver à expiration, trois ans après l’accord conclu avec le pays hôte de 2020. Les dispositions légales permettent au Haut-Commissariat de fonctionner jusqu’en août 2023 si aucun nouvel accord n’est signé. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme est présent en Ouganda depuis 17 ans et ce n’est pas la première fois que la question du renouvellement de son mandat se pose. Au cours des dix dernières années, ce mandat a été contesté, revu ou renégocié à plusieurs reprises. Cela a déjà affecté la capacité du Haut-Commissariat à mener à bien ses missions et à rendre compte publiquement de la situation des droits humains dans le pays.

« Agir contre le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, c’est agir contre les droits humains. L’Ouganda doit montrer qu’il est prêt à être un leader en matière de droits humains en renforçant le mandat du bureau plutôt qu’en le réduisant. Il en va de l’intérêt des autorités compétentes, des institutions nationales, ainsi que des organisations de la société civile et de la population »

a déclaré Alice Mogwe, présidente de la FIDH.

Alors que le gouvernement ougandais justifie sa décision par les progrès réalisés, la FIDH constate au contraire qu’il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la situation des droits humains dans le pays. Les droits et libertés fondamentaux ont été fortement restreints depuis la pandémie de Covid-19 et les élections nationales de janvier 2021. La FIDH a alerté et condamné le rétrécissement de l’espace démocratique, notamment l’usage de la force et le harcèlement des opposant·es politiques, des militant·es et des médias avant, pendant et après les élections en Ouganda. En raison des multiples attaques contre la participation de la société civile, il est aujourd’hui très difficile d’agir en tant qu’organisation de défense des droits humains et de s’exprimer sur ces droits dans le pays. La porte-parole du Haut-Commissaire a dénoncé la détérioration de la situation des droits humains dans le pays. En novembre 2022, le Comité des Nations unies contre la torture a estimé que les plaintes concernant « l’usage excessif de la force et d’autres actes de violence par les forces de sécurité dans le cadre des mesures d’urgence prises dans le contexte de la pandémie de COVID-19 » devaient faire l’objet d’une enquête par un organisme indépendant.

Il est de notoriété publique, mais aussi documenté par la Commission des droits de l’homme de l’Ouganda (UHRC) dans son rapport annuel 2021 au Parlement, que les arrestations arbitraires, la détention et la torture constituent les types les plus courants de violations des droits humains ; elles aboutissent régulièrement à des cas de disparitions forcées présumées. Le mois dernier, dans un discours télévisé, le président ougandais Y. Museveni a publiquement dénoncé les actes de torture et a mis en garde les Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) contre tout acte de brutalité à l’encontre des populations civiles.

« C’est un signal très inquiétant qui est envoyé concernant les droits humains en Ouganda. Le HCDH en Ouganda a joué un rôle déterminant dans la formation aux droits humains des Forces de défense du peuple ougandais (UPDF) et des forces de police ougandaises (UPF), entre autres administrations. Le bureau national du HCDH soutient également les ONG présentes dans le pays en les formant aux mécanismes des Nations unies, à la protection des défenseur·es des droits humains, à la surveillance et à la documentation des droits humains, notamment dans le cadre du processus d’examen périodique universel (EPU) », a déclaré Jean-Claude Katende, vice-président de la FIDH.

Une autre préoccupation croissante en Ouganda est la situation des droits humains liée aux activités des entreprises, en particulier le développement de gigantesque projets d’extraction de matières premières. La FIDH a dénoncé à plusieurs reprises les menaces, intimidations, harcèlements et violences dont sont victimes les défenseur·es des droits humains qui travaillent sur les impacts négatifs des projets d’extraction pétrolière dans l’ouest de l’Ouganda. Cette situation a également été dénoncée par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme et les procédures spéciales des Nations Unies, ainsi que par le Parlement européen.

« Le bureau ougandais du HCDH a joué un rôle essentiel dans les actions de plaidoyer visant à ce que le gouvernement fasse respecter les droits humains dans le contexte des investissements pétroliers, il a été en contact avec les autorités, la société civile et les entreprises impliquées » a rappelé Jean-Claude Katende, Vice-président de la FIDH.

Le bureau national du HCDH est présent en Ouganda depuis 2006, avec un mandat initial axé sur la situation des droits humains dans les zones touchées par le conflit dans le nord et le nord-est de l’Ouganda. En 2009, son mandat a été élargi pour couvrir l’ensemble du pays et toutes les questions relatives aux droits humains. Dans ses activités quotidiennes, le bureau national du HCDH soutient les autorités, les institutions de défense des droits humains, notamment la Commission des droits de l’homme de l’Ouganda, et les organisations de la société civile dans la promotion et la protection des droits humains, et surveille la situation des droits humains dans le pays. Ce bureau se compose d’un bureau à Kampala et de deux antennes locales dans le pays. Depuis 2020, dans le cadre de l’accord actuel, le bureau national du HCDH a également dispensé de nombreuses formations sur le système international des droits humains aux fonctionnaires du gouvernement ougandais ainsi qu’aux représentant·es d’autres États intéressés de la région, aux organisations nationales de défense des droits humains et aux organisations de la société civile.

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