un soutien réaffirmé à la loi belge

22/11/2001
Rapport

Trois des principales organisations
internationales de défense des
droits de l’Homme ont apporté lundi
22 novembre leur soutien à la loi
belge de 1993 qui permet la poursuite
en Belgique de responsables
d’atrocités commises à l’étranger.

Human Rights Watch, la FIDH et la
Commission internationale de juristes ont
déclaré que cette loi, qui met en oeuvre le
principe de la "compétence universelle",
est essentielle pour empêcher les responsables
de graves crimes de droit international
d’échapper à la justice. Adoptée en
1993, modifiée en 1999, elle rend les tribunaux
belges compétents pour poursuivre
toute personne accusée de génocide,
crimes contre l’humanité et crimes de
guerre indépendamment d’une quelconque
connexion du crime avec la
Belgique et sans que la présence sur le territoire
belge de la personne accusée soit
requise.

Une justice universelle. "La loi belge
s’inscrit dans un mouvement général
pour traduire en justice ceux qui commettent
des atrocités" ont ajouté les trois
organisations. "Les poursuites basées sur
la compétence universelle sont un élément
essentiel dans la construction nouvelle
d’une justice universelle. Elles sont
importantes pour en finir définitivement
avec l’impunité qu’organisent eux-mêmes
les tyrans et les tortionnaires dans leurs
propres pays." En application de cette loi,
des plaintes ont été déposées en
Belgique contre un nombre important de
criminels soupçonnés de graves violations
des droits de l’Homme, en particulier
contre le Premier ministre israélien,
Ariel Sharon et l’ancien dictateur du
Tchad, Hissène Habré. Au cours d’un procès
qui fera date, quatre Rwandais furent
condamnés le 8 juin 2001 par un jury
belge qui les a reconnus coupables de
participation au génocide qui a ensanglanté
leur pays.

Cependant, la loi est devenue la cible de
critiques et d’attaques récentes principalement
sur trois fondements. D’abord, des
politiciens belges soutiennent que les possibilités
qu’offre la loi ont attiré sur le sol
belge toutes les poursuites intentées pour
violation des droits de l’Homme de par le
monde. Ensuite, la République Démocratique
du Congo (RDC) a attaqué la Belgique
devant la Cour Internationale de Justice
soutenant qu’un mandat d’arrêt délivré
contre l’un de ses ex-ministres des affaires
étrangères violait le droit international.
Enfin, une cour d’appel va entendre ce mercredi
24 novembre les arguments des avocats
de Sharon et du ministre congolais qui
soutiennent que la loi ne peut s’appliquer
que si les personnes poursuivies sont présentes
sur le territoire belge.

Comme la loi qui a permis l’arrestation du
Général Augusto Pinochet à Londres pour
des crimes commis pour la plupart au
Chili et ce en exécution d’un mandat délivré
par un juge espagnol, la loi belge se
fonde sur le principe de la "compétence
universelle", applicable aux atrocités les
plus choquantes. Ce principe (...) établit
que tout pays a un intérêt à traduire en
justice les responsables des crimes les
plus sérieux de droit international, quel
que soit le lieu où le crime a été commis
et quelle que soit la nationalité des
responsables ou de leurs victimes. (...)
Selon les organisations, l’un des moyens
pour éviter que toutes ces plaintes soient
déposées en Belgique serait que d’autres
pays adoptent des lois similaires sur la
"compétence universelle" au lieu d’attaquer
systématiquement la loi belge. En
réalité, plusieurs autres pays ont déjà
adopté des lois équivalentes en mettant
en œuvre dans leur droit national les
dispositions du Statut de Rome de 1998
portant création de la Cour pénale internationale.
(...) Des tribunaux en Autriche,
en Allemagne, au Danemark, en France
mais encore en Suisse ont déjà appliqué
le principe de la compétence universelle à
des personnes accusées de crimes commis
pendant les conflits en ex-Yougoslavie
et au Rwanda.

Les organisations internationales précisent
que le cas d’Hissène Habré illustre
parfaitement l’importance de la loi belge
pour traduire en justice les responsables
des pires crimes de droit international. En
février 2000, un juge sénégalais, pays
d’exil d’Hissène Habré, avait inculpé l’exdictateur
qui dirigea le Tchad de 1982 à
1990, pour complicité de crimes contre
l’humanité et complicité d’actes de torture
et de barbarie et l’avait placé en résidence
surveillée. Pour la première fois, un
ancien chef d’Etat africain était inculpé
par la justice d’un autre pays africain.
Mais le 20 mars 2001, la Cour de
Cassation du Sénégal a déclaré les juridictions
de ce pays incompétentes pour
juger de crimes commis au Tchad en l’absence
d’incorporation des lois de procédure
nécessaires. Cependant, certaines victimes
de l’ancien dictateur, dont plusieurs
ressortissants belges, cherchent maintenant
à faire extrader Habré vers la
Belgique pour y être jugé. Le président
sénégalais Abdoulaye Wade s’est récemment
engagé, après une demande du
Secrétaire général des Nations-unies Kofi
Annan, à garder Habré au Sénégal en
attendant une demande d’extradition
émanant des autorités belges. L’affaire
est maintenant instruite par Monsieur
Daniel Fransen, juge d’instruction près le
tribunal de première instance de
Bruxelles.

La loi belge sur la compétence universelle
représente une avancée remarquable et
consacre un outil essentiel de la lutte
contre l’impunité.

"Tout pays a un intérêt à traduire en justice les responsables des crimes les plus sérieux de droit international"

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