Bosco Ntaganda et la Cour Pénale Internationale : Questions et Réponses

Le procès engagé contre Bosco Ntaganda débute à la Cour Pénale Internationale (CPI) mercredi 2 septembre 2015. La FIDH et ses organisations membres de la République démocratique du Congo (RDC), le Groupe Lotus, la Ligue des Electeurs et l’Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO), publient une série de questions / réponses afin d’expliquer l’importance de cette procédure pénale.

Qui est Bosco Ntaganda ?

Bosco Ntaganda, surnommé « le Terminator » est un ancien chef rebelle de la République démocratique du Congo. Ntaganda exerçait les fonctions de Chef d’Etat Major adjoint et Commandant des Opérations du groupe rebelle des Forces Patriotiques pour La Libération du Congo (FPLC), bras armé de l’Union des Patriotes Congolais, avant d’être nommé Général de l’Armée Congolaise par le président Joseph Kabila en 2009. Il est accusé d’avoir joué un rôle clé dans les attaques à motivation ethnique perpétrées à l’encontre de populations civiles dans la province d’Ituri en 2002/2003.

De quoi accuse t-on Bosco Ntaganda ?

Ntaganda et ses troupes du FPLC auraient commis des atrocités à l’encontre de la population non-hema dans la province d’Ituri en RDC en 2002-2003. Lors de l’audience de confirmation des charges en 2014, le procureur de la CPI a décrit la façon dont Ntaganda a mené l’offensive des troupes hema à l’encontre des populations lendu, bira et nande pour les chasser de la région d’Ituri, riche en minéraux ; commettant des exactions telles que des massacres, des viols et de l’esclavage sexuel. Les troupes de Ntaganda auraient également recruté des enfants soldats, eux-mêmes victimes de crimes sexuels perpétrés par des membres de sces troupes. Ntaganda serait non seulement responsable de la commission de ces crimes (par le fait d’avoir ordonné leur commission et d’avoir participé à la commission de ces crimes à travers ces troupes), mais également de ne pas avoir prévenu leur commission ni puni ses subordonnés auteurs de ces exactions, tel que son devoir en tant que commandant le lui dictait.

Ntaganda fait face à treize chefs d’accusation pour crimes de guerre, y compris meurtre et tentative de meurtre, attaque contre des civils, viol, esclavage sexuel de civils, pillage, déplacement de populations civiles, attaque contre des objets protégés, enrôlement, conscription et utilisation d’enfants soldats de moins de 15 ans ; ainsi que cinq chefs d’accusation de crimes contre l’humanité, dont meurtre et tentative de meurtre, viol, esclavage sexuel, persécution et déplacement forcé de populations.

Pourquoi a-t-il fallu aussi longtemps pour traduire Ntaganda en justice ?

Alors qu’il a fait deux fois l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI en 2006 puis en 2012, Ntaganda et ses troupes ont été intégrées à l’armée congolaise en 2009. En tant que général de l’armée, il était en poste dans la ville de Goma à l’est de la RDC, échappant ainsi à la justice pour les crimes qu’il aurait commis les années précédentes. Cependant, Ntaganda et ses troupes ont rejoint un nouveau groupe de forces rebelles en 2012, le M23. Après une lutte de pouvoir interne entre les factions, et lors d’un surprenant retournement de situation, Ntaganda s’est livré à l’ambassade des Etats-Unis au Rwanda. Il a été transmis à la CPI à La Haye aux Pays Bas, en mars 2013.

Pourquoi le procès à l’encontre de Ntaganda est-il si important pour les victimes ?

Le procès Ntaganda est unique du fait que l’accusé était très haut placé au sein d’ un groupe armé rebelle au moment où les crimes auraient été perpétrés. Il a ensuite été promu officier du haut commandement dans les forces armées de la RDC. Il s’agit également de la première affaire sur la situation en RDC dans laquelle la Chambre Préliminaire a confirmé toutes les charges de crimes sexuels requis par la Procureure. Enfin, c’est aussi la première fois que la CPI a inclus dans la liste des charges à l’encontre d’un accusé les crimes de viol et d’esclavage sexuel perpétrés à l’encontre d’enfants soldats, sous le commandement d’un officier au sein de son propre groupe armé, ainsi que perpétrés à l’encontre de civils. Ces chefs d’accusation sont plus représentatifs de la diversité des préjudices subis par les victimes, en particulier des victimes de violence sexuelle, que dans les affaires précédentes à la CPI. La FIDH n’a cessé d’appeler à porter une plus grande attention aux crimes de nature sexuelle, tant de la part du Bureau du Procureur de la CPI au travers de sa stratégie en matière de poursuites, que de la part des autorités nationales en RDC.Le fait que Ntaganda soit poursuivi pour de tels crimes est important car cela permet aux victimes d’être reconnues, de participer à la procédure et éventuellement d’obtenir réparation pour les souffrances subies.

Lors de la confirmation des charges à l’encontre de Bosco Ntaganda, 297 ex-enfants soldats et 1851 victimes d’attaques présumées de FPLC, donc un total de 2148 victimes, ont obtenu le statut de participant au procès.

La participation aux procès est un droit garanti aux victimes par la CPI. Leur participation joue un rôle clef dans le processus judiciaire et est donc essentielle pour que justice soit faite. Enfin, si Ntaganda est reconnu coupable, les victimes ont droit à obtenir des réparations pour leurs préjudices subis.

Pourquoi la Cour Pénale Internationale est-elle impliquée en République Démocratique du Congo ?

A la suite de longues années de conflits et face à l’incapacité des juridictions nationales de poursuivre les auteurs de crimes internationaux sur son territoire, la RDC à travers son Président a demandé en avril 2004 au Procureur de la CPI d’ouvrir une enquête sur d’éventuels crimes internationaux commis en RDC.

La RDC est l’un des premiers pays à avoir ratifié le Statut de Rome en 2002, acceptant ainsi la juridiction de la CPI pour les crimes commis sur son territoire et par ses ressortissants. Après avoir reçu le-dit renvoi de la RDC, le procureur a mené un examen préliminaire, et a en effet conclu que la situation dans le pays relevait de la compétence de la Cour du fait du type de crimes commis ainsi que du manque de volonté et/ou capacité du système judiciaire national à enquêter sur ces crimes et à traduire les responsables en justice. La CPI a donc ouvert une enquête en juin 2004.

Les tout premiers procès de la CPI concernaient des poursuites engagées contre des suspects ressortissants de la RDC accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité perpétrés lors du conflit ethnique en Ituri en 2002/2003. A l’heure actuelle, trois procès ont été finalisés sur la situation en RDC : Thomas Lubanga Dyilo et Germain Katanga ont été reconnus coupables et condamnés et Mathieu Ngudjolo Chui a été acquitté. Lubanga a été reconnu coupable des crimes de guerre d’enrôlement, conscription et utilisation d’enfants soldats de moins de 15 ans au sein de ces troupes du FPLC. A cette époque, Ntaganda était le Chef d’État major adjoint du FPLC. Les charges portées à l’encontre de Callixte Mbarushimana n’ont en outre pas été confirmées, la procédure engagée contre lui ayant ainsi été abandonnée avant le stade du procès. Enfin le suspect Sylvestre Mudacumura est encore en fuite, il est recherché pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

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