Mardi 15 septembre au soir, deux journalistes ont été arrêtés alors qu’ils étaient en route pour participer à une émission de radio dans la ville de Hoima, pour appeler à la mobilisation citoyenne pour protéger la forêt de Bugoma et dénoncer les atteintes aux droits humains et à l’environnement du projet pétrolier de Total et ses partenaires dans la région. Ils ont passé la nuit au commissariat. Sept membres de la société civile et journalistes qui cherchaient à négocier leur libération ont été ensuite arrêtés ce matin.
A cette heure, les neuf personnes sont toujours retenues au commissariat. La police n’a pas précisé les motifs des arrestations, mais les associations locales craignent une opération d’intimidation à quelques heures d’une mobilisation pour la protection d’une des plus grandes réserves forestières du pays.
Les personnes arrêtées font partie d’un réseau mobilisé pour la sauvegarde de la forêt de Bugoma, forêt tropicale protégée de 65,000 hectares. Elles appelaient hier à la mobilisation pour dénoncer le feu vert du gouvernement à des projets d’investissement de l’industrie sucrière qui mettent en danger cet écosystème. Ils alertent également sur les conséquences sociales et environnementales des projets pétroliers dans la région, dont ceux de Total (Tilenga et EACOP), qui sont aussi fortement critiqués internationalement.
Ces arrestations interviennent alors que Total et son partenaire CNOOC accélèrent la mise en place du projet d’extraction pétrolière et la construction d’un oléoduc géant dans la région.
Selon Romain Ravet, Directeur Pays d’Avocats Sans Frontières en Ouganda, “Les arrestations se multiplient en Ouganda en général et autour des projets d’investissement internationaux en particulier. Ces arrestations débouchent rarement sur des poursuites, faute de fondement et semblent donc s’inscrire dans une démarche d’intimidation voire de neutralisation des défenseurs.”
"Cette atmosphère d’intimidation touche également les personnes affectées par les projets pétroliers qui dénoncent subir de nombreuses pressions afin de les contraindre à céder leurs terres en contrepartie d’une compensation largement insuffisante, et que l’on empêche d’utiliser librement leurs terres avant d’avoir reçu la compensation."
Quatre rapporteurs spéciaux des Nations Unies avaient déjà alerté sur la situation des défenseurs des droits humains dans la région en juin dernier : « Nous craignons en outre que le harcèlement dont ils font l’objet n’empêche d’autres personnes ougandaises touchées par le projet pétrolier de Total Uganda d’exercer leurs droits à la liberté d’opinion et d’expression. »
Selon Juliette Renaud, des Amis de la Terre France, “Il y a déjà quelques mois, des membres des communautés affectées par le projet de Total venus témoigner en France avaient été harcelés et arrêtés à leur retour en Ouganda, et ont dû fuir loin de chez eux. Ces arrestations et autres formes d’intimidations semblent devenir de plus en plus systématiques, c’est inadmissible ! Elles visent clairement à faire taire les voix critiques et à dissuader les défenseurs et les journalistes de se mobiliser et communiquer sur les violations des droits humains en cours et sur les impacts environnementaux de ces-méga-projets”.
"Ces arrestations arrivent quelques jours après la publication d’un rapport où nous alertons sur la sécurité des défenseurs des droits humains dans la région pétrolière de l’Ouganda."
Pour Maria Isabel Cubides de la FIDH, "Ces arrestations prouvent une nouvelle fois que les conditions ne sont pas réunies pour permettre la libre participation des communautés, journalistes et de la société civile aux discussions capitales sur l’avenir de leur région. Nous appelons les autorités ougandaises à garantir les libertés d’expression et de défense des droits humains en vertu de leurs obligations internationales.”