Les travailleurs employés sur les chantiers de la Coupe du monde 2018 en Russie et 2022 au Qatar sont majoritairement des migrants qui font l’objet de nombreuses violations des droits humains.
Dans une lettre envoyée aujourd’hui au président de la FIFA, M. Joseph Sepp Blatter, la FIDH rappelle à l’organisation sportive qu’il est de sa responsabilité de contrôler et de remédier aux problèmes tels que les irrégularités de paiement, les heures de travail excessives, les violences racistes et les conditions de travail s’apparentant à du travail forcé.
« En tant qu’instance dirigeante du sport le plus populaire de la planète, la FIFA doit faire respecter les valeurs universelles que le sport porte et représente », a dit Karim Lahidji, président de la FIDH.
Au Brésil, des manifestants sont récemment descendus dans la rue, notamment pour crier leur désaccord avec une politique qui investit des sommes gigantesques dans la Coupe du monde de 2014 alors que les infrastructures et services de base du pays sont dramatiquement négligées. Ces protestations devraient rappeler à la FIFA que la réussite de la Coupe du monde dépend beaucoup du respect des valeurs sociales. Les commentaires récents faits par les hauts représentants de l’organisation montrent pourtant l’absence d’engagement institutionnel en faveur des droits humains, malgré de précédents communiqués en ce sens.
La déclaration du secrétaire général de la FIFA, Jérôme Valcke, est extrêmement déconcertante : lors d’un colloque en avril, M. Valcke a dit que « un moindre niveau de démocratie est parfois préférable pour organiser une Coupe du monde ». Il a par ailleurs ajouté qu’il pensait que l’organisation serait plus facile en Russie, où il y a « un homme fort à la tête de l’Etat », ce qui est particulièrement préoccupant pour les droits des travailleurs en Russie.
Les chantiers de la Coupe du monde 2022 au Qatar ont déjà commencé. La main d’œuvre du pays est constituée à quatre-vingt-quatorze pour cent de travailleurs migrants, venants pour la plupart d’Asie du sud et de l’est. La Confédération syndicale internationale (CSI) estime que le Qatar fera venir encore un million de travailleurs migrants pour préparer la Coupe. Les conditions de travail pour les travailleurs migrants, notamment sur les projets associés à la Coupe du monde, sont si mauvaises qu’elles s’apparentent parfois à du travail forcé. Les pratiques incriminées comprennent la servitude pour dette, la confiscation du passeport par l’employeur, la surpopulation et l’insalubrité des lieux d’hébergement des travailleurs, l’absence de contrats et les déductions arbitraires de salaires. Les travailleurs s’exposent également à un risque mortel en construisant les infrastructures de la Coupe du monde par des températures atteignant parfois 55°C. D’après les chiffres du gouvernement népalais, 191 travailleurs népalais seraient morts dus à ces conditions de travail en 2010, et 162 lors des 10 premiers mois de 2011. De plus, la loi du Qatar interdit aux travailleurs migrants de former des syndicats.
En novembre 2011, M. Valcke a reconnu la nécessité d’aborder la question des conditions de travail au Qatar. « La FIFA confirme le respect des droits de l’homme et l’application des normes internationales de comportement comme un principe et une partie de l’ensemble de nos activités » a-t-il dit dans un communiqué officiel.
Lors du Congrès de la FIFA à l’Ile Maurice en mai 2013, des manifestations ont eu lieu pour demander l’annulation du vote attribuant l’organisation de la Coupe 2022 au Qatar, précisément à cause des mauvaises conditions de travail qui y prévalent. Huit Mauriciens et représentants de syndicats internationaux ont été arrêtés, rappelant ainsi que la FIFA a encore beaucoup à faire si elle veut garantir le respect des droits humains.
La FIFA devrait également se préoccuper des droits des travailleurs en Russie : les travailleurs, dont la plupart sont des migrants venus d’Asie centrale et du Caucase, sont victimes de nombreux abus. Les horaires de travail sont excessifs et des irrégularités ont souvent lieu dans le paiement des travailleurs, le salaire n’étant en général pas remis dans son intégralité, pas du tout ou avec beaucoup de retard. Certains employeurs confisquent également les documents d’identités et ne fournissent pas de contrat de travail. Les travailleurs migrants en Russie sont particulièrement vulnérables car ils font l’objet de discriminations systématiques, de violences xénophobes ou même de servitude pour dette, contraints de rembourser leur frais de transport.
Les travailleurs migrants sont souvent privés de leur droit à la liberté d’association. Alors que la Russie a ratifié les huit conventions fondamentales de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), l’Etat intervient régulièrement lorsqu’il est question de former un syndicat, en particulier lorsque ce sont des travailleurs migrants qui sont à l’origine du projet.
Les mesures prises récemment ont restreint encore davantage les libertés d’association, de rassemblement et d’expression en Russie, et une nouvelle loi y entrave fortement l’activité des ONG. De plus, la FIDH craint des atteintes aux droits des personnes habitant à proximité des nouvelles infrastructures. Par le passé, de nombreux cas d’expropriations et d’expulsions forcées ont été liés à de grands événements sportifs et ont été accompagnés de compensations inéquitables ou de relogements inadéquats.
« Les nombreuses violations des droits humains documentées exigent une réponse rapide et efficace de la FIFA » a dit Karim Lahidji. « Les jeux doivent être justes, non seulement pour les joueurs mais aussi pour toutes les personnes qui ont contribué à les rendre possibles ».
M. Lahidji a ajouté : « Les problèmes sont connus et la FIFA a publiquement reconnu qu’il était de sa responsabilité de les résoudre. Ce que la FIFA doit faire à présent est de remplir ses engagements afin que les fans puissent regarder la Coupe du monde en toute confiance, sans penser qu’ils sont complices d’exploitation ».