Nouvelles informations :
L’Observatoire a été informé de sources fiables de la suspension de M. Mahamat Nour Ibedou de son poste de secrétaire général de la Convention tchadienne des droits de l’Homme (CTDDH), sur décision de justice.
Selon les informations reçues, le 13 août 2020, le président du Tribunal de grande instance (TGI) de N’Djamena, M. Hamit Mustapha Nour, a signé une ordonnance suspendant M. Mahamat Nour Ibedou de son poste au sein de la CTDDH, en vertu des articles 166 et suivants du Code de procédure civile tchadien.
Cette ordonnance fait suite à la saisine du TGI de N’Djamena le 12 août 2020 par M. Ahamat Hassaballah, un ancien membre de la CTDDH dont il a été radié le 27 juillet 2020 pour cause de détournement de fonds, qui a agi au nom d’un comité exécutif factice de la CTDDH, composé de personnes n’ayant aucune qualité pour agir au nom de l’organisation. Ce dernier accuse M. Nour Ibedou d’avoir violé plusieurs articles des statuts et du règlement intérieur de la CTDDH, notamment en ayant une « gestion opaque de l’association » et en prenant « des décisions qui, en principe, devraient être prises collégialement et par consensus comme les textes de base de ladite association l’exigent ». La CTDDH craint que cette action en justice soit en réalité orchestrée par les autorités tchadiennes qui instrumentalisent ainsi un différend interne à l’organisation dans le but de déstabiliser sa gouvernance et son fonctionnement.
L’Observatoire s’inquiète de cette nouvelle attaque conte M. Mahamat Nour Ibedou et contre la CTDDH qui ne semble viser qu’à entraver le bon fonctionnement de l’organisation et à sanctionner les activités légitimes de défense des droits humains de son secrétaire général. L’Observatoire appelle les autorités tchadiennes à mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Tchad.
Rappel des faits :
Le 29 novembre 2019, M. Mahamat Nour Ibedou a reçu une convocation de la police judiciaire relative à une plainte le concernant, mais sans mention du motif de la plainte.
Le 3 décembre 2019, M. Mahamat Nour Ibedou a été placé en garde à vue à l’issue d’un interrogatoire à la brigade de police judiciaire de N’Djamena. L’interrogatoire faisait suite à une plainte pour « diffamation » déposée le 25 novembre par M. Bokhit Bahar Mahamat Itno, neveu du Président Idriss Déby Itno. Le 10 novembre, la CTDDH avait publié un communiqué de presse dans lequel elle disait avoir pu établir que M. Bokhit Bahar Mahamat Itno avait torturé trois jeunes dans son jardin à Abéché. A l’issue de son interrogatoire, M. Mahamat Nour Ibedou s’est vu attribuer un délai de deux semaines pour fournir des preuves complémentaires de ces accusations.
Le 4 décembre, M. Mahamat Nour Ibedou a été déféré devant le parquet du TGI de N’Djamena, en présence de ses avocats – sept avocats tchadiens et 11 internationaux étaient présents - où le deuxième substitut du procureur de la République a prolongé sa garde à vue jusqu’au 5 décembre 2019. Le substitut du procureur a mis en avant de nouvelles accusations de « meurtre » et « complicité de meurtre », qui seraient en lien avec le cas de M. Malick Ibet Brahim, secrétaire à la mobilisation de la CTDDH qui a été arrêté en novembre 2019 et a reconnu le meurtre d’une adolescente en 2014, soit deux ans avant qu’il ne rejoigne la CTDDH. Après ces révélations, M. Mahamat Nour Ibedou avait pourtant annoncé son intention de radier M. Malick Ibet Brahim de la CTDDH.
Le 5 décembre 2019, M. Mahamat Nour Ibedou a été à nouveau entendu par le TGI de N’Djamena. Le juge d’instruction a mis en cause M. Mahamat Nour Ibedou pour « meurtre » et « complicité de meurtre », et ordonné son placement en détention à la maison d’arrêt d’Am-Sinéné en attendant son procès.
Le 8 janvier 2020, le TGI de N’Djamena a procédé à la libération de M. Mahamat Nour Ibedou, après plus d’un mois de détention provisoire, suite à la publication par le juge d’instruction d’une ordonnance de non-lieu.
Actions requises :
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités tchadiennes en leur demandant de :
i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de M. Mahamat Nour Ibedou et de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Tchad ;
ii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de M. Mahamat Nour Ibedou et de l’ensemble des défenseurs des droits humains au Tchad afin qu’ils puissent mener leurs activités quotidiennes et de défense des droits humains librement et sans entrave ;
iii. Respecter en toutes circonstances le droit à la liberté d’association, tel que reconnu dans l’Article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement aux articles 1 et 12.2 ;
v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Tchad.
Adresses :
• M. Idriss Deby, Président de la République du Tchad. Email : http://www.presidencetchad.org/nous_ecrire.php
• M. Djimet Arabi, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, chargé des Droits Humains, Email : contact@minjustchad.org
• Mission permanente de la République du Tchad auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, Suisse. Email : mission.tchad@bluewin.ch
• Mission permanente de la République de Tchad auprès du Royaume de Belgique, des Pays Bas, du Grand-Duché de Luxembourg, du Royaume Uni et Représentation Permanente auprès de l’Union Européenne et du Groupe Afrique Caraïbes et Pacifique, Belgique. Email : contact@ambassadedutchad.be
Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Tchad dans vos pays respectifs.
***
Paris-Genève, le 1er septembre 2020
Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.
Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
• E-mail : Appeals@fidh-omct.org
• Tel et fax FIDH : +33 1 43 55 25 18 / +33 1 43 55 18 80
• Tel et fax OMCT : +41 22 809 49 39 / +41 22 809 49 29