RDC : Assassinat de M. Rossy Mukendi Tshimanga

01/03/2018
Appel urgent

COD 003 / 0318 / OBS 024
Assassinat
République démocratique du Congo
1 mars 2018

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de l’assassinat de M. Rossy Mukendi Tshimanga, assistant d’enseignement au sein de l’Université pédagogique nationale (UPN), fondateur et premier conseiller du Mouvement Citoyen Collectif 2016 et référent du Comité Laïc de Coordination (CLC) à la paroisse Saint-Adrien de Kinshasa.

Selon les informations reçues, le 25 février 2018, M. Rossy Mukendi Tshimanga a été assassiné par des agents des forces de l’ordre qui ont ouvert le feu contre des manifestants dans l’enceinte et à l’extérieur de la paroisse Saint Benoît de Lemba à Kinshasa, alors que ces derniers prenaient part à la marche pacifique organisée par le CLC demandant la mise en œuvre de l’accord de la Saint Sylvestre. La police aurait tiré à bout portant sur M. Rossy Mukendi Tshimanga. La police a également utilisé du gaz lacrymogène contre les manifestants, y compris dans l’hôpital et la maternité de la paroisse, où se trouvaient des femmes et des nouveaux nés.

Au moment de la publication de cet appel, la famille de M. Rossy Mukendi Tshimanga n’aurait pas eu accès à la dépouille du défunt qui se trouve à la morgue de l’hôpital général de Kinshasa.

La police a arrêté un policier suspecté d’être impliqué dans l’assassinat de M. Rossy Mukendi Tshimanga. Selon certaines sources, il ne s’agirait pas du responsable du coup tiré à bout portant ayant provoqué le décès de celui-ci.

M. Rossy Mukendi Tshimanga était le fondateur du " Collectif 2016 ", un mouvement citoyen basé à Kinshasa qui vise à contribuer à l’organisation effective de l’élection présidentielle conformément à la constitution et qui promeut les droits humains, en particulier le droit à la liberté d’association et d’expression par le biais de la sensibilisation publique et de manifestations pacifiques. Il avait participé à l’organisation de la marche du 25 février 2018 et à des activités de sensibilisation de la population à ce sujet. Le défenseur avait au cours des derniers mois organisé plusieurs autres activités de sensibilisation et de plaidoyer en collaboration avec l’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) et d’autres mouvements citoyens.

En raison de ses activités de défense des droits humains, les autorités congolaises ont de nombreuses fois porté atteinte aux droits de M. Rossy Mukendi Tshimanga. Le 10 avril 2017, il avait été arrêté par des militaires lors d’une marche pacifique en faveur de la publication du calendrier électoral et placé en détention au secret au cachot du camp militaire Kokolo avant d’être libéré le 13 avril 2017. Il avait rapporté, à la suite de sa détention, avoir fait l’objet de menaces de mort, d’actes de torture et de mauvais traitements, destinés à le contraindre de mettre un terme à son engagement citoyen.

Il avait par la suite été de nouveau arrêté par la police le 17 mai 2017 avec 13 de ses collègues, lors d’une marche pacifique qu’ils avaient organisée, dans la commune de Ngaba (au sud de Kinshasa), pour réclamer la réhabilitation de l’avenue de l’Université et l’amélioration des services de fournitures d’eau et d’électricité. Alors que ses 13 collègues ont été libérés deux jours plus tard, M. Rossy Mukendi Tshimanga a été détenu au Service d’actions et de renseignements militaires (SARM, ex-DEMIAP) jusqu’au 16 juin 2017 sans droit de visite, d’assistance ou de conseil, et sans comparaître devant un juge.

Le 28 juillet 2017, un avis de recherche a été lancé à son encontre au motif qu’il serait membre de la milice Kamwina Nsapu. Depuis lors, il était recherché par les services de sécurité congolais.

M. Rossy Mukendi Tshimanga recevait régulièrement des appels téléphoniques l’invitant à se rendre soit au Commissariat provincial de la police de Kinshasa, soit au Ministère de l’Intérieur, au sujet d’"une communication le concernant".

L’Observatoire condamne fermement l’assassinat de M. Rossy Mukendi Tshimanga, et demande aux autorités congolaises de mener sans délai une enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente, afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi.

L’Observatoire s’inquiète du contexte plus global d’intimidations et de répression à l’encontre de l’ensemble des défenseurs des droits humains en RDC et particulièrement ceux participant et appelant à participer à des manifestations pacifiques demandant la tenue des élections et le respect de la Constitution congolaise. L’Observatoire a en effet documenté depuis 2017 une tendance quasi-systématique d’arrestation, de criminalisation et de harcèlement de la part des autorités congolaises envers les défenseurs des droits humains participant aux manifestations demandant la mise en œuvre de l’accord de la Saint Sylvestre et/ou des membres de mouvements citoyens tels que la LUCHA, Filimbi et Compte à Rebours [1].

L’Observatoire appelle les autorités congolaises à garantir le respect des droits de manifestation et réunion pacifiques ainsi que la liberté d’expression tels que prévus par la Constitution congolaise et les traités internationaux auxquels la RDC est partie.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Mener sans délai une enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente dans l’assassinat de M. Rossy Mukendi Tshimanga, afin d’identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits humains, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

ii. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique des membres du " Collectif 2016 ", en particulier les témoins de l’exécution de M. Rossy Mukendi Tshimanga, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits humains en RDC ;

iii. Garantir le respect de la liberté de manifestation et de réunion pacifiques et la liberté d’expression telles que prévues par la Constitution congolaise et les traités internationaux auxquels la RDC est partie ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement ses articles 1 et 12.2 ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par la RDC.

Addresses :

" S.E M. Joseph Kabila, Président de la République, Fax +243 88 02 120
" M. Bruno Tshibala, Premier Ministre, E-mail : cabinet@primature.cd
" Mme Marie Ange Mushobeka, Ministre de la Justice, Fax : + 243 88 05 521, E-mail : minjustdh@gmail.com ;
" Mme Marie-Ange Mushobekwa, Ministre des droits humains min-droitshumains@yahoo.fr
" M. Flory Kabange Numbi, Procureur Général de la République ; E-mail : florykan@yahoo.fr, pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com
" Mission permanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies, E-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82
" S.E. M. Dominique Kilufya Kamfwa, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratique du Congo à Bruxelles, E-mail : secretariat@ambardc.eu. Fax : + 32.2.213.49.95

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la RDC dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 1 mars 2018

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de l’OMCT y la FIDH, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT y la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
" E-mail : Appeals@fidh-omct.org
" Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29
" Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80

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