Niger : Libération provisoire de MM. Moussa Tchangari, Sani Chekaraou et Habibou Soumaila

05/05/2020
Appel urgent

Nouvelles informations
NER 001 / 0320 / OBS 022.1
Libération provisoire /
Détention arbitraire /
Harcèlement judiciaire
Niger
5 mai 2020

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir sur la situation suivante au Niger.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la libération provisoire de MM. Moussa Tchangari, secrétaire général d’Alternative espaces citoyens (AEC), Sani Chekaraou, président du Syndicat des commerçants, et Habibou Soumaila, chargé de communication de la coordination régionale de Tournons la page (TLP) [1] à Niamey, et de la poursuite de la détention arbitraire de MM. Maikoul Zodi, coordinateur pour le Niger de TLP, Halidou Mounkaila, secrétaire général du Syndicat national des agents contractuels et fonctionnaires de l’éducation de base (SYNACEB), membre de TLP Niger et du Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire (ROTAB) et Moussa Moudy, coordinateur régional de TLP à Niamey.

Selon les informations reçues, le 30 avril 2020, le doyen des juges du Parquet de Niamey a décidé de la mise en liberté provisoire de MM. Moussa Tchangari, Sani Chekaraou et Habibou Soumaila, ainsi que de la poursuite de la détention provisoire de MM. Maikoul Zodi, Halidou Mounkaila et Moussa Moudy, pourtant tous poursuivis sous les mêmes accusations. Le procès à l’encontre des six défenseurs suit son cours.

L’Observatoire rappelle que MM. Moussa Tchangari, Sani Chekaraou, Habibou Soumaila, Halidou Moukaila, Maikoul Zodi et Moussa Moudy ont été arrêtés entre le 15 et le 17 mars 2020 parmi d’autres membres de la société civile, dont MM. Karim Tonko, trésorier général de TLP pour le Niger et membre de l’Union des jeunes pour la protection de la démocratie et les droits de l’homme (UJPDDH), et Seyni Djibo Nouhou Arzika, président du Mouvement patriotique pour une citoyenneté responsable (MPCR), dans le cadre d’une manifestation anti-corruption dénonçant des détournements de fonds dans l’achat de matériel militaire (voir rappel des faits).

Le 19 mars 2020, les défenseurs ont été déférés devant le parquet de Niamey. Le Président du tribunal a décidé de les poursuivre pour « organisation d’une manifestation interdite », « incendie volontaire » et « homicides involontaires ». Ils encourent jusqu’à trois ans de prison et d’une amende. Le 20 mars 2020, ils ont été incarcérés dans différentes maisons d’arrêt sur le territoire nigérien : M. Moussa Tchangari à la prison de Tillaberi, M. Halidou Mounkaila à la prison de Dey Keyna, M. Moussa Moudy à celle de Kollo, M. Maikoul Zodi à Ouallam, et M. Habibou Soumaila à Fillingué. M. Sani Chekaraou est quant à lui poursuivi pour « voie de fait » sur les autorités du grand marché, et a été incarcéré à la maison d’arrêt de Niamey. MM. Karim Tonko et Seyni Djibo Nouhou Arzika ont, eux, bénéficié d’une libération provisoire.

L’Observatoire salue la libération provisoire de MM. Moussa Tchangari, Sani Chekaraou et Habibou Soumaila, mais rappelle qu’ils n’auraient jamais dû être arrêtés en premier lieu, et que leur détention, comme celle de MM. Maikoul Zodi, Halidou Mounkaila et Moussa Moudy était arbitraire, car ne ni visant uniquement à les sanctionner pour leurs activités légitimes de défense des droits humains.

L’Observatoire condamne fermement la poursuite de la détention arbitraire de MM. Maikoul Zodi, Halidou Mounkaila et Moussa Moudy et du harcèlement judiciaire à l’encontre des six défenseurs sujets de cet appel urgent, et appelle les autorités nigériennes à respecter en toutes circonstances les droits aux libertés d’association, de réunion pacifique et d’expression, et à mettre fin à toute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de l’ensemble des défenseurs des droits humains dans le pays.

Rappel des faits :

Dans la matinée du 15 mars 2020, la police nigérienne a procédé à des arrestations massives lors d’une manifestation à Niamey dénonçant des détournements de fonds dans l’achat de matériel militaire. Au cours de cette manifestation, qui avait été interdite la veille dans le cadre de la prévention du coronavirus (CoVID-19) - sans pour autant que la notification d’interdiction ne soit adressée à Tournons la page (TLP) Niger, qui avait sollicité l’autorisation de manifestation -, de violents heurts entre la police et les manifestants ont occasionné la mort d’au moins trois personnes suite au déclenchement d’un incendie. M. Karim Tonko, a été interpellé à midi, à la fin de la manifestation, et conduit dans les locaux de la police judiciaire.

Quelques heures plus tard, MM. Seyni Djibo Nouhou Arzika, Moussa Tchangari et Halidou Moukaila ont à leur tour été interpellés à leurs domiciles respectifs, à Niamey, par des agents de la police judiciaire qui les ont emmenés dans leurs locaux. M. Seyni Djibo Nouhou Arzika a été libéré dans la soirée suite à son interrogatoire mais doit rester à disposition de la police.

Par ailleurs, dans la matinée du 16 mars 2020, MM. Maikoul Zodi, Moussa Moudy et Sani Chekaraou, ont eux-aussi été arrêtés à leurs domiciles de Niamey par des agents de la police judiciaire, qui les ont emmenés dans leurs locaux à Niamey.

Le 17 mars 2020, M. Habibou Soumaila a été arrêté à son domicile de Niamey et mené dans les locaux de la police judiciaire.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités nigériennes en leur demandant de :

i. Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de MM. Maikoul Zodi, Halidou Mounkaila, Moussa Moudy et de l’ensemble des défenseurs des droits humains arbitrairement détenus au Niger ;

ii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre des défenseurs des droits humains mentionnés dans cet appel urgent et de l’ensemble des défenseurs des droits humains et militants de la société civile au Niger ;

iii. Respecter les libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique de la société civile nigérienne ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement ses articles 1, 5, 6 et 12.2 ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits humains ratifiés par le Niger.

Adresses :

· M. Issoufou Mahamadou, Président de la République du Niger, Tél. : +227 20 72 24 72, Fax : +227 20 73 77 03
· M. Brigi Rafini, Premier Ministre, brigi_rafini@yahoo.fr, Cabinet du Premier Ministre BP 893 Niamey, Niger ; Tél : + 227 20 72 26 99, Fax : + 227 20 73 58 59
· M. Marou Amadou, Ministre de la justice, marou_amadou2000@yahoo.fr, Tél : +227 08 00 11 11, Fax : +227 20 72 37 77
· M. Bazoum Mohamed, Ministre de l’intérieur, Tél. : +227 20 32 32 62, Fax : + 227 20 72 21 76
· Direction générale des affaires juridiques du Ministère de l’intérieur ; Fax : +227 20 20 36 89
· M. Kalla Ankouraou, Ministre des Affaires étrangères de la coopération, de l’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur, ibrayac2@gmail.com
· S.E. M. Ousmane Alhassane Abba, Ambassadeur, Mission permanente du Niger auprès de l’Union européenne, 78 avenue Franklin Roosevelt, B-1050 Bruxelles, Fax : + 32 2 648 27 84
· S.E Mme Fatima Sidikou, Représente permanente du Niger, Mission permanente du Niger auprès des Nations unies à Genève, 23 Avenue de France, 1202 Genève, Suisse. Tél : +41 22 979 24 50 – Fax : +41 22 979 24 51

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Niger dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 5 mai 2020

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Tournons la page (TLP) est un mouvement réunissant des acteurs des sociétés civiles africaines dont l’objectif est la promotion de l’alternance démocratique en Afrique, en menant des actions pacifiques et non partisanes. Le mouvement est aujourd’hui actif dans 10 pays africains (Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Niger, RDC, Tchad, Togo).

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