l’État chilien doit s’abstenir d’utiliser la loi antiterroriste dans le jugement de la machi Francisca Linconao et des Mapuche

Communiqué de presse commun

Paris-Temuco-Genève, le 22 août 2017 – L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (FIDH-OMCT) et l’Observatorio Ciudadano, organisation membre de la FIDH et de l’OMCT (Organisation mondiale contre la torture) au Chili, expriment leur inquiétude quant à la procédure orale entamée hier accusant de délits de nature terroriste dix membres de la communauté mapuche et la machi (autorité spirituelle traditionnelle du peuple mapuche) Francisca Linconao, défenseure reconnue des droits humains du peuple mapuche et de son territoire.

« Nous sommes inquiets de constater que récemment, la loi antiterroriste a été utilisée contre des membres du peuple mapuche, leurs dirigeants et défenseurs, ce qui stigmatise cette communauté, et dissuade leurs revendications sur leurs territoires ancestraux »

, signalent les organisations.

Outre le recours à la loi antiterroriste contre les accusés, la communauté mapuche et ses avocats dénoncent, depuis la mise en détention de la machi Francisca Linconao [1], une série d’irrégularités concernant le procès. C’est pour cette raison que l’Observatoire va mettre sur pied une mission internationale d’observation judiciaire, afin d’assister directement au jugement, documenter ce dernier et dénoncer les éventuelles violations de la procédure requise et des garanties judiciaires qui protègent les accusés.

Selon l’Observatoire, les Juges du Tribunal de procédure orale en matière pénale de Temuco, qui instruisent le procès, devraient inclure dans leur analyse le verdict de la Cour interaméricaine des droits de l’homme qui a conduit à la condamnation de l’État chilien le 29 mai 2014 pour avoir violé les droits fondamentaux garantis par la Convention américaine des droits humains à l’encontre de huit membres du peuple mapuche auxquels il avait appliqué la loi antiterroriste. Dans le même verdict, la Cour a conclu qu’en appliquant cette loi à des membres du peuple mapuche, l’État du Chili enfreignait, entres autres, la légalité et la présomption d’innocence, les garanties judiciaires et la liberté individuelle. [2]

De même, l’Observatoire exhorte les juges à tenir compte des observations du Comité des droits de l’homme et du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies [3] . Ces comités ont demandé une réforme de la loi antiterroriste chilienne, afin qu’elle ne puisse pas être appliquée à l’encontre du peuple mapuche, et réclament l’adoption d’une définition claire et précise des délits de terrorisme afin de s’assurer que les opérations effectuées par les forces de l’ordre dans le cadre de la lutte antiterroriste ne soient pas dirigées contre des personnes déterminées selon leur origine ethnique ou tout autre motif social ou culturel.

En janvier de cette année, l’Observatoire avait déjà sollicité les autorités chiliennes pour demander la libération immédiate de la machi Francisca Linconao, étant donné son état de santé très dégradé par la grève de la faim qu’elle a entamée pour protester contre la décision de la Cour d’appel de prolonger sa détention, et ce malgré le fait que le Tribunal de Garantie de Temuco ait accédé à quatre reprises à sa demande d’assignation à résidence. La machi se trouve aujourd’hui en résidence surveillée.

Outre la défenseure des droits humains, 10 autres accusés figurent à ce procès. Ces derniers, tous membres du peuple mapuche, sont José Arturo Cordova Tránsito, José Tralcal Coche, Juan Tralcal Quidel, Luis Sergio Tralcal Quidel, Aurelio Catrilaf Parra, Hernán Catrilaf Llaupe, Sabino Catrilaf Quidel, Sergio Catrilaf Marilef, Eliseo Catrilaf Romero et José Peralino Huinca. La majorité d’entre eux ont écopé de près de 18 mois de détention préventive, bien que leur mise en liberté provisoire ait été demandée à de nombreuses occasions par leurs avocats. Cela constitue une évidente violation du droit à la présomption d’innocence qui les protège, conformément au droit international et national relatif aux garanties procédurales.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (l’Observatoire) est un programme qui a été créé en 1997 par la FIDH et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Il a pour objectif d’intervenir afin de prévenir des situations concrètes de répression à l’encontre des défenseur.e.s des droits humains et d’y remédier. La FIDH et l’OMCT sont tous deux membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

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