Guatemala : La répression des actrices indépendantes de la justice se poursuit sans relâche

15/06/2022
Déclaration
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Genève-Paris-Guatemala, 15 juin 2022 - La criminalisation de la procureure des droits humains Elena Sut Ren, de l’ancienne procureure Virginia Laparra et de l’ancienne procureure générale Claudia Paz y Paz témoigne de l’impunité avec laquelle les autorités guatémaltèques continuent de démanteler l’Etat de droit au Guatemala et les institutions de protection des droits humains du pays, ignorant les appels internationaux répétés à garantir un système de justice indépendant et à protéger les opérateurs de justice indépendants, ont dénoncé l’Observatoire et l’UDEFEGUA.

L’État du Guatemala refuse de se conformer à ses obligations internationales en matière de droits humains en s’opposant à la mise en œuvre de mécanismes législatifs, politiques, administratifs, judiciaires et sociaux visant à garantir le travail des défenseurs des droits humains.La récente réélection de Consuelo Porras au poste de procureur général, une figure connue pour avoir harcelé judiciairement les acteurs de la justice indépendante et les avoir contraints à l’exil, constitue une étape supplémentaire dans l’instauration d’un système d’impunité dans le pays.

À tel point que le 7 juin 2022, Virginia Laparra, ancienne procureure du bureau du procureur spécial contre l’impunité (FECI) à Quezaltenango, a été renvoyée devant le septième juge pénal pour avoir prétendument commis le crime d’"abus d’autorité". Mme Laparra restera en détention provisoire en attendant son procès. Arrêtée arbitrairement le 23 février 2022 pour avoir prétendument commis les délits de "faux témoignage", "abus d’autorité" et "usurpation de fonctions", l’ancienne procureure est détenue dans le quartier des femmes de la prison militaire de Matamoros, où sa santé émotionnelle et psychologique s’est considérablement détériorée.

Un jour plus tard, le 8 juin 2022, le secrétaire exécutif du Bureau national contre la torture du Guatemala a déposé une plainte contre Elena Sut Ren, procureure de l’Agence pour les cas spéciaux du conflit armé interne du bureau du procureur des droits humains ; et Claudia Paz y Paz, ancienne procureure générale du Guatemala (2010-2014) et actuelle directrice régionale du programme Amérique centrale et Mexique du Centre pour la justice et le droit international (CEJIL) pour les crimes présumés d’"abus de pouvoir", d’"usurpation de pouvoirs", de "torture" et de "simulation de crimes". L’accusation se fonde sur l’action pénale engagée par la procureure Sut Ren contre huit militaires à la retraite accusés de "disparition forcée" sur la base d’une instruction générale émise par l’ancienne procureure général pour l’enquête sur les violations graves des droits humains commises pendant le conflit armé interne. Faisant preuve d’une ignorance totale des normes internationales et régionales en matière de droits humains, la plainte du Bureau national contre la torture affirme que cette instruction générale viole les principes de légalité et de non-rétroactivité du droit pénal en ce qui concerne le crime de "disparition forcée".

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Alejandro Giammattei, la politique d’affaiblissement des institutions démocratiques au Guatemala a été maintenue et renforcée. La protection et la promotion des droits humains ont été affectées par le démantèlement et la persécution systématiques des institutions et des acteurs indépendants de la justice qui défendent l’État de droit. Depuis avril 2021, au moins 23 opérateurs de justice indépendants ont été contraints de quitter le pays pour protéger leur intégrité et celle de leur famille.

L’Observatoire et l’UDEFEGUA condamnent fermement le harcèlement judiciaire dont font l’objet les anciennes procureures Claudia Paz y Paz et Virginia Laparra, et réitèrent que cette criminalisation n’est rien d’autre que des représailles pour avoir exercé leur travail de manière objective, indépendante et impartiale contre les structures de crime organisé et de corruption au Guatemala impliquant des hauts fonctionnaires de l’Etat. Les deux organisations demandent instamment aux autorités de libérer immédiatement et sans condition l’ancienne procureure Virginia Laparra et de mettre fin au harcèlement judiciaire dont sont victimes tous les acteurs de la justice indépendante dans le pays.

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L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (l’Observatoire) est un programme créé en 1997 par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la FIDH et vise à intervenir pour prévenir ou remédier à des situations concrètes de répression contre les défenseurs des droits humains. L’OMCT et la FIDH sont toutes deux membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de défense des droits humains de l’Union européenne mis en œuvre par la société civile internationale.

La Unidad de Protección a Defensores y Defensoras de Derechos Humanos de Guatemala (UDEFEGUA) est une organisation qui offre depuis 2000 des services aux défenseurs des droits humains au Guatemala et dans les pays de la région d’Amérique centrale, pour le renforcement des capacités individuelles et collectives et l’autogestion des risques. UDEFEGUA est une organisation membre du réseau SOS-Torture de l’OMCT.

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