Gabon : détention arbitraire et harcèlement judiciaire du syndicaliste Jean-Rémy Yama

22/06/2022
Appel urgent
Crédit : Dynamique unitaire

GAB 001 / 0622 / OBS 051
Harcèlement judiciaire /
Détention arbitraire /
Détérioration de l’état de santé
Gabon
21 juin 2022

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains, un partenariat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Gabon.

Description de la situation

L’Observatoire a été informé de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire à l’encontre de Jean-Rémy Yama, président de Dynamique unitaire, la plus grande coalition syndicale du Gabon, président du Syndicat national des enseignants et chercheurs (SNEC) et membre actif de Tournons La Page – Gabon (TLP-Gabon). Depuis 2016, Dynamique Unitaire et TLP-Gabon se sont mobilisés pour promouvoir une alternance démocratique au Gabon, alors que le Président sortant, Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009, a annoncé vouloir se présenter pour un troisième mandat en 2023.

Le 27 février 2022, alors qu’il s’apprêtait à se rendre à Dakar, au Sénégal, pour recevoir des soins médicaux, Jean-Rémy Yama a été interpellé à l’aéroport international de Libreville, au Gabon, par des représentants de la Direction générale des contre-ingérences et de la sécurité militaire, aussi appelée “B2” où il a été détenu avant d’être emmené vers une destination inconnue.

Le 2 mars 2022, Jean-Rémy Yama a été accusé d’« abus de confiance » par trois professeurs membres du SCI Serpentin (article 473 du Code pénal gabonais) dans une affaire de construction de logements de fonction pour des enseignant·es, et placé en détention provisoire à la prison centrale de Libreville, dite Sans familles.

Quatre enseignants ont en effet porté plainte contre Yama pour n’avoir pas reçu les maisons pour lesquelles ils avaient investi de l’argent. Au début des années 2000, Jean Rémy Yama était cogérant d’une société immobilière, la SCI Serpentin, pour construire des logements de fonction pour des enseignants, financés en partie par des aides de l’État. Un projet qui a échoué faute de financement étatique. Son avocat, Maître Jean Paul Méthode Imbong Fadi, constate que les quatre plaintes déposées fin 2021 à l’encontre de son client ne concernent pas la société immobilière, mais Jean-Rémy Yama à titre individuel, alors que les fonds étaient bien gérés par la SCI Serpentin.

Le 25 mars 2022, Jean-Rémy Yama a été radié des effectifs de la fonction publique, sans notification préalable. Selon le SNEC, cette radiation s’est faite sans actes conformes aux textes en vigueur dans le pays, à savoir les dispositions de l’article 10 du Décret n°866 fixant le statut particulier des personnels enseignants de l’enseignement supérieur, qui exigent la tenue préalable d’un conseil d’université, et de l’article 134 de la Loi n°8/91 portant statut général de fonctionnaires qui lui recommande la tenue d’un Conseil de discipline.

Le 7 juin 2022, Jean-Rémy Yama a été conduit dans les locaux de la “B2”, sans que ses avocats n’en aient été informés.

Le 10 juin 2022, le juge d’instruction a émis une ordonnance de mise en liberté provisoire en raison de problèmes cardiaques, à la demande des avocats de Jean-Rémy Yama. Cependant, le Procureur de la République a ignoré cette décision et, à la date de publication de cet appel urgent, Jean-Rémy Yama est toujours détenu à la prison centrale de Libreville, alors que son état de santé se détériore rapidement et qu’il nécessite une prise en charge hospitalière urgente. De plus, il n’est pas habituel qu’une personne soit mise en détention préventive dans une affaire d’ « abus de confiance », ce qui fait craindre que Jean-Rémy Yama soit en fait détenu en raison de ses activités de défense de la démocratie et de l’état de droit.

L’Observatoire condamne fermement la détention arbitraire et le harcèlement judiciaire à l’encontre de Jean-Rémy Yama, qui ne semblent viser qu’à entraver ses activités légitimes de défense des droits humains.

L’Observatoire appelle les autorités gabonaises à libérer Jean-Rémy Yama de façon immédiate et inconditionnelle, à lui fournir les soins médicaux dont il a urgemment besoin, et à mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à son encontre et celle de l’ensemble des défenseur·es des droits humains au Gabon.

Actions requises 
 
L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités gabonaises en leur demandant de :
 - garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et le bien-être psychologique de Jean-Rémy Yama, et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains au Gabon ;
 fournir à Jean-Rémy Yama les soins médicaux dont il a urgemment besoin ;
 libérer immédiatement et inconditionnellement Jean-Rémy Yama ;
 mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de Jean-Rémy Yama et de l’ensemble des défenseur·es des droits humains, et veiller à ce qu’ils·elles puissent mener leurs activités légitimes sans aucune entrave et sans crainte de représailles en toutes circonstances.

Adresses
 M. Ali Bongo Ondimba, Président de la République du Gabon, Twitter : @PresidentABO, @PresidenceGabon
 Mme Rose Christiane Ossouka Raponda, Première Ministre, Twitter : @OssoukaRaponda
 Mme Félicité Ongouori Ngoubili, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, en charge des Droits humains et de l’Égalité des Genres, Twitter : @MinistereSceau1
 M. Serge Thierry Mickoto Chavagne, Ambassadeur du Gabon à Bruxelles, e-mail : ambga.belgique@diplomatie.gouv.ga
- S.E. Mireille Sarah Nzenze, Ambassadrice, Représentante de la République gabonaise auprès de l’ONU à Genève, à Vienne et des autres organisations internationales ayant leur siège en Suisse, e-mail : mission.gabon@gabon-onug-ch

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Gabon dans vos pays respectifs. 

***
Paris-Genève, le 21 juin 2022

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits humains victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits humains mis en œuvre par la société civile internationale.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
 e-mail : appeals@fidh-omct.org
 tél FIDH : +33 (0)1 43 55 25 18
 tél OMCT : +41 22 809 49 39

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