Voir le site web conçu autour du rapport : http://condemnedtosilence.fidh.org/fr//
L’Arabie saoudite se distingue par les limites drastiques qu’elle impose aux droits des femmes - dont le statut juridique est inférieur à celui des hommes - dans tous les domaines, y compris dans les actes les plus simples de la vie quotidienne. Néanmoins, face à la nécessité économique de sortir du tout-pétrole et aux aspirations d’une jeunesse qui a largement investi les réseaux sociaux, les autorités annoncent vouloir lâcher petit à petit du lest.
Dans ce contexte, le pays connaît depuis 2016 une mobilisation sans précédent des femmes pour la défense de leurs droits les plus élémentaires, grâce notamment aux possibilités nouvelles offertes par les réseaux sociaux. Aujourd’hui, elle compte des milliers de cyber-militantes, dont la plupart agissent au travers de comptes anonymes sur les réseaux sociaux par crainte de représailles.
En dépit des signes d’ouverture donnés ces dernières années par le régime, notamment depuis l’arrivée d’une « nouvelle génération » de dirigeants incarnée par le prince héritier Mohammad Bin Salman, les femmes continuent de faire face à une double vulnérabilité.
D’une part, en raison du maintien du statut de « tutorat mâle », qui perpétue l’inégalité des sexes et assigne les femmes à une position de minorité toute leur vie. Si la circulaire royale du 18 avril 2017 pour réformer ce statut a suscité beaucoup d’espoirs au sein de la communauté des femmes défenseures, peu de choses ont changé dans les faits, les femmes devant toujours obtenir l’autorisation de leur tuteur mâle pour voyager à l’étranger ou obtenir un passeport. Et certaines craignent que la circulaire ne reste lettre morte. Au-delà des textes, souvent flous, la pratique des autorités policières et judiciaires s’avère particulièrement brutale et discriminante, notamment en cas de violences familiales.
D’autre part, les promesses de réforme des responsables saoudiens se heurtent encore à la réalité concrète de la situation des droits humains dans un pays qui continue de réprimer toute voix divergente, en particulier celle des défenseurs des droits humains qui appellent à des réformes sociétales importantes.
Ainsi, le respect de droits fondamentaux tels que les libertés d’association, d’expression et de rassemblement pacifique n’est toujours pas garanti par la loi. Toute tentative de structurer un mouvement ou de créer une association est sévèrement réprimée. Le droit saoudien est non seulement truffé de concepts vagues qui laissent une très grande marge d’appréciation au juge mais les lois fondant la lutte contre la criminalité ou le terrorisme sont détournées pour criminaliser l’expression légitime de toute opinion divergente. Des dizaines de défenseurs, blogueurs, avocats, manifestants, purgent ainsi de longues peines de prison sous le coup d’accusations d’« apostasie », « athéisme », « insulte à la religion », « terrorisme », « déstabilisation de l’État », « tentative d’influencer l’opinion publique » ou encore de « création d’une organisation illégale ».
Le rapport publié aujourd’hui par l’Observatoire revient sur le difficile combat des femmes saoudiennes pour leur émancipation, dans un environnement très fermé pour la défense des droits humains.
Il revient notamment sur le parcours emblématique de certaines d’entre elles. La plupart sont des cyber-militantes agissant anonymement sur les réseaux sociaux afin de dénoncer l’arbitraire auquel elles sont confrontées. D’autres sont des activistes qui se revendiquent publiquement militantes des droits humains, et s’impliquent dans plusieurs combats emblématiques comme la fin du tutorat mâle, la possibilité de se structurer en association de défense des droits des femmes ou des droits humains de manière plus générale, ou de s’enregistrer comme candidate aux élections. Toutes prennent des risques et se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité.
Ainsi, en novembre 2017, la blogueuse Naimah Al-Matrod a été condamnée à six ans de prison suite à sa participation au mouvement de protestation pacifique de la côte est du pays, lié notamment à des revendications économiques, civiles et politiques, et pour avoir appelé à la libération des prisonniers politiques et à des réformes démocratiques.
Déjà sujettes aux pressions familiales, toutes sont soumises à la chape de plomb imposée par le régime. Ainsi, elles peuvent être menacées de poursuites, arrêtées arbitrairement, emprisonnées, interdites de voyager ou de s’exprimer publiquement. Suite à l’ouverture de poursuites judiciaires, la plupart d’entre elles voient une épée de Damoclès placée au-dessus de leur tête pour plusieurs années, afin de les condamner au silence.
Le rapport est disponible sur les sites Internet de la FIDH (en français, en anglais et en arabe) et de l’OMCT (en anglais, en français, et en arabe).
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.
Contact Presse :
• FIDH : Samuel Hanryon (fr) : +33 6 72 28 42 94
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