Dans un contexte de post-conflit où de nombreuses organisations ont alerté sur l’augmentation des attaques contre les personnes et des groupes de défenseurs du droit à la terre et à l’environnement qui opèrent dans le secteur extractif, le rapport “Défendre la terre et l’environnement dans le cadre des activités des entreprises extractives” décrit, au travers de trois cas emblématiques, la relation entre État, entreprises et les attaques dont souffrent les défenseurs du droit à la terre et à l’environnement.
L’accumulation des procédures judiciaires, la stigmatisation et les menaces contre les avocates de la Corporación de Abogados Colectivo « Luis Carlos Pérez » (CCALCP), et leur rapport chronologique et circonstanciel avec des étapes clés du travail de dénonciation de l’impact négatif des activités des entreprises sur les droits du peuple autochtone Barí et des différentes communautés rurales de la région de Catatumbo, interrogent sur le rôle des entreprises dans ces attaques. Pour réduire les pressions auxquelles les défenseurs sont confrontés dans ces régions, il apparaît nécessaire d’étudier en particulier le rôle des acteurs économiques dans les zones où sont présents les acteurs armés, afin de comprendre comment les intérêts et actions de ces différents acteurs s’articulent, et pouvoir ainsi prendre des mesures pour prévenir ou remédier à cette situation.
De la même manière, la criminalisation abusive du dirigeant syndical et environnemental Héctor Sánchez Gómez, et du militant universitaire Miller Dussán démontre l’instrumentalisation du droit pénal par des entreprises comme Pacific E&P et EGEMSA, à travers par exemple le dépôt de plaintes disproportionnées et les pressions indues exercées, entre autres, sur les magistrats et les procureurs, dans le but de ralentir ou de déstructurer les actions de ces acteurs à des moments potentiellement porteurs pour la garantie effective des droits humains.
L’asymétrie paradoxale entre d’une part les avancées rapides des procédures judiciaires lancées à l’encontre des défenseurs ; et d’autre part les retards pris dans la conduite des enquêtes déclenchées à l’initiative des défenseurs, de leurs organisations ou des communautés contre des entreprises et l’État suggèrent une certaine connivence ou inaction des acteurs étatiques, y compris du pouvoir judiciaire, au détriment des défenseurs.
Le rapport dénonce également la captation de l’État par les entreprises comme l’illustrent la persécution et les actes de surveillance visant Héctor Sánchez par l’entreprise de sécurité Pacifique E&P et des membres des forces de l’ordre, qui appartiennent parfois aux bataillons miniers et énergétiques financés par les sociétés minières à travers des accords de coopération entre ces entreprises et les forces de l’ordre. Cette situation fait passer les défenseurs des droits humains pour des ennemis qui doivent être réprimés. Le rapport donne également plusieurs exemples de la mobilité entre les secteurs public et privé des postes de direction (phénomène de la chaise musicale), et l’identifie comme un facteur de vulnérabilité des personnes défenseures.
Face à ces constatations, l’Observatoire et le CAJAR apportent un regard constructif sur cette problématique, appelant l’État à identifier les facteurs de vulnérabilité auxquels sont confrontés celles et ceux qui défendent le droit à la terre et à l’environnement, notamment en déterminant le rôle joué par les acteurs économiques, dans le cadre de conflits socio-environnementaux. La multiplicité des causes de la violence que connaissent les régions ne devrait pas être un argument pour diluer la responsabilité des acteurs étatiques et des entreprises face à la situation des défenseurs. Ces recommandations vont pour objectif de mieux lutter contre l’escalade des attaques, dans le but de construire un système démocratique qui reconnaît le travail légitime des défenseurs des droits humains.
Ce rapport lance un appel urgent aux différents acteurs afin qu’ils agissent pour protéger celles et ceux qui défendent le droit à la terre et à l’environnement. Nos organisations appellent le gouvernement Colombien à renforcer les mécanismes de protection, qui devraient agir plus efficacement pour prévenir les diverses attaques subies par les défenseurs, et éviter qu’elles ne se traduisent en assassinats. Le rapport invite également les acteurs économiques à reconnaître et à ne pas entraver le travail légitime et essentiel qu’ils font pour assurer le respect des droits humains liés à l’environnement et à la terre en Colombie.
Le rapport est disponible en espagnol :
– sur le site internet de la FIDH
– sur le site internet de l’OMCT
Pour plus d’informations, veuillez contacter :
· FIDH : Samuel Hanryon : +33 6 72 28 42 94/ José Carlos Thissen : + 51 95 41 31 650
· OMCT : Miguel Martín Zumalacárregui : + 41 22 809 49 39
· CAJAR : Angelica Chaparro : +57 321 381 97 33}
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (l’Observatoire) est un programme créé en 1997 par l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la FIDH. Son objectif est d’intervenir pour prévenir ou remédier à des situations concrètes de répression contre les défenseurs et défenseures des droits humains. La FIDH et l’OMCT sont tous deux membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.