Défenseurs des droits de l’Homme : entre reconnaissance et répression

Publication du rapport annuel 1998

Le 9 décembre 1998, l’Assemblée générale des Nations unies adopte la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme. L’action des militants qui luttent pour promouvoir les droits fondamentaux universels est enfin internationalement reconnue et officiellement légitimée.

Un an après l’adoption de cette Déclaration et à la veille de la journée internationale des droits de l’Homme, le 10 décembre, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT, dresse un bilan particulièrement alarmant : pour de nombreux régimes, les militants des droits de l’Homme figurent désormais parmi les principales cibles à abattre ou à faire taire.

Rendu public le 8 décembre 1999, le deuxième rapport annuel de l’Observatoire démontre que loin de se résorber, la répression à l’encontre des défenseurs s’étend et paraît s’enraciner. Dans près de 60 États, soit près du tiers des pays de la planète, les militants sont harcelés et réprimés. Dans une dizaine de pays, il est absolument impossible de défendre les droits humains de façon indépendante ; dans une trentaine d’autres, cette activité est systématiquement ou constamment contrecarrée.

Entre novembre 1998 et octobre 1999, au moins 200 défenseurs des droits de l’Homme ont été pris pour cible en raison de leurs activités. Exécutions extrajudiciaires, tortures, arrestations arbitraires... restent les méthodes de répression les plus employées à l’encontre de ceux qui osent mettre les États face à leurs engagements. Au cours de cette année, au moins 16 défenseurs ont été sommairement exécutés et 96 ont fait l’objet d’une disparition forcée, d’un enlèvement ou d’une détention arbitraire, certains d’entre eux ont été torturés.

En Amérique Latine, l’engagement en faveur des libertés fondamentales est souvent synonyme de mort. Durant ces deux dernières années, plus de 80 attentats ont été perpétrés à l’encontre d’individus ou d’organisations, au cours desquels au moins 20 défenseurs ont trouvé la mort. En Colombie, pour cette seule année 1999, 6 militants ont payé de leur vie leur combat pour la paix.

La République démocratique du Congo, quant à elle, détient le triste record du nombre d’arrestations ou de détentions arbitraires, avec 15 cas recensés cette année sur l’ensemble du territoire.

Parallèlement, la répression prend chaque jour des formes nouvelles et plus " sophistiquées ". Parmi ces nouvelles techniques, le nombre de pseudo-associations de défense des droits de l’Homme ne cesse de s’accroître. Ainsi, les " ONGOG " ou " OVG " sont aujourd’hui une des particularités du paysage associatif notamment des Etats de l’Asie du Sud-Est, des Etats post-soviétiques et d’Afrique du Nord. Ces associations ironiquement appelées " Organisations Non Gouvernementales Organisées par les Gouvernements " ou " Organisations Véritablement Gouvernementales ", permettent notamment aux autorités de discréditer l’action des ONG véritablement indépendantes, déjà sérieusement bâillonnées par un système d’enregistrement totalement arbitraire.

Face à la ténacité des défenseurs, les États s’en prennent désormais à leurs familles et à leurs proches. De véritables stratégies de harcèlement et de dénigrement sont mises en oeuvre. Ainsi, en Tunisie, les défenseurs et leurs proches sont systématiquement mis sur écoute téléphonique, étroitement filés, victimes de campagnes de diffamation, menacés, voire directement agressés.

En outre, les États utilisent toujours davantage l’arsenal législatif pour museler les défenseurs. La Turquie s’est une nouvelle fois illustrée en la matière, puisque 15 défenseurs des droits humains ont fait l’objet de poursuites judiciaires. Parmi eux, Akin Birdal, Président de l’IHD et Vice-président de la FIDH, a été condamné à 2 ans de prison par la Cour de sûreté de l’État. Par ailleurs, au Maghreb/Moyen-orient, cette année a été marquée par l’adoption de nouvelles lois ou mesures restreignant la liberté d’action des organisations de défense des droits de l’Homme.

L’analyse des situations nationales et la présentation des cas individuels figurant dans ce rapport démontrent que la répression à l’égard des défenseurs est un phénomène d’ampleur mondiale, qui vise à couvrir les plus graves atteintes aux libertés fondamentales : réduire au silence un témoin est encore le meilleur moyen de dissimuler un crime. Neutraliser les organisations de défense des droits de l’Homme est désormais l’objectif prioritaire des pouvoirs illégitimes ou autocratiques. Ce rapport présente dans sa réalité la plus concrète les luttes quotidiennes d’hommes et de femmes anonymes qui agissent chaque jour pour la construction de l’Etat de droit et de la démocratie. Dans un monde frappé d’arbitraire, de complaisance et de cynisme, ils sont continuellement menacés, agressés et parfois assassinés pour leur seul engagement en faveur du respect des libertés fondamentales de tout être humain. C’est pourquoi il est urgent de les protéger.

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