Pour la protection des femmes contre toutes les violences qu’elles subissent

10/10/2017
Notre mouvement

Ne touchez pas à la vie privée des femmes

Déclaration de l’Association tunisienne pour les femmes démocrates (ATFD), organisation membre de la FIDH en Tunisie.

En dépit de la grande mobilisation de la société civile tunisienne et des médias nationaux et internationaux autour de l’affaire du couple accusé d’atteinte à la pudeur et outrage à un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions (communément connue par "l’affaire du bisou"), le tribunal d’appel de Tunis vient confirmer le 19 octobre 2017, la condamnation à une peine de prison ferme pour le jeune couple.

Des innombrables manquements à la procédure pénale ont été soulevés par les avocats ayant représenté les deux jeunes et plaidé pour leur acquittement. Pourtant, le verdict en appel a confirmé la peine lourde prononcée en première instance. La justice tunisienne semble ainsi continuer à ignorer les garanties du procès équitable qui ont été introduites au code de procédures pénales par la modification de son article 13 en 2016.

En outre, cette affaire vient confirmer qu’une réforme profonde de la législation tunisienne pour qu’elle soit respectueuse des libertés individuelles devrait être la priorité des autorités en place afin d’acheminer une transition vers l’état de droit et des libertés.

Ayant accueilli favorablement l’adoption de la loi organique relative aux violences faites aux femmes qui devait entraîner des changements réels au niveau des pratiques et mettre fin aux violations répétées, l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) exprime sa profonde préoccupation quant à la situation des femmes et des filles qui continuent à subir la violence commise soit par des individus, soit par des représentants de l’État, notamment les agents des forces de l’ordre.
L’ATFD s’étonne également des déclarations du porte-parole actuel du tribunal de première instance de Tunis lors d’une émission télévisée sur une chaîne tunisienne en date du 9 octobre 2017, à propos de l’affaire dite du « bisou » entre un français d’origine algérienne et une franco-tunisienne qui se trouvaient dans leur voiture à Gammarth et qui ont été jugés en première instance. Bien que le jugement ne soit pas encore définitif, le porte-parole n’a pas hésité à divulguer les détails du dossier de manière blessante et indigne manquant de respect à la vie privée des personnes en se fondant sur le témoignage d’une seule partie dans l’affaire : la police.
Tout en rappelant les obligations de l’État en matière de protection des citoyennes et des citoyens, de garantie de leurs droits et d’élimination des violences à l’égard des femmes, résultant de la loi :
Nous rejetons le harcèlement répété et continu de la part de la police dans plusieurs cas à l’encontre des jeunes, filles et garçons, leur persécution sous prétexte de protéger les bonnes mœurs et la violation du droit à la défense et des procédures de garde à vue ;
Nous dénonçons les cas de viol de mineures, à l’instar de ce qui s’est passé récemment à Ain Zaghouan, ou leur brutalisation jusqu’à la mort comme le cas de la petite fille âgée de 8 ans à Bou Argoub dans le gouvernorat de Nabeul ;

Nous déplorons l’absence de soutien aux femmes victimes de violence et les obstacles ou représailles qui dissuadent les victimes de porter plainte pour violence auprès de la police , comme le cas d’une citoyenne dans un poste de police de Teboursouk qui a subi des violences après avoir porté plainte contre son mari pour l’avoir menacée avec une arme, ou le cas d’une autre victime de violence conjugale à Sidi Bouzid qui a dû se rendre à Sousse pour pouvoir porter plainte ;

Nous sommes déterminées à poursuivre notre lutte contre les violences faites aux femmes et nous attirons l’attention sur le risque de voir l’adoption de la loi organique provoquer une montée des attitudes discriminatoires et la protection des auteurs de violences au détriment des victimes pour éviter d’appliquer la loi ;
Nous mettons en garde les forces de l’ordre contre la poursuite des actes de harcèlement à l’encontre des citoyennes et citoyens et les pratiques d’extorsion ainsi que la censure imposée à leurs libertés individuelles sous prétexte de porter atteinte à l’ordre public général et à la pudeur tout en violant les droits et les procédures, et en soutenant des accusations mensongères sans aucun fondement ;
Nous exigeons la révision des procédures pénales et l’application de la loi lors de l’interrogatoire des prévenu es dans les postes de police pour leur permettre de jouir de leurs pleins droits civiques pour se défendre, de prévenir un membre de leur famille et d’être assisté(e)s par un avocat dès le début de la garde à vue ;
Nous réitérons notre appel à tous les acteurs pour assumer leurs responsabilités dans la protection des femmes et des filles pour qu’elles puissent exercer leur citoyenneté et accéder à leurs pleins droits.

Pour le comité directeur
La présidente
Monia Ben Jémia

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