PRONONCE DU VERDICT CONTRE LE DR. MONCEF MARZOUKI

27/09/2001
Communiqué

L’Observatoire tient à exprimer ses craintes les plus vives concernant le prononcé du verdict, attendu le 29 septembre 2001, dans l’affaire du procès intenté contre le Docteur Moncef Marzouki, ancien porte-parole du Conseil National des Libertés en Tunisie (CNLT) et ancien Président de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (LTDH).

Le Dr. Moncef Marzouki avait été condamné le 30 décembre 2000 à une peine de huit mois de prison ferme pour appartenance à une association illégale et quatre mois de prison ferme pour diffusion de fausses nouvelles. M. Marzouki et ses avocats avaient décidé de ne pas interjeter appel de ce jugement, considérant qu’il ne bénéficierait pas d’un procès équitable, au vu du déroulement de l’audience de première instance et de l’absence d’indépendance du pouvoir judiciaire en Tunisie.

En revanche, le Parquet avait fait appel considérant que la peine prononcée était insuffisante et avait demandé qu’une peine plus lourde soit prononcée. Le 23 juin, la Cour d’Appel de Tunis avait décidé de fixer le prononcé du verdict au 7 juillet 2001 ; celui-ci avait ensuite été reporté au 29 septembre 2001. M. Marzouki risque désormais une peine supérieure ou égale à 12 mois de prison ferme.

Moncef Marzouki est poursuivi sur la base d’une contribution écrite à un séminaire organisé au Maroc, dont il reconnaît être l’auteur et dans laquelle il stigmatisait "l’Etat tunisien sans légitimité, sans crédit, agissant en dehors de tout cadre légal" et affirmait que "la société tunisienne vivait sous un terrorisme d’Etat".

L’audience en première instance s’était déroulée en présence d’un observateur mandaté conjointement par l’Observatoire et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme, de plusieurs observateurs tunisiens et internationaux ainsi que des représentants de différentes ambassades. Lors de l’audience, Moncef Marzouki et ses avocats n’avaient pu être entendus comme ils le souhaitaient et avaient demandé en vain au Président du Tribunal correctionnel d’appliquer les articles du Code de procédure pénale tunisien relatifs aux droits de la défense et à la tenue de l’audience (articles 69 et 43). Ils avaient finalement décidé de quitter la salle, ne pouvant que constater la "violation des droits de la défense, de la loi" et refusant de plaider sur le fond.

Depuis 1994, Moncef Marzouki est victime d’actes de harcèlement policier et judiciaire constants en raison de ses activités en faveur des droits de l’Homme. En juillet 2000, il a notamment été révoqué de la Faculté de Médecine de Sousse et n’a pu réintégrer son poste depuis lors. Selon les informations reçues par l’Observatoire, la surveillance dont il est l’objet s’est accrue ces derniers temps ; il est en effet constamment suivi par deux policiers en civil, et ce dans tous ces déplacements.

L’Observatoire souligne que les poursuites et le harcèlement dont fait l’objet le Dr. Marzouki s’inscrivent dans un contexte de répression permanente des défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, exercée à la fois par les services de police et par le biais de l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire. Sihem Ben Sédrine, porte-parole du CLNT, a été placée en liberté provisoire le 11 août dernier et les poursuites à son encontre restent donc pendantes ; début septembre, les locaux du CNLT ont été assiégés par des dizaines de policiers en civil, et le 23 septembre, Sari Khiari, Membre du Raid et membre du CNLT, a été empêché de sortir de Tunisie pour se rendre en France à un colloque. Quant à elle, la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) est dans un étau judiciaire depuis que la Cour d’appel a confirmé le jugement en première instance invalidant les décisions prises par le 5éme congrès de la Ligue en décembre 2000 y compris l’élection de son Comité directeur. La seule activité autorisée par la Cour d’appel consiste pour le nouveau Comité directeur à organiser un nouveau congrès ; toutes ses autres activités sont illégales. La Ligue s’est pourvue en cassation.

L’Observatoire considère que les poursuites judiciaires intentées contre le Dr. Marzouki sont arbitraires.

L’Observatoire demande avec force aux autorités tunisiennes de cesser toute forme de harcèlement à son encontre et à l’encontre de toutes les personnes engagées dans la défense des droits de l’Homme, ainsi que de garantir, en toutes circonstances, l’indépendance du système judiciaire tunisien.

L’Observatoire appelle plus généralement les autorités tunisiennes à se conformer aux engagements internationaux auxquels elles ont souscrits en matière de libertés d’expression, d’opinion et d’association et en premier lieu le Pacte relatif aux droits civils et politiques ainsi que la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée en 1998 par l’Assemblée générale des Nations unies.

L’Observatoire demande enfin aux plus hautes autorités d’accorder toutes les facilités nécessaires au Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme afin qu’elle puisse se rendre en Tunisie dans les plus brefs délais.

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