AU DELA DU PROCES DE Me NASRAOUI

17/05/1999
Communiqué

" Les conditions dans lesquelles s’est déroulé le procès de Me Radhia Nasraoui, avocat et défenseur des droits de l’Homme, sont très préoccupantes et il apparaît clairement que les conditions d’un procès équitable ne sont nullement garanties ", estime Me Dominique de La Garanderie, Bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour d’Appel de Paris au retour d’une mission à Tunis, où s’est tenu le procès de l’avocate, le 15 mai.

Maître Nasraoui, membre du Conseil de l’Ordre des avocats et défenseur reconnue des droits de l’Homme en Tunisie, devait répondre de l’accusation d’" aide à la réunion d’une association qui prône la haine " devant la Chambre correctionnelle du Tribunal de première instance de Tunis. Elle encourt 6 mois de prison ferme. Avec elle, étaient jugés seize (16) étudiant(e)s, ainsi que Fahem Boukadous, arrêté le 21 février, et Hamma Hammani, le porte parole du Parti Communiste des Ouvriers de Tunisie (POCT - interdit d’activités). Les seize étudiant(e)s, défendus jusqu’alors par Radhia Nasraoui elle-même, sont détenus depuis un an, alors même que le délai de détention provisoire ne peut excéder six mois.

Il est notamment reproché à Radhia Nasraoui d’avoir reçu ces étudiants à son cabinet, ce qui aurait permis à Hamma Hammani, son époux, de rencontrer deux d’entre eux à cette occasion. Ces accusations sont remises en cause par les avocats des étudiants, compte tenu du fait qu’elles ont été obtenues sous la torture.

Plus que jamais il apparaît que le droit à la défense des défenseurs doit être respecté. Ainsi, selon Me de la Garanderie, " à l’aune de cette première comparution, il est évident que Me Nasraoui est victime d’un harcèlement de la part des autorités pour la seule raison de son engagement pour le respect des libertés fondamentales et la défense qu’elle assure en Tunisie ".

Pour la première fois et au regard de l’importance de ce procès, l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme avait dépêché une mission de défense d’un défenseur des droits de l’Homme. Maître Dominique de la Garanderie avait ainsi été mandatée par l’Observatoire et intervenait en outre au nom du Barreau de Paris. L’Observatoire avait également mandaté en tant qu’observateurs judiciaires Mme Lynn Welchmann (Royaume-Uni, co-mandatée par Human Rights Watch et le Lawyers Committee for Human Rights) et Me Mohammed Tahri (Algérie, co-mandaté par le Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme).

Aussitôt ouvert, le procès de Me Nasraoui a été reporté au 19 juin. " Le prétexte invoqué par le tribunal de première instance pour motiver ce report apparaît fallacieux. La véritable motivation de cet ajournement doit plutôt être cherchée dans la formidable mobilisation internationale qui entourait ce procès ", conclut le Bâtonnier de Paris.

Aucun des avocats étrangers présents n’a été autorisé à plaider devant le tribunal de Tunis. Pourtant la réciprocité de la présence des avocats tunisiens et français pour plaider devant les juridictions de l’autre Etat était jusqu’alors quasi permanente. De très nombreux observateurs nationaux et internationaux ont assisté au procès et 117 avocats tunisiens se sont constitués pour assurer la défense des prévenus.

La Cour a également refusé la demande de mise en liberté des prévenus présentée par la défense et la levée de la mesure d’interdiction de quitter le district de Tunis imposée à Me Nasraoui depuis son interpellation en mars 1998.

L’Observatoire rappelle qu’au moins 26 avocats sont actuellement privés de leur passeport. Ces mesures confirment l’existence d’entraves systématiques au libre exercice de la profession d’avocat en Tunisie. " Il n’y a pas de justice sans avocat et pas d’Etat de droit sans justice ", a rappelé le Bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour d’Appel de Paris.

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