La FIDH et les familles des journalistes victimes de crimes de guerre à Homs demandent l’inculpation des commanditaires présumés

Paris, le 12 mars 2018 - 6 ans après le décès de Rémi Ochlik et Marie Colvin dans le bombardement du bureau de presse clandestin du quartier rebelle de Baba Amr à Homs, les éléments à disposition de la justice française ne laissent plus de doute sur le caractère prémédité et ciblé de l’attaque, ni sur l’identité de plusieurs de ses auteurs présumés, membres de la haute hiérarchie militaire et sécuritaire syrienne. Pourtant, la justice française n’a procédé à ce jour à aucune inculpation. La FIDH, plusieurs rescapés des attaques et les familles des journalistes assassinés à Homs demandent que des mandats d’arrêts internationaux soient délivrés sans délai à l’encontre des présumés responsables ciblés par la procédure.

Si le régime syrien a repris les derniers quartiers rebelles de Homs en les écrasant sous une pluie de bombes, l’attaque du 22 février 2012 contre le bureau de presse clandestin de Baba Amr n’était pas le fruit du hasard. Elle fit deux morts : le photojournaliste français Rémi Ochlik, âgé de 28 ans, la reporter de guerre américaine Marie Colvin, et trois blessés : Wael Al-Omar, Edith Bouvier et Paul Conroy.

Un témoin direct de ses préparatifs vient d’ailleurs d’apporter son témoignage à la justice française, qui avait ouvert une enquête judiciaire dès 2012 pour meurtre et tentative de meurtre, requalifiée en 2014 en crimes de guerre. Ce nouveau témoignage corrobore de matière particulièrement détaillée les précédentes informations et témoignages qui démontraient déjà le caractère prémédité et ciblé de l’attaque.

Son mobile est désormais connu : supprimer les reporters présents pour les empêcher de témoigner de la sanglante reprise de Homs, et dissuader les autres journalistes internationaux de venir couvrir le conflit en zone rebelle. Et son déroulé livre peu à peu ses secrets : interception et localisation des communications téléphoniques de Marie Colvin ; présence d’un informateur à proximité du centre de presse ; réunion préalable dans le bureau du chef du comité militaire et de la sécurité de Homs pour planifier le bombardement ; vérification du bilan de l’attaque, en s’assurant qu’il n’y ait plus de journalistes vivants.

Plusieurs personnes identifiées comme s’étant coordonnées pour planifier et mener l’attaque appartiennent à la haute hiérarchie de l’appareil sécuritaire et militaire syrien : Maher El Assad, frère du président Syrien et commandant de la 4e division blindée ; Ali Mamluk, chef des services secrets syriens ; Rafik Shahadah, alors chef du comité militaire et de la sécurité à Homs.

Si l’action intentée en France est aujourd’hui la seule action judiciaire intentée pouvant mettre en cause la responsabilité pénale des auteurs de l’attaque, et qu’il existe manifestement suffisamment d’éléments pour le faire, il est surprenant de constater qu’aucun acte judiciaire n’ait à ce jour été posé contre les instigateurs de l’attaque.

« Après Homs, le régime syrien a continué d’affamer et de bombarder aveuglement les populations civiles des zones rebelles, à Alep, Idlib, La Ghouta, et ailleurs… Alors que la communauté internationale constatait impuissante la perpétration sans cesse répétée de crimes de guerre d’une rare cruauté, parfois commis par ceux là même qui avaient étouffé dans le sang la révolte de Homs et planifié l’attaque du 22 février contre le centre de presse, il est incompréhensible qu’aucun mandat d’arrêt international n’ait été lancé contre Maher El Assad et ses complices. »

Mazen Darwish, avocat syrien et Président de SCM

« Six ans après les faits, et malgré les témoignages et faits accablants recueillis, les rescapés et familles des victimes de l’attaque du 28 février attendent toujours les premiers mandats d’arrêts valant inculpation. Sans volonté judiciaire forte, il est à craindre que l’affaire ne dépérisse d’elle même. Cela signifierait non seulement que les coupables ne seraient jamais inquiétés pour ces crimes, mais que les familles et rescapés seraient privés d’un procès et d’une vérité judiciaire. Plus largement, sans espoir de justice il n’y aura pas de perspective de paix durable en Syrie. »

Dimitris Christopoulos, Président de la FIDH
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