Les mesures disciplinaires abusives à l’encontre du magistrat El Haini confirment le besoin de plus d’indépendance du système judiciaire

03/03/2016
Communiqué
DR

(Paris, Rabat) Nos organisations condamnent la radiation abusive du magistrat Mohamed El Haini et demandent aux autorités marocaines de le rétablir dans ses fonctions. Les procédures disciplinaires abusives à l’encontre du magistrat sont préoccupants et appellent à plus d’indépendance du système judiciaire.

A la suite d’une plainte pour « diffamation » déposée au mois de juillet 2015 par la majorité gouvernementale, et non, comme la procédure l’exige, par l’un des présidents du Parlement, Mohamed El Haini a été renvoyé devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui l’a informé le 18 fevrier 2016 par courrier de sa radiation sans en préciser les motifs , en indiquant seulement qu’il aurait « violé le devoir de réserve » et exprimé « des opinions de nature politique ».

Cette radiation, qui ne peut faire l’objet d’un appel, intervient à la suite de critiques que le juge El Haini a tenues sur les réseaux sociaux et dans des médias contre les projets de lois relatifs à la réforme de la procédure pénale et du statut des magistrats. Il s’agissait notamment du projet de loi n° 100.13 sur le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire et le projet de loi n°106.13 sur le statut des magistrats, des textes comportant des dispositions maintenant un contrôle de l’exécutif sur la magistrature. Le fait que le ministre de la Justice, qui a joué un rôle central dans le lancement des poursuites à l’encontre de El Haini, fasse partie du comité de discipline est problématique. En signe de protestation contre la décision du CSM de maintenir le ministre de la Justice en tant que membre du comité de discipline examinant le cas de El Haini, les avocats de ce dernier se sont retirés de l’affaire. La deuxième audience a par conséquence eu lieu en l’absence de tout avocat de la défense.

"Ces procédures disciplinaires à l’encontre du magistrat soulève des questions quant à leurs motivations et à l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature marocain. Cette sanction est infondée et fait usage d’une interprétation abusive de l’obligation de réserve des juges, qui émettent des critiques sur le système judiciaire".

ont déclaré nos organisations

Conformément aux obligations internationales du Maroc et sa Constitution adoptée en juillet 2011, l’indépendance judiciaire doit être garantie et protégée, ainsi que les droits des magistrats, qui doivent pouvoir bénéficier, à l’instar de leurs concitoyens, des libertés d’expression, de croyance, d’association et de réunion. Nos organisations réitèrent leur appel à un pouvoir judiciaire réellement indépendant avec la mise en place d’un Conseil supérieur du pouvoir judiciaire autonome, avec une composition nouvelle et des compétences élargies, ainsi qu’une procédure de sélection et de nomination des juges transparente et respectueuse de la séparation des pouvoirs.

Mohamed El Haini, Procureur du Roi à Kénitra, avait également été sanctionné par le CSM quand il était Vice-président du tribunal administratif de la Cour d’appel à Rabat, le 12 août 2014, à une suspension sans salaire pendant 3 mois pour avoir, entre autres, « diffamé un responsable du ministère de la Justice ». [1]

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