UNE FOIS DE PLUS , LA COUR SUPREME SE FAIT COMPLICE D’ACTES DE TORTURE

16/01/1998
Communiqué

Le 7 mai 1997, à l’issue de l’examen d’un rapport qui lui avait été soumis par Israël , le Comité contre la Torture des Nations-Unies jugeait inacceptables au regard de la Convention contre la Torture - librement ratifiée par l’Etat d’Israël - les pratiques que celui-ci qualifiait de "pressions physiques modérées" et prétendait légitimer au nom de sa sécurité.

Le Comité estimait que les "méthodes d’interrogation" qui incluent le maintien du détenu en position douloureuse, le fait de le cagouler, le fait de lui imposer de la musique assourdissante pendant un temps prolongé, la privation de sommeil pendant un temps prolongé, l’usage de menaces et notamment les menaces de mort, le recours à des secousses violentes et l’utilisation d’air froid pour glacer l’intéressé - pratiques auxquelles Israël ne contestait pas qu’elle recourait régulièrement - étaient constitutives de "tortures" au sens de l’article 1er de la Convention contre la Torture.

Pourtant, Israël persiste et signe.

La semaine dernière, la Cour Suprême avait à connaître de deux requêtes qui lui avaient été soumises par la Comité Public contre le Torture en Israël (Public Committee Against Torture in Israel - PCATI) : cette organisation réclamait que soient déclarées illégales en tant que constitutives de tortures les méthodes d’interrogation pratiquées par le Service Général de Sécurité à l’encontre de deux Palestiniens, Monsieur Abd Al Rhman Ismaîl Ghanimat et Monsieur Fuad Axad Qur’an, détenus et soumis à des - quel euphémisme - "pressions physiques modérées" depuis le 13 novembre 1997 et le 10 décembre 1997 respectivement.

En son arrêt du 11 janvier 1998, la Cour Suprême, décidait...de ne pas décider, estimant devoir joindre à ces demandes l’examen de deux autres dossiers dans lesquels sont également en cause des allégations de torture et ce, de façon à statuer de manière générale sur les "méthodes d’interrogation" auxquelles recoure le Shin Beth et remettant donc à une date ultérieure - non précisée ! - l’examen des dossiers Ghanimat et Qur’an.

Par ailleurs, elle a estimé qu’il n’y avait pas lieu de prononcer une décision intermédiaire enjoignant qu’il soit mis fin aux méthodes dénoncées par le PCATI dans l’attente d’une décision au fond : en clair, Monsieur Ghanimat et Monsieur Qur’an resteront cagoulés, continueront d’être maintenus menottés à une petite chaise dans une position extrêmement douloureuse, seront privés de sommeil, et se verront imposer une musique assourdissante, avec la bénédiction de la Cour Suprême, en attendant que celle-ci examine tout cela de manière approfondie...

Il faut rappeler que la prohibition de la torture est, parmi les droits de l’Homme, l’un de ceux qui ne souffrent jamais d’ exception : aucune circonstance quelle qu’elle soit ne peut en justifier l’usage. La "doctrine Landau" - du nom de ce député israélien à l’origine d’une "codification" des fameuses "pressions physiques modérées" que justifieraient, selon lui, les impératifs de sécurité auxquels l’Etat d’Israël a à faire face - ne résiste pas un instant à un examen de conformité avec les instruments internationaux des droits de l’Homme : Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Pacte International relatif aux droits civils et politiques, Convention contre la Torture, 4è Conventions de Genève entre autres...

A noter qu’en l’espèce, l’argument de l’impératif absolu de sécurité n’est même pas invoqué, puisque, aux yeux des services de sécurité, les deux Palestiniens ne sont pas des "bombes à retardement".

La FIDH considère que le refus de la Cour Suprême d’intervenir sans délai pour mettre fin aux pratiques avérées des services de sécurité est scandaleuse, lâche et hypocrite, en plus d’être parfaitement contraire aux principes internationaux et à la morale la plus élémentaire.

On le sait : Israël n’est malheureusement pas le seul pays au monde - loin s’en faut - où il y a lieu de déplorer des actes de torture. En revanche, il s’est singularisé en prétendant justifier intellectuellement, moralement et... judiciairement le recours à la torture !

L’arrêt du 11 janvier 1998, qui intervient dans la lignée de décisions similaires précédentes, a ceci de particulier qu’il a été prononcé par la Cour Suprême composée exceptionnellement de neuf magistrats. La décision a emporté l’adhésion de cinq juges seulement : peut-être faut-il voir là un motif d’optimisme en vue de la décision qui devra intervenir sur le fond de l’affaire, et sur les "méthodes d’interrogatoire" en général. Mais en attendant, qui l’expliquera à Monsieur Ghanimat et Monsieur Qur’an ?

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