Car il n’existe aucune solution militaire à ces affrontements où le voisin
est montré du doigt comme agresseur permanent d’un État qui serait ainsi acculé
à la "légitime défense", quand c’est la logique coloniale agressive, de
dépossession, d’exil, de ghettoïsation et de répression brutale, qui en rend
compte. En aucun cas, l’escalade de la violence n’assurera la sécurité et le
droit à la vie ni des Israéliens ni des Palestiniens, voués à cohabiter, à
vivre ensemble ; tout au contraire, elle ne cessera d’approfondir entre
eux le fossé, plus dangereusement encore.
Un compromis pour la paix – inéluctable – est possible, maintenant :
l’essentiel des litiges a été examiné lors des négociations avortées de Taba
(2000-2001), puis conforté par la logique de l’Initiative arabe de paix
(Beyrouth, 2002), alors même que l’OLP avait déjà reconnu l’État d’Israël
(congrès d’Alger, octobre 1988). Sans parler des "accords de Genève" (décembre
2003), qui ont constitué, dans le sillage de Taba, une étape et des travaux
pratiques virtuels d’une négociation – hélas, sans lendemain –, ni des
multiples résolutions de l’ONU, restées lettres mortes à ce jour.
Les désastres de Gaza ne rendent que plus impérieuse la relance d’un plan de
paix, par une négociation obligée entre toutes les parties concernées :
l’État d’Israël, l’Autorité palestinienne et, bien sûr, le Hamas – vainqueur
incontesté, faut-il le rappeler, des élections palestiniennes de janvier 2006
–, qu’il n’est ni possible ni réaliste d’exclure. Seule une négociation
directe, sans préalables ni tabous, peut être à même d’en décider, en vue d’un
accord clair d’indépendance des Palestiniens, sous quelque forme que ce
soit.
Cela implique le démantèlement des colonies, la suppression des postes de
contrôle de l’armée israélienne dans les territoires occupés depuis 1967, la
démolition du mur dit "de sûreté" – édifié le plus souvent sur le territoire
palestinien –, une négociation sur le partage de Jérusalem. Et, enfin, la
reconnaissance de l’iniquité dont, depuis 1948, sont victimes les Palestiniens
– une reconnaissance qui est au fondement de l’exigence du "droit au retour",
même si les modalités de son application restent à négocier entre les
interlocuteurs.
En raison de l’état de tension, des blocages et de l’impasse d’aujourd’hui,
il faut d’urgence que les décideurs de la politique internationale
interviennent pour rompre avec l’engrenage actuel. En effet, plus le différend
s’alourdira, plus les Palestiniens seront désespérés, et plus les chances des
Israéliens à continuer à vivre sur cette terre se délabreront. Un new deal est
nécessaire, qui garantisse à tous la sécurité.
L’Europe doit se mobiliser pour cette nouvelle donne, mais ce sont les
Etats-Unis qui détiennent, présentement, les clés de la solution : ce sont
eux qui, durant les huit années de l’administration Bush, ont en permanence, et
de manière exacerbée, avalisé les assauts militaires israéliens et permis
qu’ils soient lancés dans l’impunité, laissant la situation se gangrener dans
le chaos mortifère.
C’est, en premier lieu, à l’administration américaine – au nouveau président
Barack Obama – qu’il incombe, au nom du droit, de faire pression sur les
protagonistes, et de se poser en médiatrice impartiale dans un processus
négocié entre Israël et Palestine : ses premiers pas semblent indiquer un
frémissement de raison. Nous l’adjurons solennellement de changer radicalement
la ligne politique et diplomatique désastreuse de l’ancien cours, de tout faire
pour encourager et favoriser un retour au dialogue direct, sur des bases
réalistes.
Le nouveau cours américain se doit de correspondre au rendez-vous des
peuples de cette région du monde avec les libertés et la démocratie, pour que
chacun d’eux réinvente sa propre nation, après tant de guerres et de rêves
insensés. Un new deal résolu peut être un levier décisif de ces espoirs.
Premiers signataires Makram Abbès, maître de conférences
Valerio Adami, artiste peintre
Sanhadja Akrouf, responsable associative
Tewfik Allal, secrétaire général du Manifeste des libertés
Brigitte Bardet-Allal, professeur de lettres classiques
Jean Baubérot, professeur émérite (EPHE)
Souad Belhaddad, écrivain
Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH (Fédération internationale des
droits de l’homme)
Jalil Bennani, psychanalyste
Fethi Benslama, professeur de psychopathologie (Paris-VII)
Raja Benslama, essayiste
Sophie Bessis, historienne
Danièle Bloch-Rive, traductrice
Saïd Bouziri, membre du bureau de la LDH
Rony Brauman, ancien président de « Médecins sans frontières
»
Jean-Paul Chagnollaud, professeur des universités
Abdesselam Cheddadi, historien
Alice Cherki, psychanalyste
Suzanne Citron, historienne
Jean Daniel, écrivain
Zakya Daoud, journaliste-écrivain
Joseph Dichy, professeur des universités
Olivier Douville, psychanalyste
Jean-Pierre Dubois, président de la LDH
Fouad Al-Qaisi, enseignant
Zeyneb Farhat, directrice de théâtre
Mohammed-Chérif Ferjani, professeur des universités
François Gèze, éditeur
Bourhan Ghalioun, professeur des universités
Laurent Giovannoni, secrétaire général de la Cimade
Bachir Hadjadj, écrivain
Mohammed Harbi, historien
Ahmed Henni, économiste
Stéphane Hessel, ambassadeur de France
Mohamed Abdelmottaleb Houni, homme d’affaires
Lotfi Madani, sociologue
Gustave Massiah, économiste
Mireille Mendès France, présidente de la fondation Frantz-Fanon
Gilbert Meynier, professeur émérite (Nancy-II)
Edgar Morin, sociologue
Nourrédine Saadi, juriste
Brahim Senouci, maître de conférences
Michel Surya, écrivain, directeur de la revue « Lignes »
Georges Tarabichi, écrivain
Antonio Tabucci, écrivain
Khaoula Taleb-Ibrahimi, linguiste
Wassyla Tamzali, avocate
Nadia Tazi, philosophe
Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH
Jacques Walter, ancien responsable du groupe local Cimade-Lyon