Au cours de sa vie, Alaa Abdel Fattah a été arrêté sous tous les régimes présidentiels en Égypte. Il est actuellement en détention à la suite d’un procès injuste basé sur de fausses accusations, liées à son travail de défense des droits humains. Le 2 avril 2022, Alaa Abdel Fattah a entamé une grève de la faim illimitée, comme dernier recours pour obtenir sa liberté. Après plus de 200 jours de grève de la faim partielle, Alaa Abdel Fattah a annoncé qu’à partir du 1er novembre 2022, il arrêtait de prendre son apport nutritif quotidien de 100 calories et passerait à une grève de la faim totale. Il a également décidé qu’à partir du 6 novembre 2022, date du début de la Cop 27 à Charm el-Cheikh, en Égypte, il arrêterait totalement de boire. Cela signifie que s’il n’est pas libéré, Alaa Abdel Fattah décédera avant la fin de la Cop 27.
Dans une lettre à sa famille, il annonce qu’il durcit sa grève de la faim : « Si vous souhaitez mourir, entamer une grève de la faim n’est pas un combat. Si vous ne vous accrochez à la vie que par instinct, quel est l’intérêt d’une grève ? Si vous ne repoussez la mort que par crainte des larmes de votre mère, alors vos chances de réussite sont réduites... J’ai pris la décision de durcir cette grève de la faim car je considère qu’elle servira mon combat pour ma liberté, et la liberté des prisonnier·es d’un conflit auquel ils·elles ne participent pas, ou auquel ils·elles tentent d’échapper ; pour les victimes d’un régime qui est incapable de gérer ses crises sans opprimer, incapable de se reproduire sans incarcérer. »
Le 31 octobre 2022, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’environnement, déclare : « En amont de la Cop 27, je rejoins les voix du monde entier réclamant la libération immédiate d’Alaa Abdel Fattah, un militant égyptien qui dépérit en prison depuis des années, simplement pour avoir exprimé son opinion. La liberté d’expression est une condition préalable à la justice climatique ! ».
Nous, organisations et les groupes signataires :
– appelons les autorités égyptiennes à libérer immédiatement Alaa Abd-el-Fattah et tou·tes celles et ceux qui ont été arrêté·es et détenu·es uniquement pour avoir exercé leurs droits ;
– demandons aux autorités britanniques d’intervenir pour assurer la libération de leur compatriote Alaa Abdel Fattah afin qu’il soit autorisé à se rendre au Royaume-Uni car son état de santé se dégrade de manière critique et sa vie est menacée ;
– exhortons le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme àréitérerpubliquement son appel à l’Égypte à libérer immédiatement Alaa Abdel Fattah, Mohamed el-Baqer et tous·tes celles et ceux qui ont été arrêté·es et incarcéré·es pour avoir exercé leurs droits ;
– appelons les Procédures spéciales des Nations unies à renouveler publiquement leur demande à l’Égypte de libérer immédiatement Alaa Abdel Fattah, Mohamed el-Baqer et Mohamed « Oxygène » Ibrahim Radwan et tout·es celles et ceux qui ont été arrêté·es pour avoir exercé leurs droits ;
– invitons instamment tou·tes les dirigeant·es des États et chef·fes d’entreprises qui se rendent à la Cop 27 à user de tous les moyens qui sont en leur pouvoir pour faire pression sur les autorités égyptiennes afin qu’elles libèrent immédiatement Alaa Abdel Fattah ettou·tes celles et ceux qui ont été arrêté·es et incarcéré·es uniquement pour avoir exercé leurs droits ;
– appelons les organisations de la société civile, les groupes et les militant·es qui se rendent à la Cop 27 à intervenir auprès des autorités égyptiennes afin qu’elles libèrent immédiatement Alaa Abdel Fattah et tout·es celles et ceux qui ont été arrêté·es et incarcéré·es uniquement pour avoir exercé leurs droits.
Contexte
Le 29 septembre 2019, Alaa Abdel Fattah a été arrêtéalors qu’il se rendait au commissariat de police du quartier d’El-Dokki conformément aux exigences de la liberté conditionnelle. Il a été interrogé devant le Supreme State Security Prosecution (SSSP) autour des accusations suivantes : avoir participé à une organisation illégale, avoir reçu des fonds de l’étranger, avoir répandu de fausses informations, et avoir fait un usage abusif des médias sociaux. Il a ensuite été placé en détention provisoire dans le cadre de l’affaire n° 1356 de 2019.
Le même jour, l’avocat d’Alaa, Mohamed el-Baqer, a assisté à l’interrogatoire de son client et a également été arrêté, interrogé devant le SSSP et a été placé en détention provisoire pour la même affaire et sur des accusations arbitraires. Pendant leur détention provisoire, Alaa Abdel Fattah et Mohamed el-Baqer ont été ajoutés arbitrairement à la liste des terroristes égyptien·nes dans le cadre d’une autre affaire (n° 1781 de 2019), pour laquelle ils n’ont jamais été interrogés et ont été privés du droit de se défendre. Après avoir été qualifiés de terroristes, ils ont tous deux fait l’objet d’une interdiction de se déplacer, du gel de leurs avoirs, et pour Mohamed el-Baqer, du risque de radiation du barreau. Le 20 décembre 2021, à la suite d’un procès inéquitabledevant la State Security Emergency Court durant lequel il se sont vus refuser le droit à un procès en bonne et due forme (les avocat·es de la défense n’ont pas eu le droit de présenter une défense pour leurs clients et n’ont pas été autorisé·es à faire des copies des dossiers de l’affaire), Alaa Abdel Fattah a été condamné à cinq ans de prison, et Mohamed El-Baqer et le blogueurMohamed « Oxygène » Ibrahim Radwan ont condamnés à quatre ans de prison, pour avoir répandu de fausses informations. Les verdicts de ces tribunaux ne peuvent pas faire l’objet d’un appel. Le temps passé en détention provisoire au cours de l’affaire initiale (n° 1356 de 2019) ne sera pas comptabilisé comme du temps passé en prison, donc pas déduit des peines de prison prononcées en décembre 2021, et leverdict est sans appel puisqu’il a été ratifié par le Président al-Sissi. Plus de détails ici.
Les préparatifs de la Cop 27 se sont déroulés dans un contexte de crise des droits humains profondément enracinée en Égypte. Les autorités égyptiennes ont recours depuis des années à des lois draconiennes, notamment des lois visant à lutter contre le terrorisme, la cybercriminalité et la société civile, à étouffer toute forme de contestation pacifique et à fermer l’espace civique.
Sous le gouvernement actuel du Président Abdel Fattah al-Sissi, des milliers de personnes sont toujours placées illégalement en détention arbitraire, à la suite des procès manifestement inéquitables, ou uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits. Des milliers de personnes sont maintenues en détention provisoire prolongée sur la base d’accusations fallacieuses de terrorisme et d’atteinte à la sécurité nationale. Parmi les personnes arbitrairement incarcérées, figurent des dizaines de journalistes pris·es pour cible pour leur travail dans les médias, des utilisateur·ices des réseaux sociaux sanctionnés pour avoir partagé des contenus critiques en ligne, des femmes condamnées sur la base d’accusations d’atteinte à la moralité pour avoir projeté des vidéos Tik Tok et des membres des minorités religieuses accusé·es de blasphème. Les détenu·es sont incarcéré·es dans des conditions qui vont à l’encontre de l’interdiction formelle de la torture et autres mauvais traitements, et depuis l’arrivée au pouvoir du président Abdel Fattah al-Sissi, des centaines de personnes sont mortes en prison car elles se seraient vues refuser l’accès aux soins et infliger d’autres abus.
L’Égypte reste l’un des pays qui exécute le plus de condamné·es à mort dans le monde, 107 personnes en 2020, 83 en 2021, et au moins 356 en 2021, à la suite de procès manifestement inéquitables instruits dans des tribunaux d’exception. Le contexte d’impunité dans le pays a encouragé les forces de sécurité égyptiennes à procéder à des exécutions extra-judiciaires et d’autres assassinats illégaux, des disparitions forcées et des actes de torture sans craindre les retombées que leurs actes pouvaient engendrer.