Une défenseuse des droits des femmes, cible de l’extrémisme religieux : le procès intenté contre Nawal El Saadaoui

Publication d’un rapport de mission d’observation judiciaire

Le procès de Nawal El Saadaoui s’inscrit dans le contexte d’intolérance qui prévaut en Egypte, entretenu par les courants islamistes avec l’assentiment tacite des autorités, et qui représente un danger permanent pour toutes les libertés.

Nawal El Saadaoui, figure historique et symbole de l’engagement pour la défense des droits des femmes en Egypte a été victime d’une campagne très violente orchestrée par des extrémistes islamistes depuis la parution le 27 mars dernier d’un article où ses propos, portant notamment sur les droits des femmes, avaient été déformés. En avril 2001, un avocat, fondant sa requête sur une ancienne jurisprudence musulmane dite de la hisba, a engagé une action en citation directe devant le tribunal du statut personnel du Caire, demandant à ce dernier de prononcer l’annulation du mariage de Nawal El Saadaoui et de Sherif Hatata pour hérésie ayant entraîné apostasie.

La FIDH et l’OMCT dans le cadre de leur programme conjoint l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, ont mandaté Me Alya Chérif Chammari, avocate à la Cour de cassation (Tunisie), en tant qu’observatrice judiciaire, à l’audience du procès de Nawal El Saadaoui qui s’est déroulé le 18 juin 2001, devant le tribunal du statut personnel du Caire.

Le 30 juillet, le tribunal a rejeté l’affaire pour nullité de la procédure.

Le procès de Nawal El Saadaoui s’inscrit dans un contexte de harcèlement des défenseurs des droits de l’Homme en Egypte. L’action des défenseurs est entravée par des atteintes à la liberté d’association. Les associations ne peuvent pas recevoir de financement étranger sans être accusées d’être à la solde de puissances étrangères, et ce conformément au décret militaire n° 4 de 1992 adopté en vertu de la loi sur l’Etat d’urgence (1981). Ainsi, Saad Eddin Ibrahim, directeur du Centre Ibn Khaldoun pour les droits de l’Homme, a été condamné à 7 ans de prison le 21 mai 2001, pour avoir reçu des fonds de l’Union européenne pour son organisation (cf. rapport de l’Observatoire Legal and judicial assaults on human rights defenders in Egypt publié en mai 2001).
Le 19 décembre, se tiendra l’audience près la cour de cassation de Saad Eddin Ibrahim.
De même, Hafez Abu Sa’ada, Secrétaire général de l’Organisation égyptienne des droits de l’Homme (EOHR), et vice-président de la FIDH, est poursuivi pour avoir accepté, en 1998, une subvention de soutien de l’Ambassade britannique aux activités de l’EOHR en faveur des femmes. De plus, un projet de loi sur les associations doit être présenté au parlement, qui reprend en grande partie les dispositions de la loi 153 de 1999 sur les " associations et institutions privées ", jugée anticonstitutionnelle en juin 2000, et qui soumettait les ONG à un contrôle accru des autorités.

La FIDH et l’OMCT demandent notamment aux autorités égyptiennes
 d’interdire le recours à la hisba devant les tribunaux égyptiens ;
 de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et éliminer toute discrimination fondée sur la religion ou la conviction
 de procéder à libération immédiate et inconditionnelle de Saad Eddin Ibrahim
 de veiller à ce que le projet de loi sur les associations en discussion actuellement soit conforme aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998
 de respecter les instruments internationaux de protection des droits de l’Homme auxquels l’Egypte est partie ainsi que la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme
 d’inviter à se rendre en Egypte Mme Hina Jilani, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme ;

L’Observatoire appelle enfin les Etats membres de l’Union européenne à évaluer et prendre en compte les mesures prises par les autorités égyptiennes pour se conformer à leurs obligations internationales en matière de droits de l’Homme, lors du processus de ratification de l’accord d’association avec l’Egypte - dont l’article 2 dispose que les Etats parties doivent respecter les droits de l’Homme et les libertés fondamentales.

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