La date du 25 juin 2022 marque les 1 000 jours de détention arbitraire de Mohamed El-Baqer. Ce défenseur des droits humains, avocat et directeur du Adalah Centre for Rights and Freedoms, est actuellement détenu à la prison de haute sécurité Tora 2 au Caire, connue pour ses conditions d’incarcération cruelles et inhumaines. Il lui est interdit de quitter sa cellule pour marcher ou voir la lumière du jour, et l’accès aux soins d’hygiène nécessaires, à l’eau chaude, à un lit ou un matelas, lui sont refusés. Sa famille n’a le droit de lui rendre visite qu’une fois par mois et ne peut pas lui apporter de photos de famille car il n’est pas autorisé à les garder.
Le 29 septembre 2019, Mohamed El-Baquer exerçait son devoir d’avocat des droits humains au Parquet chargé de la sécurité de l’État au Caire, en représentation du blogueur et militant Alaa Abdel Fattah - qui avait été arbitrairement arrêté plus tôt dans la journée - quand il fut lui-même arrêté.
Dans le cadre de l’affaire pénale 1356/2019, les deux hommes furent accusés de charges vagues et infondées, largement utilisées pour criminaliser les voix contestataires en Égypte, notamment « rejoindre un groupe terroriste », « financer un groupe terroriste », « diffuser de fausses informations compromettant la sécurité nationale », et « utiliser les réseaux sociaux pour commettre une infraction de publication ».
Près d’un an plus tard, le 30 août 2020, Mohamed El-Baqer a été interrogé, puis ajouté dans l’affaire n° 855/2020 pour des charges presque identiques, dans le cadre d’une pratique des autorités égyptiennes connue sous le terme de « rotation ». Seulement trois mois après, en novembre 2020, Mohamed El-Baqer, à l’instar de 27 autres militant·es parmi lesquel·les Alaa Abdem Fattah, ont été ajouté·es à la « liste des terroristes » en Égypte pour une période de cinq ans, en lien avec l’affaire sur la sécurité de l’État 1781/2019. En conséquence de sa désignation dans cette liste, Mohamed El-Baqer n’a plus le droit de voyager, ses avoirs sont gelés, et il lui est interdit de s’engager dans toute activité politique ou citoyenne pendant cinq ans. Le 18 novembre 2021, la Cour de cassation a rejeté l’appel qui avait été présenté par ses avocats contre la décision de l’inclure à la « liste des terroristes ».
Après plus de deux ans en détention préventive, la Cour de sécurité spéciale de l’État liée à l’état d’urgence - Misdemeanours Emergency State Security Court - a condamné Mohamed El-Baqer et Alaa Abdel Fattah, à quatre et cinq ans de prison respectivement , pour « avoir diffusé de fausses informations compromettant la sécurité nationale » dans une autre affaire pénale 1228 de 2021. Le défenseur des droits humains et blogueur Mohamed Oxygen a aussi été condamné à quatre ans de prison dans la même affaire. Ils ont tous été condamnés au motif d’avoir diffusé de fausses informations sur les réseaux sociaux ; l’accusation affirme qu’ils ont publié ou partagé de fausses informations sur leurs comptes de réseaux sociaux en 2019. Le verdict est sans appel.
Le droit de Mohamed El-Baqer à une procédure régulière a été continuellement violé par les renouvellements successifs et injustifiés de sa détention préventive, tant par le Tribunal pénal du Caire que par le Parquet suprême pour la sécurité de l’État. Ses avocats n’ont pas été autorisés à obtenir de copie des dossiers de l’affaire, ni avant ni pendant le procès, et ont de facto été empêchés de présenter leur défense. De plus, pendant sa détention, Mohamed El-Baqer a été victime de menaces et de mauvais traitements.
Malgré de nombreux appels internationaux pour la libération de tous les défenseur·es des droits humains détenu·es arbitrairement en Égypte, notamment les déclarations officielles de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseur·es des droits humains et les deux résolutions du Parlement européen sur la situation des défenseur·es des droits humains en Égypte, les autorités ont fait la sourde oreille à ces demandes. De plus, l’incapacité de l’Union européenne à définir des critères d’évaluation concrets et mesurables en matière de droits humains pour évaluer les progrès réalisés dans la relation bilatérale entre l’Union européenne et l’Égypte a contribué à l’impunité des violations des droits humains en Égypte.
Les autorités égyptiennes utilisent constamment des mesures répressives, comme la prolongation de la détention préventive, la réutilisation des affaires contre les dissident·es, les disparitions forcées, la torture, les procès inéquitables et le harcèlement judiciaire pour réduire au silence les voix critiques. Elles ont également recours à des enquêtes infondées sur des accusations liées à la sécurité nationale et à la lutte contre le terrorisme.
Par conséquent, les organisations signataires exhortent les autorités à libérer immédiatement et sans condition Mohamed El-Baqer ainsi que tou·tes les défenseur·es des droits humains détenu·es en Égypte, dont Alaa Abdel Fattah et Mohamed Oxygen, et à mettre fin à toute forme de harcèlement à leurs égards.
Enfin, elles demandent aux États-Unis, à l’Union européenne et à ses États membres, de condamner fermement la répression à l’égard des défenseur·es des droits humains, des journalistes et des militant·es politiques en Égypte et d’utiliser tous les instruments à leur disposition pour mettre un terme à la crise des droits humains que connaît actuellement le pays, conformément à leurs propres engagements dans ce domaine.