Bahreïn : Libération conditionnelle de Hussain Jawad

22/05/2015
Appel urgent
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APPEL URGENT - L’OBSERVATOIRE

Nouvelle information
BHR 001 / 0215 / OBS 011.3
Libération / Harcèlement judiciaire
Bahreïn
22 mai 2015

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Bahreïn.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la libération et de la poursuite du harcèlement judiciaire de M. Hussain Mohamed Jawad, président de l’Organisation européenne-bahreïnie pour la défense des droits humains (European-Bahraini Organisation for Human Rights - EBOHR), au Bahreïn.

Selon les informations reçues, le 19 mai 2015, la 4ème chambre du tribunal de première instance a ordonné la libération provisoire sous condition de résidence de M. Jawad qui était emprisonné depuis le 16 février 2015. Cette décision intervient alors que les témoins de l’affaire ne se sont pas présentés aux audiences précédentes causant des reports d’audience.

Le harcèlement judiciaire de M. Jawad ne s’achève malheureusement pas puisqu’il doit à nouveau comparaître devant la justice bahreïnie le 26 mai 2015 pour répondre des charges de « collecte de fonds auprès du Bahreïn et de l’étranger sans autorisation » (voir rappel des faits).

Dans le cadre d’une autre affaire, M. Jawad est poursuivi pour avoir « critiqué les institutions gouvernementales du Bahreïn », « insulté le drapeau et le symbole du pays », « tenté de troubler l’ordre public » et « participé à un rassemblement illégal » (voir rappel des faits). Il devra comparaître devant la justice à nouveau, le 4 novembre 2015.

L’Observatoire appelle les autorités à abandonner immédiatement et sans condition toutes poursuites contre M. Jawad, en ce qu’elles semblent n’avoir pour seul but que de sanctionner ses activités de défense des droits humains.

De plus, alors que la demande des avocats de M. Jawad de faire inclure une plainte pour torture dans la liste des éléments de preuve a été acceptée le 7 avril 2015, la 4ème chambre du tribunal de première instance n’a toujours pas examiner la dite plainte sous le prétexte que les auteurs n’avaient pas été identifiés au cours de l’enquête. Ainsi, la plainte n’avait toujours pas été formellement incluse dans la liste des éléments de preuve (voir rappel des faits).

L’Observatoire est extrêmement préoccupé par les allégations de mauvais traitements et de torture pendant la détention de M. Jawad, et exhorte les autorités à toujours garantir l’intégrité physique et psychologique de ce dernier, ainsi que d’ouvrir des enquêtes immédiates et efficaces sur ces allégations.

L’Observatoire plus généralement, appelle les autorités du Bahreïn à cesser immédiatement toute forme de harcèlement – y compris au niveau physique et judiciaire - à l’encontre de M. Jawad et à se conformer au droit international et aux instruments internationaux de protection des droits de l’Homme ratifiés par le Bahreïn, notamment, la Convention des Nations unies contre la torture, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée Générale le 9 décembre 1998.

Rappels des faits :

Le 16 février 2015, M. Hussain Mohamed Jawad a été arrêté et placé en détention à la Direction des enquêtes criminelles du Bahreïn sans aucune explication. Lors de son arrestation, des policiers masqués et en civil ont fouillé sa maison et ont confisqué son passeport et son téléphone mobile. M. Jawad a été détenu au secret pendant près de dix heures, avant de pouvoir contacter sa femme pour lui communiquer son lieu de détention et l’avertir qu’il avait fait l’objet de mauvais traitements lors de sa garde à vue.

Le 18 février 2015, M. Jawad a été conduit auprès du procureur en l’absence de notification de son avocat et de sa famille. Le procureur aurait alors ordonné sa libération en attendant son jugement pour « rassemblement illégal » et « émeutes ».

Le 21 février 2015, M. Jawad a comparu devant le ministère public dans le cadre d’une autre affaire. M. Jawad semblait avoir souffert d’actes de torture et de mauvais traitement physiques et psychologiques. M. Jawad aurait été frappé et menacé de mort. On aurait également menacé de s’en prendre à sa femme. On lui aurait bandé les yeux, on l’aurait privé de sommeil et d’eau potable et forcé à rester debout. Dans le but de signer des aveux, M. Jawad aurait été contraint d’écouter les cris d’autres détenus victimes de chocs électriques. Ses mains était gonflées et portaient des blessures au niveau des menottes qu’il aurait gardé depuis le jour de son arrestation.

On lui aurait également refusé l’accès aux toilettes et on l’aurait battu lorsqu’il demandait de s’y rendre. On l’aurait privé de tout accès à sa famille et à son avocat. Il n’aurait pu appelé sa femme que deux fois. Après qu’il ait informé sa femme qu’il avait été battu, il aurait fait l’objet de représailles. Il aurait également été l’objet harcèlement sexuel, obligé à se déshabillé et tripoté.

Pendant l’interrogatoire, M. Jawad ne semblait pas pleinement conscient, semblait souffrir d’hallucinations et de vertiges. Ses vêtements étaient recouvert d’urine. Il a été forcé à signer des aveux obtenus sous la torture. De nouvelles accusations basées sur ces aveux ont été formulées : « collecte de fonds à Bahreïn et à l’étranger pour soutenir des groupes vandales ». Le procureur a ensuite décidé de prolonger sa détention de sept jours.

Le 23 février 2015, M. Jawad a été convoqué par l’unité des enquêtes spéciales (Special Investigation Unit - SIU) aux fins de l’interroger suite au dépôt de sa plainte pour torture. Le 11 mars, Mme Asma Darwish, l’épouse de M. Jawad, a été convoqué par la même unité afin de témoigner.

Le 17 mars 2015, M. Jawad, accompagné de deux autres détenus, a à nouveau comparu devant la justice bahreïnie sur la base d’accusations de « collecte de fonds auprès du Bahreïn et de l’étranger sans autorisation ». M. Jawad a dit au tribunal qu’il était un défenseur des droits de l’Homme et qu’il avait été torturé afin de lui extorquer des aveux. Ses avocats ont demandé sa libération et l’inclusion de la plainte pour torture à la liste de preuves.

Précédemment, le 23 novembre 2013, M. Jawad avait été arrêté et interrogé au sujet d’un discours qu’il avait fait pendant un rassemblement en 2013 Il avait été libéré sous caution le 9 janvier 2014, mais restait poursuivi pour avoir « critiqué les institutions gouvernementales du Bahreïn », « insulté le drapeau et le symbole du pays », « tentative de trouble à l’ordre public » et « rassemblement illégal ».

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités bahreïnie en leur demandant de :

i. Abandonner immédiatement et inconditionnellement les poursuites à l’encontre de M. Hussain Mohamed Jawad, ciblé uniquement pour ses activités de défenses pour les droits de l’Homme ;

ii. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Hussain Mohamed Jawad et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Bahreïn ;

iii. Diligenter une enquête indépendante et effective sur la plainte pour torture et mauvais traitement présentée par M. Jawad, afin d’identifier tous les responsables et de les juger devant des tribunaux compétents ;

iv. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre de M. Jawad et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Bahreïn ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :

 son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;
 son article 6 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres : c) D’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question” ;
 et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration”.

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Bahreïn.

Adresses :

Cheikh Hamad bin Issa AL KHALIFA, Roi du Bahreïn, Fax : +973 176 64 587
Cheikh Khaled Bin Ahmad AL KHALIFA, Ministre des affaires étrangères, Tel : +973 172 27 555 ; Fax : 00973 17 21 05 75 ; ofd@mofa.gov.bh
Cheikh Khalid bin Ali AL KHALIFA, Ministre de la justice et des affaires islamiques, Tel : +973 175 133 00 ; Fax : +973 175 31 284
Lt. Gen. Cheikh Rashed bin Abdulla AL KHALIFA, Ministre de l’intérieur, Tel : +973 17572222 et +973 17390000 ; info@interior.gov.bh
H.E. Ahmed Mohammed Yousif Aldoseri, Ambassadeur du Royaume de Bahreïn à Bruxelles, Avenue Louise 250, 1050 Bruxelles, Belgique ; Fax : 0032 (0) 26472274 ; E-mail : Brussels.mission@mofa.gov.bh

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Bahreïn dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 22 mai 2015

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

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