La répression violente des opposants saoudiens est une menace pour la paix et la sécurité internationale

08/01/2016
Communiqué
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AFP : SOOC

(Paris) La FIDH dénonce la répression croissante des détenus et des opposants politiques saoudiens par le Ministère de l’Intérieur sous la direction du prince Mohammed Bin Nayef et la hausse alarmante des exécutions capitales dans ce pays depuis 2013.

Le 2 janvier 2016, 47 hommes, dont certains étaient mineurs au moment de leur arrestation, accusés, entre autres charges, d’être liés à des actes terroristes organisés entre 2003 et 2004, ont été exécutés au terme de procès qui n’ont pas respecté les droits de la défense et au cours desquels ont été émises des allégations de torture. L’Arabie saoudite n’avait pas connu une série d’exécutions d’une telle ampleur depuis 1980. En 2015, 158 prisonniers ont été exécutés, soit 68 % de plus que l’année précédente.

Parmi les détenus exécutés le 2 janvier, le Cheikh chiite Nimr Al-Nimr, était l’un des principaux opposants au régime, défenseur des droits de la minorité chiite et chef de file de la révolte qui agite la région orientale de Qatif depuis 2011.

Outre les châtiments inhumains imposés aux individus accusés d’être membres du soi-disant État Islamique ou d’Al-Qaida, le ministère de l’Intérieur saoudien orchestre, sous couvert de lutte anti-terroriste, une répression sans précédent contre les manifestants, les défenseurs des droits humains, les opposants politiques et la minorité chiite.

Depuis le début du « Printemps arabe », les forces de sécurité du Ministère ont arrêté des dizaines d’intellectuels, de journalistes, de professeurs, d’avocats et d’activistes qui réclament une réforme de la justice pénale et la mise en place d’une monarchie constitutionnelle ainsi que des centaines de manifestants chiites mobilisés contre les discriminations dont ils sont victimes.

« Désobéissance au Roi » et « incitation à la sédition », « insulte aux autorités judiciaires ou religieuses », « tentative de coup d’Etat », « création d’une organisation non autorisée » sont les chefs d’accusation retenus contre ces opposants systématiquement renvoyés devant une « Cour pénale spécialisée » : un tribunal « anti-terroriste » mis en place par le gouvernement en 2008 et qui s’est en fait illustré par la condamnation de dizaines de défenseurs des droits humains.

C’est cette procédure qui a été utilisée pour exécuter le 2 janvier, le Cheikh Al-Nimr, et contre plusieurs activistes chiites originaires de l’est saoudien qui ont pris part aux manifestations. Les détenus ont affirmé avoir été victimes de tortures sans que ces allégations ne donne lieu à la moindre enquête.

Des procédures similaires ont été utilisées pour condamner le blogger Raif Badawi, créateur du site Internet Free Saudi Liberals et lauréat du Prix Sakharov 2015, à 1.000 coups de fouet et dix années de prison en septembre 2014, son avocat Waleed Abu al-Khair à 15 ans de prison en février 2015, et pour faire fermer en mars 2013 l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA).

Le Ministère de l’Intérieur saoudien a également réprimé violemment les campagnes en faveur des droits des femmes, notamment le mouvement des "femmes conductrices" au prix d’arrestations, de détentions arbitraires et d’interdictions de sortie du territoire, comme celles qui ont frappé les célèbres activistes Loujain al-Hathloul et Samar Badawi, sœur de Raif Badawi et épouse de Walid Abu al-Khair.

Malgré ces graves violations des droits humains commises par les autorités saoudiennes, les condamnations et les pressions de la communauté internationale sont remarquablement timides.

Les conséquences de la répression des opposants politiques saoudiens, et des violences exercées contre la minorité chiite, sont rendues particulièrement dangereuses par l’implication croissante du gouvernement saoudien dans les conflits armés et confessionnels qui enflamment le Moyen-Orient et par le soutien inconditionnel apporté au régime saoudien par les Etats occidentaux dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, et ce malgré les atrocités commises par les forces saoudiennes, notamment au Yémen, dont certaines pourraient être constitutives de crimes de guerre et autres graves violations du droit international humanitaire et des droits humains.

Soutenir dans le monde arabe des régimes non démocratiques qui méprisent le droit international ne peut en aucun cas servir la lutte contre le terrorisme, mais entretient au contraire les conditions de l’exacerbation d’une crise régionale où le non respect des droits humains fait le lit d’une violence protéiforme. Seuls le respect de l’État de droit, l’accès égal des populations aux affaires publiques, le soutien aux sociétés civiles et la construction d’espaces publics inclusifs et égalitaires au Moyen Orient permettront de jeter les bases pérennes et efficaces d’une véritable lutte contre la terreur.

De par l’importance stratégique du rôle régional de l’Arabie saoudite, le respect des droits humains, civils et politiques dans ce pays constitue un enjeu régional et international majeur.

La FIDH rappelle sa ferme opposition à la peine de mort, pour tous les crimes et en toute circonstance. Elle appelle les autorités saoudiennes à instaurer un moratoire immédiat sur la peine de mort.

La FIDH appelle les Etats occidentaux à conditionner la signature de contrats à un respect strict des libertés individuelles, civiles et politiques et du droit international et à suspendre les contrats existants en cas de violation des droits humains par le régime saoudien. Elle appelle en outre tous les Etats à mettre un terme immédiat aux ventes d’armements et de matériels militaires à l’Arabie saoudite, et à observer un tel moratoire tant qu’une enquête internationale indépendante n’aura pas été menée sur la conduite des opérations militaires, notamment des frappes aériennes de la coalition saoudienne, au Yémen.

Il est de la responsabilité des institutions intergouvernementales, notamment les Nations unies, de dénoncer ces violations de droit international qui mettent en péril la paix et de la sécurité internationale.

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