Algérie : les autorités doivent cesser toutes atteintes aux libertés fondamentales

RYAD KRAMDI / AFP

La répression implacable de la dissidence se poursuit alors qu’un expert en droits humains des Nations Unies se prépare à visiter le pays.

À la veille de la visite du Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, prévue en Septembre, les autorités algériennes devraient mettre fin à leurs attaques contre l’espace civique et permettre aux organisations indépendantes d’opérer sans restrictions arbitraires, ont déclaré aujourd’hui 15 groupes de défense des droits humains.

La visite du rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d’association, Clément Nyaletsossi Voule, est prévue du 16 au 26 septembre. Les autorités algériennes avaient reporté sa visite prévue il y’a un an, elles ont depuis intensifié la répression des libertés fondamentales, notamment la liberté d’association et de réunion.

« Les autorités algériennes sont en train de mener une répression impitoyable contre le mouvement pro-démocratique algérien et contre toute personne qui critique le gouvernement. Il est impératif que les expert.es de l’ONU, soutenu.es par la communauté internationale, défendent celles et ceux qui luttent pour les droits humains dans le pays », a déclaré Nassera Dutour, présidente du Collectif des Familles des Disparus en Algérie.

Les Nations Unies doivent prendre la mesure de la gravité de la situation en Algérie

La visite du rapporteur spécial de l’ONU offre aux autorités algériennes une occasion importante de démontrer leur engagement à respecter leurs obligations en matière de droits humains, ont déclaré les groupes signataires. Elles devraient libérer toutes les personnes emprisonnées pour leur militantisme ou leur expression pacifique, permettre aux organisations de la société civile, aux syndicats et aux partis politiques d’opérer librement et abroger les lois répressives utilisées pour écraser la dissidence.

Les autorités ont dissous la plus ancienne organisation de défense des droits humains en Algérie, la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), ainsi qu’une association de premier plan, le Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ). Au moins deux partis politiques ont été suspendus, le Parti Socialiste des Travailleurs et le Mouvement Démocratique et Social, et deux médias indépendants, Radio M et Maghreb Emergent ont été fermés, réduisant encore plus au silence les voix dissidentes. Le journaliste Ihsan El Kadi, condamné à sept ans de prison, le chercheur Raouf Farrah ainsi que Mustapha Bendjema, tous deux condamnés à deux ans de prison ferme, ont tous été emprisonnés sur la base d’accusations fallacieuses de « réception de fonds étrangers pour nuire à l’ordre public ».

« Les autorités algériennes ont pris des mesures extrêmes pour supprimer les voix critiques et fermer l’espace civique. A l’occasion de la visite du Rapporteur spécial, l’Algérie doit libérer tout.es les prisonniers d’opinion et cesser toutes poursuites contre les activistes et les défenseur·es des droits humains fondés sur l’exercice de leurs droits légitimes, » a déclaré Aissa Rahmoune, vice-président de la FIDH.

Les libertés fondamentales ne sont plus garanties par les autorités

Tout au long de la période qui a suivi les élections législatives de juin 2021 et a conduit au troisième anniversaire du mouvement pro-démocratique du Hirak en février 2022, le harcèlement, l’intimidation et les attaques contre les dissident·es se sont intensifiés. Fin 2022, on comptait 280 activistes et manifestant·es emprisonné·es pour leur participation au mouvement du Hirak. Les organisations locales et les personnes surveillant les arrestations et les détentions arbitraires ont également été attaquées, notamment l’activiste et lanceur d’alerte Zaki Hannache qui a été condamné par contumace à trois ans de prison sur la base d’accusations fallacieuses (« diffusion de fausses informations », « réception de fonds » et « atteinte à la sécurité de l’État et à l’intégrité du territoire national »).

« L’espace civique a été si sévèrement restreint par les autorités algériennes que même les quelques libertés acquises depuis les années 1990 ont été annihilées. Les autorités doivent de toute urgence faire marche arrière et respecter les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion », a déclaré Ziad Abdeltawab, vice-président de l’Institut du Caire pour les Etudes des Droits de l’Homme.

Entre 2020 et 2023, plusieurs lois ont été ajoutées à l’arsenal juridique, déjà répressif, de l’Algérie pour étouffer la liberté d’association et de réunion. Le Code pénal a été modifié pour inclure un article prévoyant jusqu’à 14 ans de prison pour la réception de fonds étrangers dans le cadre d’une organisation ou d’une association. De même, par l’ordonnance présidentielle n° 21-08 de 2021, la définition de l’infraction pénale de terrorisme a été étendue pour incriminer les actions visant à œuvrer ou inciter, par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels. En mars 2023, une loi sur les syndicats a été adoptée, visant à contrôler étroitement l’activité syndicale.

Les organisations signataires attirent l’attention du Rapporteur Spécial sur les risques de harcèlement et d’intimidation à l’égard des activistes de la société civile qu’il pourra être amené à rencontrer lors de sa visite dans le pays, et appellent les autorités algériennes à garantir leur sécurité et leur intégrité.

« Les autorités algériennes ont intensifié leur contrôle en dissolvant plusieurs organisations de la société civile et en promulguant des lois restrictives pour réprimer la dissidence, étouffant ainsi toute voix qui défend à juste titre le droit de vivre dans une démocratie, » a déclaré Wadih Al Asmar, président d’EuroMed Droits.

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