Nouvelle vague de répression et de violence

29/03/2002
Rapport

Le 12 mars 2002, M. Abdelaziz Bouteflika, président de la république, annonçait la reconnaissance du Tamazight comme langue nationale et le réexamen de l’implantation des unités de gendarmerie en Kabylie. Dans ce même discours, le Président affirmait sa volonté de rétablir l’ordre en Kabylie par tous les moyens légaux.

Trois jours après, le 14 mars 2002, une marche pacifique à l’appel du Front des Forces Socialistes (FFS) à Alger et un meeting du " Comité citoyen " d’Akbou (wilaya de Béjaïa) étaient interdits et réprimés. À Azzazga, la gendarmerie bouclait la ville et pourchassait des manifestants en s’adonnant à une véritable expédition punitive : ainsi, les clients du café "Aux Quatre-Chemins" ont été contraints de se mettre à genoux et l’établissement saccagé.
Depuis, la nouvelle vague de répression qui touche la Kabylie et d’autres régions en Algérie préoccupe gravement la FIDH.
En une semaine, la violence de la répression a fait cinq morts, dont un adolescent de 14 ans, des dizaines de blessés, dont quelques uns par balles réelles, et les expéditions punitives ont touché pratiquement tous les villages de Kabylie. Toute tentative d’organisation de meeting, de rassemblement ou de marche pacifique est systématiquement réprimée par les forces de l’ordre et suivie d’arrestations de manifestants. A Béjaïa, un sit-in de protestation devant le Palais de justice pour demander la libération des manifestants a été violemment réprimé et ses animateurs arrêtés. Au moins 7 personnes ont déjà été condamnées à des peines allant de 4 mois à 1 an d’emprisonnement.
Outre les manifestants, arrêtés par dizaines, de nombreux responsables des comités de citoyens ont été interpellés à leurs domiciles, de nuit, par des civils armés cagoulés. À Tizi-Ouzou, les forces de sécurité ont investi la permanence du comité des citoyens confiscant matériel et documents et déchirant en public les portraits des victimes du " Printemps noir ". Dans les " wilayates " de Béjaïa, de Sétif et de Bouira, les représentants des comités de citoyens ont été enlevés de nuit. Ce vendredi 29 mars, les familles étaient toujours sans nouvelles de leurs proches.
À ce jour, au moins 37 responsables et animateurs des comités de citoyens ont été arrêtés et placés sous mandat de dépôt avec de lourdes charges retenues contre eux (incitation à la violence, destruction de biens de l’Etat, attroupements illégaux, ... ). D’après des avocats, certains prévenus auraient subi des sévices durant leur garde à vue.
Outre les quatre départements de Kabylie, la contestation sociale s’est étendue à d’autres régions, notamment Jijel, Ain Defla et Saïda qui ont connu ces derniers jours des manifestations de rue, réprimées à leur tour. À Oran, le 26 mars 2002, sur la demande du préfet d’Oran, les forces de l’ordre ont emmené de force et sans mandat préalable neuf grévistes de la faim, dont trois femmes, du Syndicat National Autonome du Personnel de l’Administration Publique (SNAPAP). Des responsables de cette section syndicale ont été présentés le lendemain devant le juge d’instruction et inculpés d’entrave à la liberté du travail, occupation illégale des lieux de travail et dégradation des biens publics. En attendant leur procès, les neuf syndicalistes sont sous contrôle judiciaire, sommés de se présenter chaque samedi et mercredi au tribunal d’Oran et sont suspendus de leur travail.
La FIDH vivement préoccupée par ces faits, demande aux plus hautes autorités algériennes de mettre fin à cette répression et se conformer aux dispositions de la déclaration universelle des droits de l’Homme et des instruments relatifs aux droits de l’Homme, notamment le Pacte International sur les droits civils et politiques ainsi qu’au Pacte International sur les droits économiques, sociaux et culturels.

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