Après les tremblements de terre ayant frappé la Turquie le 6 février 2023, les migrant·es vivant dans le pays ont vu leurs conditions de vie se détériorer. La montée du racisme a engendré de violentes attaques à leur encontre. Ainsi, les zones touchées par les tremblements de terre ne peuvent plus être considérées comme sûres pour ces personnes. Elles sont par ailleurs exclues des programmes d’aide et ont du mal à accéder aux produits et aux services de première nécessité, comme de l’eau potable ou un abri. Elles ont été accusées de « piller », et des attaques en bande à caractère raciste ont été signalées à l’encontre de membres de communautés arabophones dans la région. Des représentant·es du gouvernement utilisent une rhétorique anti-migrante et alimentent les sentiments racistes. Par ailleurs, des organisations de défense des droits humains actives dans la région ont rapporté que les migrant·es qui avaient réchappé aux attaques risquaient d’être torturé·es par des agents de police.
Les séismes du 6 février ont touché au moins dix villes en Turquie. Or, c’est précisément dans ces villes que le taux de population migrante par rapport à la population locale est le plus élevé. Les personnes migrantes, qui font déjà partie des populations les plus vulnérables en raison de leur statut socioéconomique, sont aussi celles qui ont été le plus directement ciblées après les tremblements de terre. Dès le 8 février, alors que des milliers de personnes coincées sous les décombres tentaient de survivre, de fausses informations racistes et anti-migrantes ont été propagées par des organismes gouvernementaux et des représentant·es des partis politiques, constituant une véritable menace pour les personnes migrantes ayant survécu aux séismes. L’État n’a mis en place aucune mesure permettant d’assurer leur sécurité sur place et n’a pas non plus facilité leur transfert vers d’autres villes. En effet, les personnes migrantes doivent demander une autorisation pour quitter la ville où elles sont inscrites. Privées de cette autorisation, des milliers de personnes se retrouvaient encore début mars dans les zones sinistrées sans avoir accès à une tente, alors que les températures étaient négatives la nuit. Cette situation est caractéristique de l’incapacité systématique de l’État turc à remplir ses obligations en matière de protection des populations migrantes sur son sol.
Du côté européen, les agences de garde-côtes grecques et Frontex (l’agence européenne de garde-frontières) s’emploient à ériger les murs de la « Forteresse Europe » à grand renfort de budgets pharaoniques et toujours plus élevés, au mépris des droits des personnes migrantes forcées de retourner en Turquie où elles risquent leur vie. En Grèce, les îles situées près de la péninsule anatolienne sont devenues des « hotspots » où des règles de procédure exceptionnelles s’appliquent. Là-bas, les personnes migrantes sont présentées comme une menace à l’existence même de la Grèce. Celles qui arrivent à rejoindre ces îles après avoir survécu aux tentatives de renvoi par les garde-côtes, sont parquées dans des camps faisant office de prisons à ciel ouvert, loin des centres-villes, rendant difficile l’accès à des soins médicaux et aux procédures de demandes d’asile. Par ailleurs, de nombreuses demandes de protection internationale sont rejetées au prétexte que la Turquie est un pays tiers sûr, en vertu de la déclaration UE-Turquie. De nombreuses personnes migrantes qui se sont retrouvées de fait piégées sur ces îles ont fini par y laisser la vie, sans que les autorités grecques aient à rendre de comptes et sans que la politique migratoire soit remise en question. Bien au contraire, la Grèce, grâce au soutien politique et financier de l’Union européenne continue à ouvrir de nouveaux camps. De plus, comme en Turquie, les médias et certains réseaux politiques encouragent la discrimination contre les personnes migrantes. Celles-ci, ainsi que les personnes les soutenant, bénévolement ou dans le cadre de leur travail, sont passibles de poursuites. Des enquêtes pénales sans fondements sont ouvertes à leur encontre et certaines ont été condamnées à l’issue de procès ne faisant état d’aucune preuve. Grâce à un arsenal législatif « antiterroriste » permettant de prononcer des condamnations pour espionnage, contrebande ou trafic d’êtres humains, les autorités grecques ont réussi à établir un climat de peur, à l’image de ce qu’a fait la Turquie.
Nous, les organisations signataires, demandons à ce que soit mis immédiatement un terme aux politiques d’externalisation des frontières. Par ailleurs, nous appelons à ne plus considérer les populations migrantes comme de la main-d’œuvre bon marché ou comme un moyen de pression politique au niveau national et international.
Nous rappelons que les accords d’externalisation signés entre l’Union européenne et la Turquie ou les pays d’Afrique du Nord nient la responsabilité des parties à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et sont donc contraires au droit international. Nous appelons ainsi à leur abrogation immédiate.
Nous, les organisations signataires, exigeons :
– La suppression immédiate des mesures instaurées par la déclaration UE-Turquie, telles que retranscrites dans les lois et règlements grecs et dans les accords internationaux avec la Turquie, ainsi que l’abrogation de tout autre accord d’externalisation signé avec d’autres pays et dont le seul but est d’empêcher les migrant·es d’entrer dans l’Union européenne ;
– L’arrêt des renvois forcés illégaux entre la Grèce et la Turquie, qui violent le droit à la vie et représentent une forme de torture comme définis dans la Convention européenne des droits de l’homme, et la mise en place immédiate de mécanisme de secours aux rescapé·es ;
– Le respect des droits des migrant·es et la garantie de conditions de vie décentes et de liberté de mouvement.